ANALYSE

Tchad : Femme et développement à la traîne


Alwihda Info | Par Houlé Djonkamla - 8 Mars 2013



Houlé Djonkamla
 Par Houlé Djonkamla le 08/03/2013
 
Nous célébrons aujourd’hui le combat de la femme pour plus de droit, d’égalité et de complémentarité avec l’homme. S’il est vrai que la mondialisation globalise les problèmes de l’humanité, elle permet en revanche de mieux les comprendre tout en les comparant,  en relevant les particularités et les spécificités de chaque contrée de la terre. En ce 8 mars 2013 où les femmes du monde célèbrent leur journée internationale, je parlerai du Tchad et le rôle que nous voudrions voir la femme y jouer pour son développement. Toutes les études faites sur le Tchad dépeignent un pays dans lequel les femmes sont les plus analphabètes, les moins couvertes sur le plan de la santé, sont les plus exposées aux mariages précoces, sont encore condamnées à l’excision, sont les plus confrontées à toutes les formes de discrimination … Bref, nos sœurs, épouses et mères sont encore à la traine dans l’accès aux droits les plus élémentaires, comparées aux hommes. Dans ces conditions, comment peuvent-elles contribuer au développement du pays quand on sait qu’elles en représentent plus de la moitié de la population. La SENAFET (Semaine Nationale de la Femme Tchadienne) qui prend fin habituellement le 8 mars reste le cadre connu où Les Tchadiens en général et les femmes en particulier réfléchissent, se concertent, partagent, se sensibilisent et se forment sur les ambitions qu’elles veulent pour leur pays et le rôle qu’elles veulent y jouer. Pour notre part, nous avons décidé de nous interroger sur l’accès à l’enseignement supérieur, la gouvernance politique, et la gouvernance dans les entreprises et la haute fonction publique.
 
 
 
Les pays qui s’en sortent mieux dans leur œuvre de développement sont ceux qui ont pu résoudre les disparités d’accès à l’éducation entre filles et garçons et s’en sont occupé depuis l’enseignement élémentaire jusqu’au supérieur. Or, on constate au Tchad que des efforts ont été consentis grâce à l’aide des organisations comme l’UNICEF ou le PAM à la scolarisation importante des filles au niveau du primaire et du secondaire, mais le niveau de scolarisation chute au supérieur pour plusieurs raisons. Les filles qui arrivent au supérieur traversent l’épreuve du mariage, de la maternité et des coutumes. Selon les statistiques recueillies par l’ambassade de France au Tchad, en 2012 il y avait 17479 garçons contre 3244 filles dans l’enseignement supérieur public et 6870 garçons contre 1415 filles dans l’enseignement supérieur privé. Pour assurer sa réussite au supérieur, la femme à besoin du soutien de son conjoint et de sa famille pour alléger les charges domestiques qui, à tort ou à raison reposent entièrement encore sur la femme dans notre société. Si beaucoup d’efforts ont été faits par les hommes pour prendre des responsabilités dans l’accomplissement des tâches domestiques ou pour apporter des soutiens multiformes à leurs compagnes, filles ou sœurs, des efforts doivent être encore entrepris pour réaliser cette égalité que nous envisageons sous forme de complémentarité et non de compétitivité. C’est donc la mobilisation d’abord des femmes pour aller plus loin dans les études et l’implication des hommes pour les soutenir qui feront que nous réduirons la disparité fille/garçon dans l’enseignement supérieur. Cela inclut bien entendu la mise en place des bourses d’études conséquentes par le gouvernement ou les organisations internationales intervenant au Tchad, afin d’inciter  les filles mères ou les femmes au foyer méritantes de poursuivre leurs études supérieures.
 
En ce qui concerne la gouvernance politique, celle relative au niveau où on prend les décisions pour conduire les différentes politiques du pays, il est malheureux de constater que beaucoup d’efforts doivent être fournis pour assurer une représentativité non complaisante et méritée des femmes. L’assemblée Nationale du Tchad compte 28 femmes sur 188 députés et le gouvernement compte 6 femmes sur 42 membres. Les pays qui ont compris l’importance de la force de proposition des femmes dans la conduite des affaires publiques nous ont devancés en mettant en place des politiques et des lois qui garantissent une représentativité exemplaire des femmes dans les centres névralgiques du pouvoir. Dans le cadre du Tchad, il va falloir prendre des mesures pour accélérer l’implication des femmes dans la gouvernance du pays. Il y a suffisamment de femmes formées, reconnues pour leur sens du travail et réputées pour leur moralité. Elles doivent pouvoir occuper des départements régaliens comme le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur, le ministère des finances, le ministère des affaires étrangères ou celui de la défense. Il va falloir instituer la parité homme/femme dans toutes les circonscriptions électorales au Tchad ou deux postes sont à pourvoir. Il faut assurer la nomination des femmes méritantes dans l’administration territoriale du pays. S’il est vrai que le combat, les revendications doivent être mis en avant par les femmes, il est impératif que les forces politiques au pouvoir ou dans l’opposition fassent des propositions concrètes dans ce sens. C’est quand les femmes auront conquis avec mérite et responsabilité leurs places dans la gouvernance que le pays décollera véritablement et se développera.
 
Les entreprises privées ou publiques et la haute fonction publique sont des milieux où la représentativité de la femme est encore à la traine au Tchad.  Les femmes qui font des efforts pour se former et servir à un haut niveau dans les entreprises ou dans les démembrements de la haute administration subissent davantage de discriminations et de préjugés. Cette situation qui évolue difficilement depuis les indépendances doit faire l’objet d’une politique conséquente du gouvernement, des partis et mouvements politiques mais aussi et surtout d’un cadre de concertation et de revendication des femmes qui transcende les clivages politiques, régionales ou religieux. Combien sont les femmes directrices générales de sociétés publiques, parapubliques ou privées ? Combien sont-elles présentes dans les conseils d’administrations des entreprises ? Combien sont –elles nommées aux postes de directeurs ou secrétaires généraux des ministères?  Ce sont là quelques statistiques qui méritent d’être questionnées et relevées afin d’apporter toute la signification requise au combat pour la participation de la femme à la gestion du pays. Il ne s’agit pas d’encourager une participation mimétique des autres pays, mais une participation méritée qui apportera une plus value pour le pays comme le démontrent plusieurs études sur l’impact du rôle de la femme dans la gestion publique. L’entreprenariat de la femme doit être encouragé et ses capacités managériales promues.
 
Mieux se portera le pays si la femme y a toute sa place. Car la complémentarité de l’homme et de la femme doit être à la base de l’égalité des droits.
 
Bonne et studieuse fête  de la femme  pour que demain soit meilleure !
 
 

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