Par Prosper Indo, Centrafrique Libre
Si l’on s’en tient aux organes de la presse locale (Le Démocrate n° 3127 du 12 mars 2014), une grande manifestation sera organisée ce samedi 15 mars 2014 à Bangui.Ce mouvement de protestation à l’encontre de la présidente de transition, Mme Catherine Samba-Panza, vise surtout le retour au pouvoir du président déchu François Bozizé, lequel a fui la capitale centrafricaine le 13 mars 2013, lors de l’entrée des éléments rebelles de l’alliance Séléka.
Que l’on ne s’y trompe pas. La manifestation de protestation projetée, si elle est effective, doit être organisée en souvenir du 13ème anniversaire de l’accession au pouvoir du général François Bozizé, à la suite de l’insurrection militaire dirigée par ce dernier contre le président régulièrement élu d’alors, Ange-Félix Patassé.
Les deux hommes avaient déjà organisé une tentative similaire contre le régime du président André Kolingba en septembre 1982.
Il s’agit d’une manifestation des nostalgiques du passé, ceux du président de la faction Kwa na kwa.
Cette manifestation est, si elle doit avoir lieu, le symbole manifeste de l’instrumentalisation des milices anti-Balaka par l’ancien chef de l’Etat, ses acolytes et partisans.
La France se montrerait complice d’une opération de déstabilisation éhontée et d’une tentative de prise du pouvoir par la force si cette manifestation devait se dérouler sous le nez des éléments de l’opération Sangaris et des forces internationales de la Misca, sans une condamnation ferme et sans équivoque de Paris.
Un fait objectif demeure cependant, qui permet de classer cette tentative de coup d’état dans un contexte particulier.
Pendant que cette manifestation s’organise, le ministre de l’Administration du territoire est à l’étranger, en France.
Pis : il y a quelques jours, le Premier-ministre de transition, André N’Zapayéké tenait une rencontre avec les représentants des milices anti-Balaka et ex-Séléka. A l’issue de cette réunion, les uns et les autres se sont engagés à observer une paix des braves, en militant pour un retour au désarmement de toutes les bandes armées. Pour avaliser cette concertation, l’hôte de la Primature intégrait dans son cabinet, au rang de conseiller, le nommé Kokaté qui se prévaut d’être le représentant des anti-Balaka !
Il faut croire que cette « conférence au sommet » entre le Premier-ministre et ses interlocuteurs étaient une simple opération de séduction destinée à endormir la vigilance des forces internationales Sangaris et Misca.
A l’évidence, ex-Séléka et anti-Balaka sont de connivence : la perpétuation des massacres et tueries, qui se déroulent tous les jours à Bangui et en province, sert leurs intérêts respectifs ; les premiers pour se dédouaner des exactions commises depuis le 23 mars 2013 jusqu’au départ de Michel Djotodia, les seconds pour se renforcer et, le jour venu, prétendre au rôle de « libérateurs » du peuple centrafricains. Cela ne se peut !
Les responsables de la Misca et de l’opération Sangaris auraient tort de se méprendre sur cette stratégie. Ils doivent désormais admettre une vérité, François Bozizé en liberté, le Centrafrique tout entier est en danger de mort. L’homme a prouvé en multiples occasions sa capacité de nuisance. Au demeurant, les attaques coordonnées entreprises par les milices qui se réclamaient des anti-Balaka ont fait plus de mille morts à Bangui, dans la seule journée du 5 décembre 2013 ! Depuis, les tueries et massacres n’ont pas cessé, visant en particulier les populations musulmanes, du fait que le président déchu tient son homologue tchadien, Idriss Déby, pour responsable de sa chute.
Pour revenir au pouvoir, François Bozizé et ses acolytes n’auront aucun scrupule. Ils ont essaimé des caches d’armes un peu partout en RCA, dépouillant pour se faire les forces armées régulières centrafricaines, lesquelles sont désormais sans armes et sans âme. Le président déchu et ses soutiens disposent par ailleurs des finances indispensables pour lever des troupes mercenaires, au Soudan, au Kenya, en Ouganda, voire en France ou en Belgique.
Les autorités centrafricaines ont le pouvoir et … le devoir d’interdire cette manifestation alors que le pays est sensé être sous état d’urgence ou, tout simplement, sous couvre-feu. En ont-elles la capacité voire la volonté ? On peut en douter. En effet, il y a quelques semaines, la présidente de transition avait « instruit le gouvernement de lui proposer une loi d’exception » destinée à restreindre les activités des bandes armées. A ce jour, cette loi se fait attendre !
Devant l’incapacité des autorités de transition à émettre un quelconque mandat d’arrêt international à l’encontre de François Bozizé, ses fils et ses comparses, il appartient aux responsables des opérations Sangaris et Misca, placés sous mandat de l’Onu au titre des résolutions 2121 et 2127 du Conseil de sécurité, de s’acquitter de cette tâche de salut public : arrêter les fauteurs de troubles en RCA et les faire comparaître devant leurs juges.