C'est une vraie leçon de savoir-faire politique. Devant les maires de France, réunis à Paris en Congrès, Xavier Darcos a obtenu haut la main le titre de ministre le plus détesté des édiles. Nicolas Sarkozy, lui, a su retourner une salle pourtant chauffée à blanc. Voici comment.
Si le ministre de l'Education a obtenu le titre de "Turc des édiles de France", il le doit à sa très contestée loi sur le service minimum à l'école. En partie pour des raisons de fond (certains élus de gauche y voient une atteinte au droit de grève), mais, pour l'essentiel, pour des raisons de forme. Dans les petites communes, notamment, bien des maires, dépourvus de personnel, sont réellement incapables d'accueillir les élèves lorsque les professeurs font grève. Or, non seulement le ministre n'a pas tenu compte de leurs remarques, mais il a ordonné aux préfets de les déférer devant le tribunal administratif ! Une mesure vécue comme une véritable injustice par les intéressés.
Comme si cela ne suffisait pas, Xavier Darcos ne s'est même pas déplacé pour parler aux maires. "Problème d'agenda", a plaidé son cabinet. Comme si cela ne suffisait pas, il n'a même pas dépéché pour le remplacer son directeur de cabinet, mais le "simple" recteur de Créteil. Deux mille d'entre eux ont alors quitté la salle en signe de protestation. Enfin, pour agraver encore son cas, il a fini tout de même par se rendre sur le site, mais en catimini, sans même parler aux congressistes ! Une attitude que les édiles, de droite comme de gauche, ont interprétée comme une marque de mépris. Et qui les a profondément choqués. "Fillon a été sifflé quand il a défendu la loi, mais, au moins, lui a eu le courage de venir la défendre", soulignait un organisateur.
Le président de la République, intervenant jeudi en clôture, a montré, lui, qu'il avait plus de métier. Alors que ses conseillers craignaient qu'il ne soit sifflé -ce qui aurait constitué une première pour un chef de l'Etat en une telle ocassion- il est au contraire sorti de la salle sous les acclamations. Comment ? En faisant du Sarko, pourrait-on dire, c'est-à-dire en parlant aux maires avec vigueur sur la forme, tout en les flattant sur le fond. "L'éducation ? Avant de venir, on m'a déconseillé d'en parler, a-t-il expliqué. Et bien, au contraire, je vais aborder le sujet, car ce serait être lâche de l'éviter." Voilà pour la forme. Avant d'enchaîner sur le fond: "Je comprends le sentiment d'injustice d'un maire rural traîné devant le tribunal adminstratif alors qu'il a fait ce qu'il a pu. Ce que je n'accepte pas, c'est qu'un élu refuse d'appliquer la loi (...). On ne peut pas traiter les deux de la même manière." Récoltant dans la foulée les ovations des élus.
Xavier Darcos serait, selon la rumeur, premier ministrable. Si tant est que cela soit vrai, il lui reste visiblement encore quelques progrès à réaliser pour accéder au palier supérieur...
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