Un an après le passage du cyclone Idai qui a dévasté une grande partie du centre du Mozambique, les fonds limités pour la reconstruction essentielle empêchent de nombreuses personnes parmi les plus touchées de se remettre sur pied, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies.
Quelques 2,5 millions de personnes dépendent toujours de l'aide humanitaire dans le pays.
Le mois dernier, le manque de financement a obligé le PAM à réduire de moitié les rations alimentaires de 525.000 personnes travaillant sur des projets de relèvement post-Idai dans la province de Sofala, la plus touchée par le cyclone. Ce mois-ci, ce soutien vital sera complètement interrompu si le PAM ne reçoit pas de fonds rapidement.
Déborah Nguyen s’est rendue au Mozambique afin de participer à l'assistance suite aux ravages d’Idai. Elle est récemment retournée dans le pays pour constater de la situation.
Témoignage de Déborah Nguyen.
Alors que l’avion atterrit à l’aéroport de Beira, de nombreux souvenirs me reviennent. Ils sont très précis, vifs, comme si tout s’était passé hier. En mars 2019, j’ai été déployée 48 heures après le passage du cyclone sur Beira pour faire le point sur la situation humanitaire.
Le tarmac semble anormalement calme : aucun bruit des hélicoptères de sauvetage ni des avions de transport qui avaient porté assistance aux victimes du cyclone.
À première vue, un semblant de normalité prévaut. Mais les choses ne sont jamais vraiment revenues à la normale après le passage du cyclone Idai, le 14 mars 2019, sur la deuxième plus grande ville du Mozambique. De nombreux habitants ont perdu le peu qu’ils avaient, il leur faudra alors des années pour s’en remettre.
Le PAM a fourni des rations alimentaires d’urgence à 1,8 million de personnes parmi les plus touchées. Pendant la première phase de l’opération humanitaire, des hélicoptères ont transporté de la nourriture dans les zones isolées et demeurant inaccessibles par la route. Petit à petit l’aide a pu être acheminée par camion à mesure que les eaux se retiraient, ce qui a permis d’atteindre un plus grand nombre de personnes ayant survécu à cette catastrophe.
Depuis le mois d’août, l’assistance alimentaire du PAM permet d’aider des centaines de milliers de personnes à se remettre de la catastrophe qu’ils ont subie, mais vise aussi à soutenir un large éventail de projets de reconstruction et de réhabilitation.
Ces projets impliquent notamment la réparation de routes et de ponts, la reconstruction d’écoles et le développement de fermes communautaires afin de stimuler la production alimentaire. Finalement, toutes ces initiatives contribuent à panser les blessures, à donner de l’espoir et à instaurer les bases d’un avenir meilleur.
Ceux qui sont sortis vivant de cette catastrophe sont déterminés à surmonter les obstacles auxquels ils ont fait et font encore face. Elisa Jorge Titosse est l’une d’entre elles.
Elisa a 27 ans. Avec un regard perçant, elle explique comment Idai a pris tout ce que sa famille avait, y compris leur maison. La nuit où le cyclone a frappé, sous de fortes pluies et des vents violents, son mari et elle, accompagnés de leurs trois enfants, se sont précipités à l’école locale pour y trouver refuge.
Mais en quelques jours seulement, le manque d’eau potable a déclenché une épidémie de choléra qui s’est rapidement propagée dans les dizaines d’écoles, d’églises et d’autres bâtiments publics qui abritaient alors les personnes déplacées.
Elisa et sa famille ont décidé que leur seule option était de retourner sur les ruines de leur maison et d’essayer de s’y reconstruire. L’inondation avait également emporté le maïs, le manioc et les légumes de leur minuscule parcelle, juste au moment où les récoltes allaient être entamées.
La famille d’Elisa, comme beaucoup d’autres Mozambicains, est une famille d’agriculteurs de subsistance.
« C’était comme la fin du monde », se confie Elisa. « Peu à peu, nous avons tout reconstruit. Il a fallu plusieurs mois avant que notre petite maison ressemble de nouveau à un vrai foyer ».
Aujourd’hui, avec 600 autres personnes (des femmes pour la plupart), Elisa met également ses talents à profit dans une ferme communautaire soutenue par le PAM à Mafambisse, à 55 kilomètres au nord-ouest de Beira.
Ils y cultivent du riz, du maïs, du manioc, des arachides et des ananas pour les vendre. Ils réinvestissent les recettes pour agrandir la ferme et planter plus de nourriture. Les participants ramènent chez eux des plants de mangue après leur germination et les replantent dans leur propre jardin.
« J’aime vraiment travailler à la ferme avec les autres femmes. Pendant que nous labourons et récoltons, nous bavardons, partageons nos problèmes, rions et chantons », raconte Elisa.
« Travailler à la ferme avec d’autres femmes de la communauté me procure énormément de joie », ajoute-t-elle.
En échange de son travail, Elisa reçoit un bon d’une valeur de 40 dollars par mois. Cela lui permet d’acheter ce dont la famille a le plus besoin au magasin local. La nourriture est évidemment une priorité absolue. Elle lui donne, en outre, la force nécessaire pour effectuer son travail ardu qui consiste à semer les graines, au sens propre comme au sens figuré, d’un avenir meilleur où la population n’aura plus besoin d’aucune assistance.
« Sans ce projet, ma famille se coucherait chaque soir le ventre vide », conclut Elisa.
Le Mozambique est fortement dépendant de l’agriculture pluviale et du travail des petits exploitants agricoles. C’est un pays qui est également très vulnérable au changement climatique, le cyclone Kenneth qui a causé des ravages considérables dans le nord du pays six semaines seulement après l’ouragan Idai l’a d’ailleurs prouvé.
Le PAM est alors parfaitement conscient qu’il est nécessaire d’investir beaucoup plus dans l’adaptation et la réduction des risques de catastrophe.
Mais les financements diminuent, et le soutien du PAM à des projets tels que la ferme communautaire sur laquelle travaille Elisa est alors menacé.
Le PAM a besoin de 91 millions de dollars supplémentaires pour pouvoir continuer à financer ces projets après le mois de mars 2020.
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