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INTERNATIONAL

Le Président Obama au Sénégal en juin : Un succès diplomatique pour Macky Sall


Alwihda Info | Par Aly Samba Ndiaye - 26 Mai 2013



La venue annoncée du président américain Barack Obama  au Sénégal au mois de juin est sans conteste un grand succès diplomatique, pour le Sénégal et le Président Macky Sall. Ce n’est pas la première fois que des chefs de l’exécutif américain foulent le sol sénégalais. D’autres illustres hommes d’Etat du Nouveau Continent, et non des  moindres, ont dans le passé honoré notre pays de leur présence : Georges  Bush et Bill Clinton. Dans le contexte de guerre froide d’alors, le Sénégal, symbole de tolérance et vitrine démocratique dans une Afrique en proie aux violences dictatoriales, a été toujours perçu par l’Amérique comme un terrain d’expression, voire d’expérimentation, démocratique de premier plan par l’administration américaine, qu’elle fut républicaine ou démocrate. Sans doute, figure de proue du pré carré français, notre pays a autant inspiré prudence et réserve à l’Oncle Sam, davantage tourné vers les pays  pétroliers arabes et les nations anglophones avec lesquels il partage sinon des affinités linguistiques et culturelles, du moins des intérêts économiques substantiels. Parce que la guerre froide prévalait, la présence militaire américaine, si elle n’était pas permanente et massive, était loin d’être virtuelle.

Les navires de guerre américains ont toujours mouillé au large de Dakar, pour les besoins de manœuvres militaires stratégiques. Et les sites militaires, ou l’espace aérien de notre capitale n’ont pas tout simplement servi de point de transit ou de départ d’unités militaires. C’est le cas durant les deux guerres que l’Amérique a menées contre l’Irak, pour le bouter hors du Koweït et le punir de son implication (non encore prouvée) dans les vagues terroristes de la fin des années 90 et début 2000.

Souci sécuritaire

A défaut de présenter un intérêt économique de premier plan, le Sénégal a constamment fait partie des « plans » américains pour  lesquels les administrations respectives s’entendent au moins sur un point : la sécurité nationale passe avant toute autre considération. Ce même souci explique le nombre impressionnant d’officiers militaires sénégalais formés aux Etats-Unis. Ainsi pourrait-on dire des corps de métiers impliqués dans la guerre contre le trafic de drogue, et contre ce que les Américains appellent le « terrorisme islamiste ». Dans d’autres domaines non géostratégiques, c’est-à-dire essentiellement culturel et historique, l’intérêt que les Américains  portent à notre pays justifie amplement une diplomatie active au plus haut niveau. Dakar n’est-il pas la pointe la plus avancée de l’Afrique vers les Etats-Unis ? Cette proximité géographique crée forcément avec le temps des liens forts.

Les Etats-Unis ne donnent jamais dans l’angélisme. Ils savent lire dans l’esprit du temps pour caler leur diplomatie sur les tendances géopolitiques les plus actuelles et qui leur sont à fortiori profitables. La première visite en terre africaine d’Obama a été consacrée à l’Egypte où Barack Obama, accueilli par Hosni Moubarak, a prononcé son fameux discours du Caire où il  vanté les vertus pacifiques de l’Islam. Stratégiquement et politiquement, le coup était bien joué. On venait juste de sortir du psychodrame provoqué par les attentats contre le World Trade Center et la guerre des civilisations entre l’Islam et l’Occident théorisée par des auteurs américains célèbres était encore prégnante. Les Américains sont traumatisés par cette nouvelle forme d’expression et de révolte et les pays islamiques se sentaient pestiférés et montrés du doigt comme les  promoteurs d’une guerre sans visage et les pires ennemis de la civilisation mondiale et de la démocratie. Dans la capitale égyptienne, Obama joue à l’apaisement et relativise la portée de cette l’explosion de violence, en pointant l’index vers, principalement, les groupes minoritaires adeptes de la violence et du terrorisme. Au Ghana, second pays africain ayant eu les faveurs d’Obama, et le seul en Afrique noire, c’est la réussite économique, la stabilité politique et l’instinct démocratique que le Président américain va mettre en valeur. C’est là qu’il a prononcé son fameux discours dans lequel il disait que l’Afrique a moins besoins d’hommes forts que d’institutions fortes.

Corriger les errements de Wade

Frustré le Sénégal, qui venait à peine de célébrer sa première alternance démocratique, se sentait mal récompensé de son exemplarité. Le Bénin aussi du reste. Dans notre pays, la non venue d’Obama, restait au travers de la gorge. Malgré toutes les manœuvres du pouvoir d’alors, elle consacrait un échec, celui d’Abdoulaye Wade victime de son entêtement à vouloir imposer son fils dans une logique dynastique, sans parler des nombreux tripatouillages de la constitution. Et la célèbre phrase d’Obama, « je préfère des institutions fortes plutôt que des hommes forts » sonnait comme un grand camouflet pour le vieux patriarche. Ses fréquentes visites aux Etats-Unis autant que ses vaines tentatives de partager un repas avec le Président américain et de lui présenter son fils et potentiel successeur n’auront fait que le disqualifier davantage. Ces sorties heurtées marquées par des manifestations massives de l’opposition contre les dérives autoritaristes du Pape du Sopi n’y feront rien. Bien au contraire, ces maladresses politiques décuplées déclencheront la sarcastique apostrophe du président de la Banque Mondiale Wolfensohn qualifiant Wade « de président spécial.» Cette qualification burlesque valait à elle seule  une disqualification diplomatique, qui entachera plus encore notre image internationale.
 
Il est vrai qu’il ne fallait pas donner à la visite d’Obama en Afrique, plus que la valeur symbolique qu’elle revêtait. Mais le fait est qu’en diplomatie tous les signes méritent lecture attentive et les conséquences des moindres gestes sont souvent immenses. Le fait qu’aucun pays francophone n’avait trouvé grâce aux yeux d’Obama n’était pas banal. Il ne traduisait pas une volonté américaine de ne pas marcher sur les plates-bandes françaises en Afrique. Carter, Bush, Kennedy et Clinton l’ont fait sans être accusés d’usurpation diplomatique.  Au début des années 2000, le Mali méritait bien cette faveur, en tant que vitrine démocratique ayant assuré avec un remarquable succès sa transition politique. Les urgences personnelles et nationales étaient plus fortes pour Obama que l’intérêt qu’il pouvait avoir pour la jeune démocratie malienne.  L’évitement du Sénégal s’explique par une certaine déconsidération de nos pratiques et mœurs  politiques et une appréciation faible de la qualité de notre démocratie. Quand Bill Clinton visitait le Sénégal, cette valeur exemplaire prévalait encore. C’est Abdoulaye Wade qui a dégradé le Sénégal par ses ténébreux choix de gouvernance démocratique.

Remise en ordre démocratique

Il est donc heureux que le président Macky Sall, depuis sa visite au mois de mars dernier aux Etats-Unis et sa cordiale rencontre avec le locataire de la Maison Blanche ait réussi à rétablir l’ordre diplomatique que notre pays n’aurait jamais dû quitter. Il ne s’agit pas de se glorifier outre mesure de la venue d’Obama au Sénégal, sa première visite en terre francophone d’Afrique. Il est juste question d’en reconnaître le mérite au Président Sall, car cette valeur pour si symbolique qu’elle est, connote positivement notre image extérieure et lui redonne un surcroît de lustre. Cette bonne nouvelle survient dans un contexte assez houleux marqué par des violations des droits, l’extradition du journaliste bloggeur tchadien Makaila vers le pays du despotique Alpha Condé et l’interdiction de la marche du PDS dans la banlieue. Sans compter, aussi, l’expulsion de l’opposant gambien Kukoï Samba Sanyang vers le Mali.

C’est le lieu d’attirer l’attention du pouvoir sur la sensibilité actuelle des questions démocratiques. Toute nouvelle interdiction d’une marche ou toute forme de répression des opposants peut entacher la visite d’Obama au Sénégal. Le PDS en mal de repères peut être tenté de mettre à profit tout mauvais réflexe répressif pour crier à l’oppression oubliant que dans le passé ses dirigeants ont traqué leurs opposants jusqu’à l’extérieur de nos frontières. Il appartient donc au Président de rectifier le tir et surtout d’éviter de tomber dans une sorte de dérive autoritaire, qui brouillerait son image démocratique. Le Président Obama ne vient pas au Sénégal par hasard. Son temps est trop précieux pour lui ouvrir des espaces de villégiatures. En six jours, il doit visiter au moins trois pays, le Sénégal, la Tanzanie et l’Afrique du Sud. C’est pour nous un réel motif de fierté et d’espérance, cette présence de cet Américain fils d’Afrique dans notre pays. Nul doute qu’elle entraînera de nouveaux engagements dans le cadre du Millenium Challenge Account  dans des secteurs névralgiques. Pour les Américains, le modèle de gouvernance démocratique à travers la traque des biens mal acquis, la parité dans les fonctions électives, la liberté de presse et les autres libertés essentielles, valait le détour du Président Obama au Sénégal. Son passage obligé à l’ile de Gorée sera, certainement, un moment de fortes sensations, pour lui fils d’Africain, mais aussi et surtout, pour les millions d’africains-américains de son pays. A défaut de pouvoir serrer la main de l’icône Nelson Mandela — dont il n’est pas sûr que son état de santé lui permette de recevoir le Président américain —, une visite de l’île de Gorée sera irremplaçable pour toucher le cœur des millions d’Africains-américains.

Cela dit, il ne doit pas être question pour les Africains de nourrir la moindre illusion sur le Président Obama, qui reste et restera toujours un Américain dans l’âme, soucieux de défendre les intérêts de son pays. Il l’a dit lui-même, l’Amérique est le pays où tout est possible. C’est bien pour cela qu’il est là où il est, détenteur de la puissance économique, militaire, sans doute politique et culturelle mondiale. Dans ce second mandat, qu’il aborde avec sérénité, il peut enfin visiter l’Afrique, en apportant l’espoir que les Africains, à son image, peuvent s’en sortir, à force de travail et d’engagement. Même si le pays d’origine de son père ne fait pas partie du périple, la venue du Président américain Barack Obama sur le continent est un message d’espérance, au-delà des profits politiques, économiques qu’elle va certainement générer pour notre pays.

Aly Samba Ndiaye
« Le Témoin » N° 1125 –Hebdomadaire Sénégalais ( MAI  2013)



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