Faisons l’économie des sources de la guerre, il s’agit principalement de l’injustice -qu’il avaient combattue en instituant à la place une autre injustice. Selon une étude récente, « les coûts humain et économique de trente années de guerre civile sont énormes : 300 000 morts (du fait des combats, des exactions, des disettes et de la sécheresse qui se sont succédé) ; une économie en ruine, une pénurie d’infrastructures, une société déstructurée, un manque de cadres compétents et plusieurs générations perdues (à la scolarité inexistante et ne sachant pas faire grand-chose d’autre que la guerre. Face à un aussi sombre constat, les chances que le Tchad puisse briser une telle spirale infernale semblent bien minces*. »
Le décor est planté… L’armée républicaine a fait place nette à une milice tribale et ethnique. Cela pose de sérieux problèmes de construction d’une nation et d’un État de droit.
1. Qui connaît l’effectif réel de l’armée tchadienne ?
2. Qui connaît son budget ?
3. Qui connaît le matériel de l’ANT ?
4. Qui connaît les missions de l’armée ?
5. Qui dirige l’ANT
À ces différentes questions, s’ajoute la mise en place d’une « armée dans l’armée », suréquipée au service exclusif de celui qui détient le pouvoir. La DGSSIE sert, non pas à assurer des missions de sécurité du pays, mais celle exclusive du chef d’État. Elle semble totalement parallèle, avec un mode de fonctionnement échappant à toute logique d’institution républicaine. Elle a « cannibalisé » l’ANT purement et simplement. Le flou dans ses missions s’est traduit récemment dans son déploiement contre des manifestants des Transformateurs et Wakit Tama… En gros, cette « milice » sert d’instrument de terreur des tchadiens pour le bénéfice du clan au pouvoir. Du temps de Déby père, il semblait peu probable d’entreprendre la transformation de l’armée en la rendant plus républicaine en incluant des tchadiens de différentes origines. Le fonctionnement phagocyté de l’armée assure ainsi la survie du régime, car une armée nationale pourrait voir s’effriter le poids réel ou supposé des communautés ethniques qui portent le régime.
La DNIS devrait se pencher sur la question, mais semble l’éluder. Les militaires tchadiens, devenus accrocs au pouvoir politique, pourraient-ils envisager leur retour dans les casernes ?
La réponse à cette question semble comporter de nombreuses inconnues :
- les principaux partenaires du Tchad -la France et l’UE- ne semblent pas pressés de voir une armée diversifiée avec des processus de recrutements transparents. Il semble clair que l’armée tchadienne telle qu’elle est aujourd’hui, fait le business de la France dans « sa lutte contre le terrorisme au Sahel. » Pour cela, il semble très urgent d’attendre, que le Tchad fonctionne ou pas ne semble ni l’objectif ni la stratégie, ni à court, ni à moyen, ni à long termes… On peut aussi, subséquemment se poser la question de la présence militaire de la France au Tchad de façon continue et injustifiée. Si l’armée française s’était déployée à la demande des « autorités tchadiennes » en vue d’assurer la sécurité face à une attaque étrangère -ce qui pouvait s’entendre- le Tchad actuel ne fait pas l’objet de menaces extérieures. Par conséquent, rien ne justifie la présence de l’armée française au Tchad, le DNIS doit statuer sur cette situation difficilement justifiable.
Une armée tchadienne véritablement nationale pourrait très bien assurer ses missions (article 3 de l’Ordonnance 91-001 1991-01-16 PCE/CEDNACVG) à savoir « défendre l’indépendance et l’unité nationale, la souveraineté et l’intégrité territoriale, la sécurité du pays et de préserver de la subversion et de toute agression. Elle participe au développement économique et social du pays »
- qui pourrait prendre des sanctions exemplaires contre les forces de défense qui se rendent coupables d’actes répréhensibles par la loi ? Comment résoudre cette équation en sachant que « l’armée tchadienne » est tribale et donc, plus encline à terroriser une population pour le bénéfice de son chef tribal ? Comme on le voit aujourd’hui, certaines personnes détiennent des armes de guerre, privilège réservé exclusivement à l’armée nationale par les lois. Il va sans dire que les attaques des « éleveurs » sur des paysans, sans qu’aucune suite judiciaire ne soit donnée participe de ce sentiment de manque de confiance en l’armée nationale. Certaines familles détiennent des rames de guerre et s’en servent régulièrement pour célébrer mariages ou autres réussites -avec des blessés graves à la clé...
- Le DNIS aurait pu être le lieu idoine pour aborder le sujet par toutes les forces vives du pays en vue de créer un consensus autour du futur de l’armée nationale sans laquelle aucune paix n’est possible. Visiblement, l’armée semble faire partie des sujets tabous qu’il ne faut surtout pas toucher. Dès lors, comment envisager que les armes se taisent pour faire place au dialogue, au consensus ? Dès lors, quel tchadien serait encore surpris si demain, d’autres tchadiens reprennent des armes, seul gage de pouvoir et de l’impunité ?
Ne pas évoquer la présence de l’armée française au Tchad tout comme l’armée républicaine tchadienne tout en faisant un DNIS semble un non-sens. L’armée française ayant un parti pris flagrant en soutenant systématiquement le régime Déby, il ne serait pas vain de soulever ce sujet avec délicatesse. Mais nous semblons abonnés à ce recommencement éternel -avec l’espoir d’obtenir la paix.
Ou nous nous satisfaisons du rôle -de rambos au rabais – que certains partenaires nous collent depuis les origines et veulent nous y maintenir ad vitam æternam ?
Avons-nous une marge de manœuvre, tchadiens, ou acceptons-nous de jouer contre nous ce jeu à somme nulle, en surjouant le rôle de porte-avion terrestre de la Françafrique ?
Je me permets de retrouver mes rêves d’enfant, de voir à nouveau des soldats tchadiens aussi beaux et inspirant confiance et sécurité… je rêve, je rêve… surtout ne me réveillez pas !
Ceci est une contribution citoyenne aux assises actuelles pour l’avenir du Tchad….
Kaar Kaas Sonn
Laval, le 17 septembre 2022
* Tchad, la grande guerre pour le pouvoir 1979-1980, les politico-militaires à l’assaut de la capitale, sous la direction de Gali Ngothé Gatta, Centre Al-Mouna 2007
Le décor est planté… L’armée républicaine a fait place nette à une milice tribale et ethnique. Cela pose de sérieux problèmes de construction d’une nation et d’un État de droit.
1. Qui connaît l’effectif réel de l’armée tchadienne ?
2. Qui connaît son budget ?
3. Qui connaît le matériel de l’ANT ?
4. Qui connaît les missions de l’armée ?
5. Qui dirige l’ANT
À ces différentes questions, s’ajoute la mise en place d’une « armée dans l’armée », suréquipée au service exclusif de celui qui détient le pouvoir. La DGSSIE sert, non pas à assurer des missions de sécurité du pays, mais celle exclusive du chef d’État. Elle semble totalement parallèle, avec un mode de fonctionnement échappant à toute logique d’institution républicaine. Elle a « cannibalisé » l’ANT purement et simplement. Le flou dans ses missions s’est traduit récemment dans son déploiement contre des manifestants des Transformateurs et Wakit Tama… En gros, cette « milice » sert d’instrument de terreur des tchadiens pour le bénéfice du clan au pouvoir. Du temps de Déby père, il semblait peu probable d’entreprendre la transformation de l’armée en la rendant plus républicaine en incluant des tchadiens de différentes origines. Le fonctionnement phagocyté de l’armée assure ainsi la survie du régime, car une armée nationale pourrait voir s’effriter le poids réel ou supposé des communautés ethniques qui portent le régime.
La DNIS devrait se pencher sur la question, mais semble l’éluder. Les militaires tchadiens, devenus accrocs au pouvoir politique, pourraient-ils envisager leur retour dans les casernes ?
La réponse à cette question semble comporter de nombreuses inconnues :
- les principaux partenaires du Tchad -la France et l’UE- ne semblent pas pressés de voir une armée diversifiée avec des processus de recrutements transparents. Il semble clair que l’armée tchadienne telle qu’elle est aujourd’hui, fait le business de la France dans « sa lutte contre le terrorisme au Sahel. » Pour cela, il semble très urgent d’attendre, que le Tchad fonctionne ou pas ne semble ni l’objectif ni la stratégie, ni à court, ni à moyen, ni à long termes… On peut aussi, subséquemment se poser la question de la présence militaire de la France au Tchad de façon continue et injustifiée. Si l’armée française s’était déployée à la demande des « autorités tchadiennes » en vue d’assurer la sécurité face à une attaque étrangère -ce qui pouvait s’entendre- le Tchad actuel ne fait pas l’objet de menaces extérieures. Par conséquent, rien ne justifie la présence de l’armée française au Tchad, le DNIS doit statuer sur cette situation difficilement justifiable.
Une armée tchadienne véritablement nationale pourrait très bien assurer ses missions (article 3 de l’Ordonnance 91-001 1991-01-16 PCE/CEDNACVG) à savoir « défendre l’indépendance et l’unité nationale, la souveraineté et l’intégrité territoriale, la sécurité du pays et de préserver de la subversion et de toute agression. Elle participe au développement économique et social du pays »
- qui pourrait prendre des sanctions exemplaires contre les forces de défense qui se rendent coupables d’actes répréhensibles par la loi ? Comment résoudre cette équation en sachant que « l’armée tchadienne » est tribale et donc, plus encline à terroriser une population pour le bénéfice de son chef tribal ? Comme on le voit aujourd’hui, certaines personnes détiennent des armes de guerre, privilège réservé exclusivement à l’armée nationale par les lois. Il va sans dire que les attaques des « éleveurs » sur des paysans, sans qu’aucune suite judiciaire ne soit donnée participe de ce sentiment de manque de confiance en l’armée nationale. Certaines familles détiennent des rames de guerre et s’en servent régulièrement pour célébrer mariages ou autres réussites -avec des blessés graves à la clé...
- Le DNIS aurait pu être le lieu idoine pour aborder le sujet par toutes les forces vives du pays en vue de créer un consensus autour du futur de l’armée nationale sans laquelle aucune paix n’est possible. Visiblement, l’armée semble faire partie des sujets tabous qu’il ne faut surtout pas toucher. Dès lors, comment envisager que les armes se taisent pour faire place au dialogue, au consensus ? Dès lors, quel tchadien serait encore surpris si demain, d’autres tchadiens reprennent des armes, seul gage de pouvoir et de l’impunité ?
Ne pas évoquer la présence de l’armée française au Tchad tout comme l’armée républicaine tchadienne tout en faisant un DNIS semble un non-sens. L’armée française ayant un parti pris flagrant en soutenant systématiquement le régime Déby, il ne serait pas vain de soulever ce sujet avec délicatesse. Mais nous semblons abonnés à ce recommencement éternel -avec l’espoir d’obtenir la paix.
Ou nous nous satisfaisons du rôle -de rambos au rabais – que certains partenaires nous collent depuis les origines et veulent nous y maintenir ad vitam æternam ?
Avons-nous une marge de manœuvre, tchadiens, ou acceptons-nous de jouer contre nous ce jeu à somme nulle, en surjouant le rôle de porte-avion terrestre de la Françafrique ?
Je me permets de retrouver mes rêves d’enfant, de voir à nouveau des soldats tchadiens aussi beaux et inspirant confiance et sécurité… je rêve, je rêve… surtout ne me réveillez pas !
Ceci est une contribution citoyenne aux assises actuelles pour l’avenir du Tchad….
Kaar Kaas Sonn
Laval, le 17 septembre 2022
* Tchad, la grande guerre pour le pouvoir 1979-1980, les politico-militaires à l’assaut de la capitale, sous la direction de Gali Ngothé Gatta, Centre Al-Mouna 2007