Par Dr MOUKADAS-NOURE Aboubakar, Conseiller au C.N.T (Conseil National de Transition), Enseignant-chercheur (Université de Bangui).
Dr MOUKADAS-NOURE Aboubakar
La majorité des analystes de la crise militaro-politique centrafricaine est , et reste préoccupée par les exactions des rebelles de la SELEKA d’une part, et des atrocités commises par des miliciens « Anti-ballaka » d’autre part. Cette façon de « voir » ne peut que nous conduire vers des approches de type fonctionnaliste qui sont foncièrement descriptives en ce sens qu’elles ne prennent pas en compte certaines dimensions socio-économiques lesquelles , nous permettrons de mieux diagnostiquer ladite crise et, éventuellement d’y apporter des éléments de réponse.
Un examen attentif de la cartographie des zones touchées par les violences de cette dernière période montre que celles-ci concernent particulièrement les quartiers périphériques de Bangui pour ne prendre que l‘exemple de la capitale politique du pays. Il s’agit en l’occurrence des quartiers de « Boeing » ; « Kina » ; « Boy-rabe » ; « Combattant » ; « Gobongo » ; et « Fouh ». Les catégories socio-professionnelles également concernées ou acteurs de ces exactions sont généralement des jeunes qui représentent la majorité de la population que ça soit à l’échelle locale, régionale et nationale. De plus, une des caractéristiques reconnue d’ailleurs par tous et, surtout utilisés sournoisement par des hommes politiques est, cette « force » physique qu’elle possède. De là, à lui distribuer des machettes pour commettre des exactions au lieu de débroussailler nos plaines pour y semer dans le cadre bien entendu, d’un projet conséquent où, la jeunesse trouvera son compte, le pas est vite franchi par des assoiffés de pouvoir que sont certains leaders politiques. Autrement dit, comment comprendre que durant, une décennie du règne de la « BOZIZI », le nombre des sans-emploi et des chômeurs n’a fait que croitre de manière exponentielle sans que une politique, mieux, des initiatives favorisant l’émergence des grands chantiers ne soient exécutés ne serait ce que, pour absorber cette population active qui est devenue par la force des choses, une « gangrène » qui fait peur à tout le monde y compris, ceux qui les manipulent ou les instrumentalisent pour leurs intérêts égoïstes. Des exemples abondent dans plusieurs domaines d’activités et de service (éducation ; santé ; agro-élevage ; sportif ; artistique etc.) pour monter si besoin est, le désarroi qui a touché notre jeunesse ces dernières décennies tout sexe confondu.
Cette jeunesse qui ne demande qu’a être « occupée » sainement cela s’entend, est devenue aujourd’hui à cause ou grâce à ces politiciens véreux c’est selon, un spectre qui est à l’origine de ce phénomène de « repli identitaire » (qui est tangible et visible aujourd’hui chez tout citoyen centrafricain quelle que soit son origine ethnique ou son appartenance religieuse) dont les conséquences peuvent s’avérer incalculables à long terme. Ce repli se manifeste aujourd’hui par des prises de position politiques extrémistes des acteurs en conflit à savoir, des visées sécessionnistes pour certains ; des velléités guerrières pour les autres etc. Ce nouveau comportement naguère « tolérable » voire « explicable » sociologiquement à partir du moment où chaque acteur qu’il soit homme politique ; policier ; gendarme ; militaire ; douaniers trouvait son compte à travers des tractations « officieuses » va objectivement se dégrader. Ainsi, il va impacter négativement les relations sociales et interpersonnelles dans nos écoles, nos administrations, nos casernes, nos hôpitaux, nos terrains de sport pour ne citer que ceux-là et, ce serait trop tard, si nous voulons bâtir une nation forte, prospère et unie.
Au demeurant, les vrais raisons de la crise centrafricaine sont à rechercher dans la situation de précarité généralisée, de misère chronique, de désarroi à nulle autre pareille qui caractérise notre jeunesse et partant, pour être complet , toutes les couches intermédiaires de la société centrafricaine. Pour autant, c’est un épisode qui va passer avec le temps pour une raison simple : cette catégorie quoique fougueuse, parfois brutale à tendance naturellement à oublier voire, à toujours regretter ses actes. Cette « maladie juvénile » sera donc vite guérie mais, en sera-t-il de même de ces « vieux » ? Ces vampires-politiques qui s’abreuvent du sang des civils innocents en continuant de tirer sur les ficelles de la division ethnique et religieuse ? Rien n’est moins sûr. Cependant, on pourra leur demander la chose suivante : n’ont-ils jamais eu l’occasion de demander à leurs homologues chefs d’Etat ou Ministres des pays comme le Gabon ; le Congo ; la Guinée Equatoriale ; et récemment le Tchad, comment ont-ils fait pour exploiter leur sous-sol au lieu d’épiloguer matin et soir à travers les ondes de la radio nationale et, dans des discours démagogiques et creux que « notre pays est riche » et que, « c’est cela qui est à l’origine de nos problèmes ». Ce dilettantisme d’un autre âge ne fait plus des émules car, le peuple comprendra tôt ou tard que ça ne sert à rien de dormir sur des immenses richesses si, on n’est incapable de les extraire et les valoriser. Pour cela, il faudra bien entendu des hommes et des femmes nouveaux formés, compétents aimant leur pays et capables d’impulser une dynamique qui fera sortir le Centrafrique de cette léthargie actuelle.
Dr MOUKADAS-NOURE Aboubakar
Dr MOUKADAS-NOURE Aboubakar
* Enseignant-chercheur (Université de Bangui).
* Conseiller au C.N.T (Conseil National de Transition).