Roland WEYL, Avocat à la Cour de Paris, Docteur en Droit
Vice-Président de l’AIJD
La question de l’opposition israélienne au retour des Palestiniens exilés est sans doute l’une des plus irritantes de notre époque, parce qu’elle est un défi à la fois aux principes fondamentaux du doit international, expression de la conscience universelle et, plus particulièrement pour le cas des Palestiniens, à l’expression spécifique de cette conscience universelle par ses instances qualifiées.
1) Sur les fondements juridiques du droti au retour des Palestiniens
1) Sur les fondements résultant des principes généraux du Droit
Il suffit de rappeler les dispositions claires de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont est célébré actuellement le 70è anniversaire, et à laquelle l’AIJD consacre les 11 et 12 décembre à Paris une conférence internationale destinée à en souligner la portée. En effet, Cette Déclaration peut et doit être considérée comme exprimant des valeurs tellement fondamentales qu’elles lui confèrent valeur et force de légalité internationale, indépendamment de toute querelle de ratification. On concevrait mal que l’illégalité du vol ou de l’assassinat puisse dépendre de la signature d’une reconnaissance de leur illégalité.
Or la Déclaration Universelle contient des dispositions qui consacrent spécifiquement le droit au retour :
« Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir dans son pays » (article 13)
« Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité » (article 15)
« Nul ne peut etre arbitrairement privé de sa propriété » (article 17)
2) Sur les fondements juridiques propres au cas palestinien
Dès le 16 septembre 1948, le médiateur spécial de l’ONU pour la Palestine écrivait dans l’énoncé de « Sept postulats fondamentaux »: « Il conviendrait de proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes, arrachées à leur foyer par la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles ; il convient également d’assurer pour la perte de leurs biens des dédommagements suffisants aux personnes qui décideraient de ne pas regagner leurs foyers »
En conséquence de ce rapport l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptait le 11 décembre 1948 une résolution dont l’article 11 « Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les besoins de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables. »
A nouveau le 17 novembre 1966, l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptait une résolution où l’in peut lire :
« Note avec un profond regret que ni le rapatriement ni l’indemnisation des réfugiés prévus au paragraphe 11 de la résolution 194 n’ont encore eu lieu, qu’aucun progrès notable n’a encore été réalisé en ce qui concerne le programme de réintégration des réfugiés, soit par le rapatriement, soit par la réinstallation »
Pourtant, lorsque l’Assemblée Générale, le 11 mai 1949, décidait d’admettre Israël comme membre de l’ONU, c’était « Rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 et du 11 décembre 1948 (sur les réfugiés) et « Prenant acte de la déclaration par laquelle l’Etat d’Israël accepte, sans réserve aucune, les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et s’engage à les observer »
Or non seulement l’Assemblée Générale pouvait constater 15 ans plus tard qu’il n’en avait rien été, mais depuis 1967 la situation n’a fait qu’empirer, les nouvelles colonies et les multiples mesures rendant impossible la vie des Palestiniens (les Check Points, le mur, etc…) n’ayant cessé de grossir le volume de ces « populations innocentes arrachées à leurs foyers » évoquées par le rapport du médiateur de 1949
Sur le défaut de pertinence des arguments d’Israël pour s’y soustraire
1) Tous n’ont pas été expulsés
On ne peut pas faire de distinction selon les circonstances dans lesquelles les Palestiniens ont été amenés à quitter leur lieu d’attache.
Il y a évidemment ceux qui ont été évincés par la force, mais il y a aussi ceux qui ont dû partir chassés par les conditions de vie qui leur étaient faites. D’une manière générale, quelles qu’aient été les circonstances et les formes dans lesquelles les Palestiniens ont été amenés à émigrer, les conditions d’oppression faites à la Palestine créent une présomption générale de contrainte, qu’elle soit physique, économique ou morale.
Dès lors qu’existait une situation de pression physique ou même seulement psychologique et morale, il y a une présomption de vice du consentement qui interdit de penser qu’aucun d’eux, quelles que soient ses conditions et circonstances de départ soit parti volontairement.
Il doit être posé en principe que tout Palestinien justifiant avoir habité la Palestine, que ce soit dans l’actuel Etat d’Israel ou dans les territoires occupés, et en être parti postérieurement à 1946 est titulaire d’un droit au retour.
2) Que faire des colons installés à leur place ?
L’objection est totalement irrecevable Leur installation est absolument illégale et n’a aucun fondement à leur donner un titre d’occupation car les biens considérés n’étaient pas disponibles et sans maître..
Aucun colon ne peut être reçu à invoquer sa bonne foi. Tous connaissaient ou devaient connaître la réalité de la situation, et savoir qu’il ne s’installait qu’à ses risques et périls et de façon précaire puisque usurpée.
Il s’agit de biens volés, et ils doivent les restituer, sauf à se retourner vers l’Etat d’Israel pour leur demander éventuellement indemnisation du préjudice que peut leur avoir causé la légitimation apparente qu’il a donnée à ce vol
Cela est vrai de façon générale et sans place pour aucune exception, même si ceux qui se sont installés dans les territoires occupés après 1967 n’ont pu le faire qu’en connaissance de cause et être encore moins excusables.
Dans les cas peu vraisemblables où certains argueraient d’avoir été trompés, il leur appartient d’en demander compte à ceux qui les ont trompés et sont responsables à leur égard de leur obligation de céder la place, c’est-à-dire à l’Etat d’Israël ou toute institution intermédiaire, mais de telle manière qu’en aucun cas ce ne soit les victimes qui en fassent les frais
L’Etat qui se réclame d’une prétendue légitimité judaïque est d’autant moins bien placé pour le contester qu’il ne s’agit ici que de faire application au bénéfice des palestiniens de la jurisprudence qui, sous la dénomination de législation sur les spoliations, a rendu aux juifs d’Europe les biens et les logements confisquées par les nazis.
3) L’alibi du déséquilibre démographique
L’ultime argument opposé au droit au retour, même s’il n’est pas toujours formulé explicitement se replie sur la contestation de ce droit au moins pour les retours dans l’actuel Etat d’Israel au motif que ce retour donnerait à la population arabe d’Israël un poids mettant en cause l’identité juive de l’Etat. L’argument n’a aucun support juridique, et est de pure opportunité.
Rien que cela le rend inacceptable. Le droit international ne définit pas les droits de résidence des peuples en fonction des limites territoriales de compétence des Etats, mais les Etats comme les instruments de gestion et de relation des peuples, dans les limites de compétence que leur résidence donne aux peuples.
Dire que la préservation de l’identité judaïque de l’Etat d’Israël impose de maintenir une majorité juive et donc de dénier le droit de résidence aux non-juifs relève tout simplement de ce que la communauté internationale a condamné sous le nom de « purification ethnique ».
Il faut d’abord restituer la pleine jouissance de chacun à sa résidence dans son pays et aux pleins droits de son peuple, et de cela découlent, selon des critères de représentation démocratique, les institutions de l’Etat qui représente l’ensemble des citoyens résidant dans le pays, à égalité de droits de citoyenneté.
Refuser le droit au retour des Palestiniens n’est donc pas seulement contraire aux textes fondamentaux en matière de Droits de l’Homme ; c’est mettre le sort des peuples en dépendance d’opportunités étatiques, alors que la logique fondamentale du Droit International issu de la Charte des Nations Unies, à l’inverse, fait des Peuples les sujets de droit, et des Etats les simples instruments des droits des Peuples.
Sous quelque angle qu’on l’aborde, le refus du droit au retour de tous les Palestiniens est un insolent défi à la légalité internationale.
Dans la mesure où la Charte des Nations Unies a confié aux Peuples une souveraineté faite de respect mutuel et de solidarité, il incombe à tous les peuples d’agir sur leurs gouvernements respectifs pour qu’ils oeuvrent à ce que cette légalité ne soit pas indéfiniment bafouée.
Vice-Président de l’AIJD
La question de l’opposition israélienne au retour des Palestiniens exilés est sans doute l’une des plus irritantes de notre époque, parce qu’elle est un défi à la fois aux principes fondamentaux du doit international, expression de la conscience universelle et, plus particulièrement pour le cas des Palestiniens, à l’expression spécifique de cette conscience universelle par ses instances qualifiées.
1) Sur les fondements juridiques du droti au retour des Palestiniens
1) Sur les fondements résultant des principes généraux du Droit
Il suffit de rappeler les dispositions claires de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont est célébré actuellement le 70è anniversaire, et à laquelle l’AIJD consacre les 11 et 12 décembre à Paris une conférence internationale destinée à en souligner la portée. En effet, Cette Déclaration peut et doit être considérée comme exprimant des valeurs tellement fondamentales qu’elles lui confèrent valeur et force de légalité internationale, indépendamment de toute querelle de ratification. On concevrait mal que l’illégalité du vol ou de l’assassinat puisse dépendre de la signature d’une reconnaissance de leur illégalité.
Or la Déclaration Universelle contient des dispositions qui consacrent spécifiquement le droit au retour :
« Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir dans son pays » (article 13)
« Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité » (article 15)
« Nul ne peut etre arbitrairement privé de sa propriété » (article 17)
2) Sur les fondements juridiques propres au cas palestinien
Dès le 16 septembre 1948, le médiateur spécial de l’ONU pour la Palestine écrivait dans l’énoncé de « Sept postulats fondamentaux »: « Il conviendrait de proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes, arrachées à leur foyer par la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles ; il convient également d’assurer pour la perte de leurs biens des dédommagements suffisants aux personnes qui décideraient de ne pas regagner leurs foyers »
En conséquence de ce rapport l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptait le 11 décembre 1948 une résolution dont l’article 11 « Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les besoins de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables. »
A nouveau le 17 novembre 1966, l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptait une résolution où l’in peut lire :
« Note avec un profond regret que ni le rapatriement ni l’indemnisation des réfugiés prévus au paragraphe 11 de la résolution 194 n’ont encore eu lieu, qu’aucun progrès notable n’a encore été réalisé en ce qui concerne le programme de réintégration des réfugiés, soit par le rapatriement, soit par la réinstallation »
Pourtant, lorsque l’Assemblée Générale, le 11 mai 1949, décidait d’admettre Israël comme membre de l’ONU, c’était « Rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 et du 11 décembre 1948 (sur les réfugiés) et « Prenant acte de la déclaration par laquelle l’Etat d’Israël accepte, sans réserve aucune, les obligations découlant de la Charte des Nations Unies et s’engage à les observer »
Or non seulement l’Assemblée Générale pouvait constater 15 ans plus tard qu’il n’en avait rien été, mais depuis 1967 la situation n’a fait qu’empirer, les nouvelles colonies et les multiples mesures rendant impossible la vie des Palestiniens (les Check Points, le mur, etc…) n’ayant cessé de grossir le volume de ces « populations innocentes arrachées à leurs foyers » évoquées par le rapport du médiateur de 1949
Sur le défaut de pertinence des arguments d’Israël pour s’y soustraire
1) Tous n’ont pas été expulsés
On ne peut pas faire de distinction selon les circonstances dans lesquelles les Palestiniens ont été amenés à quitter leur lieu d’attache.
Il y a évidemment ceux qui ont été évincés par la force, mais il y a aussi ceux qui ont dû partir chassés par les conditions de vie qui leur étaient faites. D’une manière générale, quelles qu’aient été les circonstances et les formes dans lesquelles les Palestiniens ont été amenés à émigrer, les conditions d’oppression faites à la Palestine créent une présomption générale de contrainte, qu’elle soit physique, économique ou morale.
Dès lors qu’existait une situation de pression physique ou même seulement psychologique et morale, il y a une présomption de vice du consentement qui interdit de penser qu’aucun d’eux, quelles que soient ses conditions et circonstances de départ soit parti volontairement.
Il doit être posé en principe que tout Palestinien justifiant avoir habité la Palestine, que ce soit dans l’actuel Etat d’Israel ou dans les territoires occupés, et en être parti postérieurement à 1946 est titulaire d’un droit au retour.
2) Que faire des colons installés à leur place ?
L’objection est totalement irrecevable Leur installation est absolument illégale et n’a aucun fondement à leur donner un titre d’occupation car les biens considérés n’étaient pas disponibles et sans maître..
Aucun colon ne peut être reçu à invoquer sa bonne foi. Tous connaissaient ou devaient connaître la réalité de la situation, et savoir qu’il ne s’installait qu’à ses risques et périls et de façon précaire puisque usurpée.
Il s’agit de biens volés, et ils doivent les restituer, sauf à se retourner vers l’Etat d’Israel pour leur demander éventuellement indemnisation du préjudice que peut leur avoir causé la légitimation apparente qu’il a donnée à ce vol
Cela est vrai de façon générale et sans place pour aucune exception, même si ceux qui se sont installés dans les territoires occupés après 1967 n’ont pu le faire qu’en connaissance de cause et être encore moins excusables.
Dans les cas peu vraisemblables où certains argueraient d’avoir été trompés, il leur appartient d’en demander compte à ceux qui les ont trompés et sont responsables à leur égard de leur obligation de céder la place, c’est-à-dire à l’Etat d’Israël ou toute institution intermédiaire, mais de telle manière qu’en aucun cas ce ne soit les victimes qui en fassent les frais
L’Etat qui se réclame d’une prétendue légitimité judaïque est d’autant moins bien placé pour le contester qu’il ne s’agit ici que de faire application au bénéfice des palestiniens de la jurisprudence qui, sous la dénomination de législation sur les spoliations, a rendu aux juifs d’Europe les biens et les logements confisquées par les nazis.
3) L’alibi du déséquilibre démographique
L’ultime argument opposé au droit au retour, même s’il n’est pas toujours formulé explicitement se replie sur la contestation de ce droit au moins pour les retours dans l’actuel Etat d’Israel au motif que ce retour donnerait à la population arabe d’Israël un poids mettant en cause l’identité juive de l’Etat. L’argument n’a aucun support juridique, et est de pure opportunité.
Rien que cela le rend inacceptable. Le droit international ne définit pas les droits de résidence des peuples en fonction des limites territoriales de compétence des Etats, mais les Etats comme les instruments de gestion et de relation des peuples, dans les limites de compétence que leur résidence donne aux peuples.
Dire que la préservation de l’identité judaïque de l’Etat d’Israël impose de maintenir une majorité juive et donc de dénier le droit de résidence aux non-juifs relève tout simplement de ce que la communauté internationale a condamné sous le nom de « purification ethnique ».
Il faut d’abord restituer la pleine jouissance de chacun à sa résidence dans son pays et aux pleins droits de son peuple, et de cela découlent, selon des critères de représentation démocratique, les institutions de l’Etat qui représente l’ensemble des citoyens résidant dans le pays, à égalité de droits de citoyenneté.
Refuser le droit au retour des Palestiniens n’est donc pas seulement contraire aux textes fondamentaux en matière de Droits de l’Homme ; c’est mettre le sort des peuples en dépendance d’opportunités étatiques, alors que la logique fondamentale du Droit International issu de la Charte des Nations Unies, à l’inverse, fait des Peuples les sujets de droit, et des Etats les simples instruments des droits des Peuples.
Sous quelque angle qu’on l’aborde, le refus du droit au retour de tous les Palestiniens est un insolent défi à la légalité internationale.
Dans la mesure où la Charte des Nations Unies a confié aux Peuples une souveraineté faite de respect mutuel et de solidarité, il incombe à tous les peuples d’agir sur leurs gouvernements respectifs pour qu’ils oeuvrent à ce que cette légalité ne soit pas indéfiniment bafouée.