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"Du Tchad à l'OM" Pape Diouf


Alwihda Info | Par Djamil @ - 8 Mars 2009


Il a été coursier, « pion », puis journaliste et agent de joueurs. Pape Diouf, 57 ans, a eu plusieurs vies avant de devenir président de l'OM en 2004. Il les raconte dans un livre d'entretiens avec Pascal Boniface, directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques*. Du Tchad à l'OM, le seul président noir d'un club professionnel se raconte dans un livre. Extraits exclusifs.


Du Tchad à l'OM, le seul président noir d'un club professionnel se raconte dans un livre... (Reuters)
Du Tchad à l'OM, le seul président noir d'un club professionnel se raconte dans un livre... (Reuters)
L'Afrique et l'école
"La première image qui me revient, [...] c'est d'abord celle d'une famille unie par des liens affectifs très forts. Avec une mère qui était le vrai 'baobab' de la maison [...]. Et un père qui, bien que polygame et partagé entre deux familles, a su rester très proche de ses enfants. [...] L'éducation a toujours été quelque chose d'important. [...] Mon père n'est pas allé à l'école. C'est en s'engageant dans l'armée qu'il a construit sa vie. Une vie bien remplie, puisqu'il a fini par apprendre à lire et à écrire, et à se faire un chemin au sein même de l'armée. [...] C'est de là qu'il a tiré ce sentiment d'être français, profondément français. Du reste, il a toujours gardé la nationalité française, dont toute sa famille et donc moi-même avons bénéficié."

Rothen et la peur de l'agent noir
"Avant de partir à l'OM (en 2004), j'avais plus de soixante-dix joueurs avec moi, dont Marcel Desailly, Grégory Coupet, William Gallas, Didier Drogba, quasiment tous des internationaux. [...] Au départ, j'ai surtout travaillé avec des footballeurs africains ou noirs. Puis le bouche à oreille a élargi le cercle [...] et de nombreux joueurs blancs m'ont rejoint. Mais il y eut une exception. Un joueur que j'avais rencontré avait souhaité travailler avec moi, mais, au dernier moment, il a préféré renoncer. Le motif? Il ne savait pas comment serait perçu le fait qu'il travaille avec un... Noir! Ce garçon s'appelle Jérôme Rothen. Je trouve cela étonnant, encore aujourd'hui: il pensait, bien qu'il ait adhéré à mon discours, qu'il était un peu risqué pour lui de prendre un agent noir..."

L'UEFA et le racisme
"Il manque une force pour lutter véritablement contre le racisme. [Après les incidents de Saint-Pétersbourg en 2007 et de Madrid en 2008] J'attendais que l'UEFA réponde de façon énergique à ces insupportables dérives, d'autant que cette instance a annoncé haut et fort que la lutte contre le racisme constituait une priorité. [...] Nous sommes obligés de nous demander si l'UEFA a réellement la volonté d'éradiquer ce fléau. [...] On a comme l'impression que tout le monde cherche avec plus ou moins de mauvaise conscience à s'habituer à ce qui se passe. Chacun va y aller de son grand discours, chacun exprimera son indignation, mais ça n'ira pas plus loin. On attend la fois d'après, et encore la fois d'après, on recommence la même scène. [...] Pourquoi ne voit-on pas, comme moi aujourd'hui, d'autres présidents de clubs noirs? Pourquoi ne les voit-on pas non plus occuper des fonctions managériales? C'est le reflet de la société."

Obama et moi
"Certains ont pu dire que, par son élection, Obama a rendu aux Noirs une certaine fierté. Si je considère ma position personnelle, j'ai l'impression que son élection me crédibilise encore plus à mon poste de président de l'OM. Une grande partie de la population noire peut se dire désormais que les choses, finalement, peuvent quand même changer."

Le clasico et ses excès
"Un PSG-OM a un peu la saveur d'un grand clasico comme il en existe dans tous les championnats. Il faut effectivement qu'il y ait un affrontement qui sorte de l'ordinaire, qui mette un peu de piment et suscite même des débordements et des excès. Mais point trop n'en faut. C'est ce qui m'a gêné ces dernières années, de devoir constater qu'une haine à l'état pur avait empoisonné ce qui aurait dû rester dans le domaine des relations proprement sportives. J'ai pensé qu'il fallait tirer la sonnette d'alarme. [...] J'ai essayé de faire quelque chose, non pas avec [Pierre Blayau (président du PSG en 2005-2006], d'une grande arrogance, imbu de lui-même, et qui pensait devoir régenter le monde. Avec cet homme-là, il n'était pas possible d'arriver à des solutions. Mais dès que [Alain] Cayzac [président de 2006 à 2008] est arrivé, on a entrepris ensemble de dépassionner les relations."

RLD et les millions
"Une connaissance commune lui avait parlé de moi en lui suggérant, puisqu'il venait d'acquérir l'OM, de me rencontrer, car j'étais un de ceux qui connaissaient assez bien le paysage sportif ainsi que politique de cette ville particulière. Nous nous sommes donc rencontrés dès son arrivée, et le courant est très rapidement passé. [...] Chaque fois qu'il était au stade, il se plaisait à discuter avec moi. Jusqu'au moment où je lui ai soufflé le nom de William Gallas, dont on ne parlait pas encore beaucoup, mais dont je lui ai confié être sûr qu'il allait devenir un grand. Gallas était sur le point de signer à Auxerre, j'ai donc dit qu'il fallait faire vite. Robert m'a alors demandé: 'Je vous fais confiance, combien ça coûte?' Je crois avoir répondu 5 millions de francs. Et l'affaire a été conclue. L'OM a revendu Gallas, un peu plus tard, 65 millions de francs, plus de dix fois son prix d'acquisition! Après ça, Robert a toujours écouté avec beaucoup d'attention les suggestions que j'ai été amené à lui faire."

Aulas et les ordinateurs
"Lyon reste une espèce de machine froide, qui certes a de bons résultats au niveau national et européen, mais qui se montre un peu à l'image des ordinateurs froids dont Jean-Michel Aulas s'est fait le professionnel, sinon le prophète. [...] Autant, du côté lyonnais, ils pensent d'abord 'football business', autant, à Marseille, nous pensons d'abord 'football spectacle' en privilégiant le beau jeu [...]. Nous représentons donc certainement deux clubs différents, nous sommes deux personnalités différentes. Il faut dire aussi que Jean-Michel Aulas est devenu une espèce de 'commandeur' du football français que la plupart de ses interlocuteurs ont le souci de ménager [...]. Je n'ai pas du tout ce souci. [...] Il disait dernièrement qu'à la tête de l'OM, il aurait été champion d'Europe. Sa petite provocation m'a fait sourire, j'ai eu envie de lui demander ses recettes pour faire d'un club le champion d'Europe que Lyon n'arrive pas à être!"

*De but en blanc, de Pape Diouf, Hachette littératures, 240 p., 17 euros. Sortie le 11 mars.



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