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CULTURE

Tchad : pourquoi le Tchad est-il en retard en matière de l'humour ?


Alwihda Info | Par Hibé Ouadjouli Evarist - 6 Décembre 2024


L'humour est un puissant levier culturel qui, dans de nombreuses sociétés, transcende les barrières sociales, apaise les tensions et sert de miroir critique à la société.


Cependant, au Tchad, ce domaine reste sous-développé par rapport à d'autres pays africains comme la Côte d'Ivoire, le Nigéria ou encore le Cameroun, où l'humour est un pilier de l'industrie culturelle.

À titre d'exemple, l'on peut citer les grands noms dans le domaine humoristique tels que les ivoiriens Gohou Michel, Djigneu Cravate, Ramatoulaye, Agalawal, Joël etc. Au Niger, nous pouvons reconnaître la place qu'occupe Mamane, en tant président du Parlement du Rire, basé en Côte d'Ivoire.

Au Cameroun voisin, il y a également un nombre important d'humoristes à savoir Moustik Le Karismatik, Kola Sucré, Tik Dengue etc. En RDC, nous assistons également aujourd'hui à l'explosion du jeune Herman Amissi, tant par sa capacité à faire rire les gens, ou encore du burkinabè Karim La Joie qui est également aujourd'hui un modèle pour le métier de l'humour au Burkina Faso et partout ailleurs en Afrique. En effet, cet article explore les raisons profondes de ce retard, en tenant compte des réalités historiques, sociales, économiques et culturelles du pays.

1- Contexte socio-historique et mentalités restrictives
Le Tchad, marqué par une histoire de conflits armés, d'instabilité politique et de fractures sociales, a développé une société où l'humour est souvent perçu comme secondaire, voire futile. Les tensions ethniques et religieuses, ainsi que la prédominance de normes sociales conservatives, limitent l'expression libre et audacieuse nécessaire au développement d'un humour créatif. Dans certaines régions du pays, la moquerie ou la satire sont souvent parfois mal perçues, car elles peuvent être interprétées comme des attaques personnelles, plutôt que comme des outils artistiques pour sensibiliser ou divertir. Ainsi, l'humour reste confiné dans des cadres traditionnels, loin de la scène publique ou médiatique.

2- Manque d'infrastructures et de soutien institutionnel
Contrairement aux pays où l'humour est structuré avec des écoles de formation, des clubs de comédie et des festivals, le Tchad manque cruellement d'infrastructures pour encadrer et professionnaliser les talents humoristiques. L'absence de salles de spectacle, adaptées, d'espaces dédiés aux arts de la scène, et de financements publics ou privés, pour promouvoir ce secteur freine l'émergence de talents locaux. Sans soutien institutionnel, les humoristes ne peuvent ni se former, ni se produire régulièrement, ni vivre de leur art.

3- Faible médiatisation et manque de plateforme
Dans de nombreux pays africains, les humoristes bénéficient d'une forte visibilité grâce à la télévision, la radio, les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Au Tchad, les médias locaux manquent encore de dynamisme et d'investissement pour mettre en avant des contenus humoristiques de qualité. Les plateformes en ligne, pourtant essentielles pour atteindre un large public, restent sous-exploitées par les créateurs tchadiens. Le coût élevé de l'accès à internet et le manque de maîtrise des outils numériques, freinent la démocratisation de l'humour en ligne.

4- Une jeunesse en quête de repères
L'humour est souvent porté par une jeunesse audacieuse, prête à expérimenter et à prendre des risques artistiques. Cependant, au Tchad, les jeunes font face à de nombreux défis, notamment le chômage, la pauvreté un système éducatif en difficulté. Ces contraintes limitent leur capacité à explorer des domaines créatifs, comme l'humour. Les talents humoristiques émergents sont souvent obligés de s'exporter vers des pays voisins où les opportunités sont plus nombreuses. Ce phénomène contribue à une fuite des talents, privant le pays de ses potentiels ambassadeur de l'humour.

5- L'humour comme levier de transformation sociale
Malgré ces défis, le Tchad regorge de jeunes talents et d'histoires uniques qui pourraient enrichir le paysage humoristique africain. Pour combler ce retard, il est impératif de : investir dans les infrastructures culturelles en créant des espaces dédiés aux arts de la scène pour permettre aux humoristes de se produire ; former et accompagner les talents en organisant des ateliers de formation et des partenariats avec des artistes internationaux ; encourager la liberté d'expression en sensibilisant les autorités et la société civile à l'importance de l'humour comme outil d'éducation et de cohésion sociale ; utiliser les réseaux sociaux en promouvant des contenus humoristiques tchadiens sur des plateformes numériques pour atteindre un public plus large et diversifié.

Conclusion
Le retard du Tchad en matière d'humour n'est pas une fatalité, mais le résultat de plusieurs facteurs historiques, culturels et structurels. Avec une vision stratégique et un investissement accru dans la culture, le pays pourra rattraper son retard et positionner l'humour comme un outil puissant de transformation sociale et d'expression artistique. Ce travail nécessitera non seulement des efforts institutionnels, mais aussi un changement de mentalité pour valoriser les arts comme partie intégrante du développement national.

L'humour, après tout, est un langage universel qui, même dans les contextes les plus difficiles, a le pouvoir de rassembler, de guérir et de faire avancer les sociétés. Avec une volonté commune et d'un soutien accru, les humoristes tchadiens tels que Abba Ngol, Mako Fiz le chinois, Samandar, Herbert Le Sage, Adjim Ebento, El Pasto, Chimzy Skinny, Alhadji Tawa, Hassan Gnélé, El Présidenté -5 étoiles etc..., pourront hisser davantage plus haut et plus loin le domaine de l'humour au Tchad, et ainsi qu'à l'international.



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