Par Franck CANA
C'est par des acclamations nourries et prolongées que madame Catherine Samba-Panza, maire de Bangui, capitale de la République Centrafricaine, a été élue Présidente de la transition de la dite république le 20 janvier 2014. C'est pour la première fois d'ailleurs qu'une femme accède à la fonction suprême dans ce pays et en Afrique centrale d'une manière générale. La nouvelle présidente a remporté une élection qui, au demeurant, n'était pas gagnée.
Une victoire surprenante
Lors de celle-ci, l'ancienne maire de Bangui était opposée aux ténors comme Émile Gros Raymond Nakombo, banquier de formation, ancien candidat à la présidentielle de 2011, Désiré Kolingba, fils de l'ancien président André Kolingba, Sylvain Patassé, fils de l'ancien président Ange-Félix Patassé. Elle remplace à ce poste Michel Djotodia, démissionné le 11 janvier par une volonté européenne sous le couvert de la communauté internationale. Celui-ci fut le chef de la rébellion Seleka ayant renversé à l'automne 2013 le régime du général François Bozizé. Ironie du sort, pourrait-on dire, puisque François Bozizé fut le chef de la rébellion qui renversa le pouvoir démocratique du président Ange-Félix Patassé en 2003.
De Catherine Samba-Panza, le grand public ne connaissait pas grand chose avant son accession à la présidence transitoire de la RCA. Cette femme mariée de 59 ans est née à Fort-Lamy au Tchad. Elle prit ses fonctions en qualité de maire de Bangui en juin 2013 et demeure à ce jour sans étiquette politique.
La puissance coloniale et la traditionnelle violence politique
A la vérité, elle vient s'asseoir sur les braises d'un État dont la violence politique a fini par s'enraciner depuis l'indépendance administrative du pays le 13 août 1960. Barthélemy Boganda fut le premier président de la RCA. Il meurt dans un mystérieux accident d'avion non élucidé. David Dacko devient président de la République. Jean-Bedel Bokassa est installé au pouvoir par la France en 1965. Il est lâché par Paris via le coup d'état de David Dacko en 1979. Ce dernier étant, ensuite, lui-même, chassé du pouvoir en 1981 par André Kolingba. C'est en 1993 qu'Ange-Félix Patassé remplace démocratiquement le général Kolingba à la présidence de la RCA. Malheureusement, la pesanteur extérieure y interrompt la démocratie et installe le général François Bozizé en 2003. A son tour, celui-ci fut lâché par les mêmes « faiseurs de roi » et renversé par les armes mises entre les mains de Michel Djotodia, à l'automne 2013.
La tache s'annonce donc ardue pour la madame la présidente lorsqu'on combine cette violence politique au chaos dans lequel elle prend les rênes du pouvoir. Le pays est morcelé en zones d'influences de plusieurs bandes armées dont les éléments musulmans de la Séléka et les anti-Balaka chrétiens. Une terreur qui favorise évidemment le pillage des ressources nationales par les étrangers. L'économie est en
lambeaux. Les caisses du trésor public sont vides. L'insécurité et une grave crise alimentaire ont plongé ce qui reste de la RCA dans une catastrophe humanitaire sans précédent, selon les nations unies.
Des donateurs intéressés
Dans ces conditions, la présidente ne pouvait faire autrement que de s'empresser de solliciter l'aide urgente de l'Onu, de la France, des institutions internationales et de certains chefs d'états. C'est bien logiquement qu'elle s'est rendue le 8 février 2014 à Brazzaville pour rencontrer le président congolais Denis Sassou Nguesso, médiateur dans le dossier de la Centrafrique. Mais pour de nombreux observateurs, cette visite semble avoir été marquée du sceau du remerciement vis-à-vis de celui qui aura permis le sacre de « la reine Catherine de Bangui ». Une visite fructueuse puisque madame la présidente reviendra de Brazzaville avec une aide de près de 30 milliards de francs cfa pour le paiement des salaires des fonctionnaires centrafricains.
Ainsi, tout porte à croire qu'avec la présence in fine des 2000 militaires français de l'opération Sangaris, l'aide financière de la communauté internationale, les 100 millions de dollars débloqués par Barack Obama et les sommes versées par le président Denis Sassou Nguesso à sa protégée, les marges de manœuvres et d'indépendance de la nouvelle présidente de la RCA semblent minces. D'autant plus que le pays regorge d'immenses ressources naturelles très convoitées. A l'instar de l'uranium exploité par le groupe français Areva dans la région de Mbomou à Bakouma. On y trouve également le diamant, l'aluminium, du bois d'agrumes ou encore le coton.
Face à cette réalité, à elle d’être à même de redonner espoir à ses compatriotes. De savoir défendre les intérêts du peuple centrafricain au milieu de ces positionnements extérieurs pleins de visées géopolitiques, pétrolières et minières.
Franck CANA
(A paraître dans le magazine « Belles » n°21 de mars 2014).