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ANALYSE

Accord franco-algérien et le droit à la vie privée et familiale : Le tribunal administratif de Melun annule la décision de la préfecture de la Seine et Marne


Alwihda Info | Par Me Fayçal Megherbi - 11 Mars 2025


Par deux requêtes enregistrées le 17 mars 2023 sous le n°2302671 et le n°2302673 et quatre mémoires complémentaires enregistrés le 28 mars 2023 et le 4 mars 2024, Mme JK et M. FK ont demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour, les a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l’issue de ce délai et d’enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à Mme JK et M. FK deux certificat de résidence de dix ans au titre de l’« ascendant de français à charge », dans le délai d’un mois à compter du jugement à intervenir, sous une astreinte de 200 euros par jours de retard.


Illustration © DR
Illustration © DR
Par deux requêtes enregistrées le 17 mars 2023 sous le n°2302671 et le n°2302673 et quatre mémoires complémentaires enregistrés le 28 mars 2023 et le 4 mars 2024, Mme JK et M. FK ont demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté du 20 février 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour, les a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l’issue de ce délai et d’enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à Mme JK et M. FK deux certificat de résidence de dix ans au titre de l’« ascendant de français à charge », dans le délai d’un mois à compter du jugement à intervenir, sous une astreinte de 200 euros par jours de retard.

Ils soutiennent que s’agissant, d’abord, de la décision de refus de délivrance d’un titre de séjour : elle méconnaît le b) de l’article 7 bis de l’accord franco-algériens du 27 décembre 1968 dès lors qu’ils sont entrés en France par la Belgique et qu’ils ne peuvent leur être reprochés une absence de visa, qu’ils étaient en situation régulière lors de sa demande de titre de séjour et qu’ils sont effectivement à charge de son fils français et méconnaît l’article 6-5 de l’accord franco-algériens du 27 décembre 1968 ainsi que les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La décision préfectorale est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En deuxième lieu, s’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision de refus de titre qu’elle assortit et méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2024, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet des deux requêtes. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme JK et M. FK ne sont pas fondés.

M. FK, ressortissant algérien, né en 1940 en Algérie et Mme JK, ressortissante algérienne née en 1949 en Algérie, ont sollicité la délivrance d’un certificat de résidence sur le fondement du b) de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien.

Par deux arrêtés du 20 février 2023, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l’issue de ce délai.

Par les deux requêtes déposées auprès du Tribunal administratif de Melun, M. FK et Mme JK demandent l’annulation de ces deux arrêtés.

Aux termes de l’article 7 bis de l’accord franco algérien susvisé : « (…) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / (…) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (…) ».

L’autorité administrative, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la délivrance d’un certificat de résidence au bénéfice d’un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d’ascendant à charge d’un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l’intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu’il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu’il ne justifie pas des ressources nécessaires pour ce faire.

Il ressort des pièces du dossier que M. FK perçoit une retraite de 58 335 dinars par mois, ce qui est supérieur au montant du salaire national minimum garanti algérien fixé, depuis le 1er juin 2020, à 20 000 dinars par mois. Il n’est par ailleurs pas démontré que les époux ne disposaient pas ainsi de ressources propres d’un montant suffisant pour leur assurer une indépendance financière et assurer leurs besoins en Algérie.
En outre, les cinq ordres de virement de leur fils à leur bénéfice effectué entre janvier 2019 et avril 2019 d’un montant total de 1850 euros et les ordres de virement de leur fille à compter de décembre 2019 ne permettent pas d’établir que leurs enfants pourvoyaient régulièrement à leurs besoins avant leur entrée en France.
Dans ces conditions, quand bien même le fils de nationalité française disposerait des ressources et d’un logement lui permettant de prendre en charge ses parents, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doit être écarté.

Aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Pour contester les décisions attaquées leur refusant un titre de séjour, M. FK et Mme JK soutiennent qu’ils ont le centre de leurs intérêts privés et familiaux sur le territoire français où ils résident depuis février 2019.
Il ressort des pièces du dossier que le couple est hébergé par leur fils, de nationalité française, et son épouse depuis leur date d’arrivée en France, ainsi que cela ressort de l’attestation d’hébergement produite, que leur première fille est de nationalité française et réside en France avec son époux et ses enfants, que leur seconde fille est de nationalité belge et que leur dernier fils est présent sur le territoire français.

Il ressort en outre des pièces du dossier, que leurs deux enfants français les aident matériellement en leur versant de l’argent de manière régulière depuis leur arrivée sur le territoire français en 2019. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision attaquée, Mme JK est âgée de 73 ans et M. FK est âgé de 83 ans, qu’il a souffert d’un cancer du côlon dont il a été opéré en 2018, raison de leur venue en France afin d’être plus proche de leurs enfants, et qu’il présente un début de maladie dégénérative ainsi que cela ressort du compte-rendu de consultation du 26 mai 2020. Dans ces conditions, eu égard à l’intensité des liens familiaux dont ils justifient en France, de l’absence de famille dans leur pays d’origine et de la situation de santé justifiant leur proximité avec leurs enfants, M. FK et Mme JK sont fondés à soutenir qu’en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet de Seine-et-Marne a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ses décisions et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que M. FK et Mme JK sont fondés à demander l’annulation des arrêtés du 20 février 2023 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne leur a refusé la délivrance d’un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l’issue de ce délai.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent jugement implique qu’il soit enjoint au préfet de Seine-et-Marne, ou à tout autre préfet territorialement compétent, en application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. FK et Mme JK un titre de séjour temporaire d’un an chacun portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.


Références : Jugements numéros 2302671, 2302673 du 30 janvier 2025 du Tribunal administratif de Melun

Par Me Fayçal Megherbi, avocat à la Cour



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