« Une voix diabolique, voire satanique ou luciférienne ? Cicéron Boku Ngoi réalisa soudain que le diable ne s’habillait pas que chez des grands couturiers européens. Il portait aussi la casquette Stetson, mesurait 1,75 mètre et avait la peau noire. Quelque part, en enfer, Satan devait être en proie au blues. »
« Le citoyen Ngwena se vit escorter par les deux armoires à glace. Le docteur risquait de ne pas être libéré de sitôt. Les brutes de la Division spéciale présidentielle, contrairement à la courtoisie, évidemment feinte, qu’avait affichée le major des Forces armées zaïroises lors de l’interrogatoire, ne se montreraient pas tendres. L’avenir du détenu était par conséquent incertain. Il valait mieux ne pas se retrouver dans sa situation. »
« On pouvait déjà s’attendre, dans les mois à venir, au durcissement du régime mobutiste. Ces prémices auraient pu en effet pousser les observateurs les plus prévenants à préfigurer la bestialité qui allait le caractériser quelques années plus tard. C’était donc dans l’atmosphère d’un mauvais casting, qui se déroulait sous les yeux des éléments français de la CRS, que les différents individus présents au Bobongo évoluaient – les uns comme acteurs et les autres en tant que spectateurs. »
« Suite aux grandes transformations auxquelles seraient contraintes les relations internationales à la fin de l’année 1989 avec l’effondrement du bloc de l’Est et la réorientation des politiques européennes d’aide au développement, désormais soucieuses de promouvoir la bonne gouvernance et le respect des droits humains, les Occidentaux estimeraient obsolète le rôle de la République du Zaïre comme rempart du capitalisme contre le communisme à la fois en Afrique centrale et orientale. Ainsi le maréchal Mobutu finirait-il par devenir un allié encombrant, voire pestiféré, au regard de l’opinion publique internationale. »
« La porte finit par s’entrouvrir sur l’impressionnant Bifos Munduki, son visage affichant la mine de papier mâchouillé. Ses yeux rouges se posèrent avec dureté sur les deux hommes qui se tenaient en face de lui. Assuré qu’il avait réellement affaire à July Cuivre, même s’il ne connaissait pas, a priori, le quidam qui l’accompagnait, il ouvrit la porte et s’effaça. La gestuelle corporelle qu’il exécuta s’accompagna d’une prière. »
« Conscient de cette nouvelle donnée, c’est-à-dire la fin de la guerre froide, et très choqué par l’exécution de son ami dictateur roumain Nicolae Ceausescu, le ploutocrate en “abacost” finirait par organiser à contrecœur des consultations populaires en vue d’un grand débat national sur l’amélioration du système politique et du développement économique de la République du Zaïre. »
« Une subtile mélodie captivante, quasiment envoûtante, provenait de la pièce voisine. Les Bobongo Stars, à savoir les musiciens et les chanteurs de l’orchestre qui se produisaient de temps à autre dans ce dancing, étaient en train de répéter. On entendait la voix ensorcelante de Bastia Nama Matingu et le son endiablé, tout à fait captivant, de la guitare de Shakara Mutela K. Une telle ambiance équivalait à l’exotisme, dans toute sa pureté, pour les policiers français de la Compagnie républicaine de sécurité ! Dommage, le grand Michelino Mavatiku Visi ne faisait pas partie de cet orchestre ! Il aurait pu enrichir davantage, de quelques notes dont lui seul détenait le secret, la musique des Bobongo Stars. Cicéron Boku Ngoi et ses acolytes, éblouis par cet air envoûtant, lequel renvoyait à l’époque où la grande Cora Walton – connue sous l’appellation de Koko Taylor – faisait vibrer les tripes des Noirs dans la ville de Memphis dans d’État du Tennessee. »
« La Conférence souveraine nationale aurait lieu sur la base des doléances qui avaient été faites à cet effet. Ce serait dans un climat de tension, de panique et de peur, alors que les travaux des assises stagnaient, que le président-maréchal Mobutu Sese Seko, après une réunion de concertation au Palais de Marbre à Kinshasa avec les représentants de l’Union sacrée, signerait l’ordonnance portant nomination de l’éternel opposant Étienne Tshisekedi wa Mulumba, mobutiste de première heure devenu dissident, au poste de Premier ministre. »
« Sur la piste, des filles presque nues, aux corps longilignes semblables à ceux des semblables à ceux des impalas, et des travestis aux longues jambes, des anges archanges fourvoyés, ainsi que des chattes de luxe dansaient sensuellement sous le regard admiratif de quelques Européens, à la mine patibulaire, dont les crânes étaient rasés. On se serait cru en Allemagne, dans les années 1930. Plus précisément au Himmel und Hölle, un ancien cabaret berlinois qui était situé non loin de l’Église mémorial Kaiser-Wilhelm. Le videur de cet établissement se déguisait en démon, tandis que les serveuses en anges. »
« En ayant comme référence le spectacle en cours au Bobongo, Kinshasa ressemblait complètement à la ville de Berlin en pleine débauche, mœurs qui préparèrent – de manière inconsciente pour les uns, mais délibérée pour les autres – la prise du pouvoir par Adolf Hitler et le Parti national-socialiste. À une différence près, en République du Zaïre, la dictature était déjà au pouvoir. Sauf si les nazis se trouvaient dans la capitale zaïroise pour apporter leur savoir-faire aux tortionnaires du maréchal Mobutu, ce dernier étant aussi appelé Mobutu SS. »
« Les clients européens, dont les airs s’apparentaient à ceux des nazis, auraient très bien pu s’appeler Joseph Goebbels, Hermann Wilhelm Göring, Heinrich Himmler, ou Erwin Rommel. En tout cas, ces types ressemblaient à des monstres comme Adolf Eichmann, Josef Mengele, Rodolph Hess, Martin Bormann, Klaus Barbie, Rudolf Franz Ferdinand Höss, Martin Bormann… »
« Cicéron Boku Ngoi raccompagna l’impressionnante citoyenne Mujinga Tshibola à son domicile, dans le quartier de Matonge, le fief des chanteurs comme Papa Wemba et le Commandant Dona Mobeti. Une sorte de Pigalle à la kinoise. »
« Le citoyen Ngwena se vit escorter par les deux armoires à glace. Le docteur risquait de ne pas être libéré de sitôt. Les brutes de la Division spéciale présidentielle, contrairement à la courtoisie, évidemment feinte, qu’avait affichée le major des Forces armées zaïroises lors de l’interrogatoire, ne se montreraient pas tendres. L’avenir du détenu était par conséquent incertain. Il valait mieux ne pas se retrouver dans sa situation. »
« On pouvait déjà s’attendre, dans les mois à venir, au durcissement du régime mobutiste. Ces prémices auraient pu en effet pousser les observateurs les plus prévenants à préfigurer la bestialité qui allait le caractériser quelques années plus tard. C’était donc dans l’atmosphère d’un mauvais casting, qui se déroulait sous les yeux des éléments français de la CRS, que les différents individus présents au Bobongo évoluaient – les uns comme acteurs et les autres en tant que spectateurs. »
« Suite aux grandes transformations auxquelles seraient contraintes les relations internationales à la fin de l’année 1989 avec l’effondrement du bloc de l’Est et la réorientation des politiques européennes d’aide au développement, désormais soucieuses de promouvoir la bonne gouvernance et le respect des droits humains, les Occidentaux estimeraient obsolète le rôle de la République du Zaïre comme rempart du capitalisme contre le communisme à la fois en Afrique centrale et orientale. Ainsi le maréchal Mobutu finirait-il par devenir un allié encombrant, voire pestiféré, au regard de l’opinion publique internationale. »
« La porte finit par s’entrouvrir sur l’impressionnant Bifos Munduki, son visage affichant la mine de papier mâchouillé. Ses yeux rouges se posèrent avec dureté sur les deux hommes qui se tenaient en face de lui. Assuré qu’il avait réellement affaire à July Cuivre, même s’il ne connaissait pas, a priori, le quidam qui l’accompagnait, il ouvrit la porte et s’effaça. La gestuelle corporelle qu’il exécuta s’accompagna d’une prière. »
« Conscient de cette nouvelle donnée, c’est-à-dire la fin de la guerre froide, et très choqué par l’exécution de son ami dictateur roumain Nicolae Ceausescu, le ploutocrate en “abacost” finirait par organiser à contrecœur des consultations populaires en vue d’un grand débat national sur l’amélioration du système politique et du développement économique de la République du Zaïre. »
« Une subtile mélodie captivante, quasiment envoûtante, provenait de la pièce voisine. Les Bobongo Stars, à savoir les musiciens et les chanteurs de l’orchestre qui se produisaient de temps à autre dans ce dancing, étaient en train de répéter. On entendait la voix ensorcelante de Bastia Nama Matingu et le son endiablé, tout à fait captivant, de la guitare de Shakara Mutela K. Une telle ambiance équivalait à l’exotisme, dans toute sa pureté, pour les policiers français de la Compagnie républicaine de sécurité ! Dommage, le grand Michelino Mavatiku Visi ne faisait pas partie de cet orchestre ! Il aurait pu enrichir davantage, de quelques notes dont lui seul détenait le secret, la musique des Bobongo Stars. Cicéron Boku Ngoi et ses acolytes, éblouis par cet air envoûtant, lequel renvoyait à l’époque où la grande Cora Walton – connue sous l’appellation de Koko Taylor – faisait vibrer les tripes des Noirs dans la ville de Memphis dans d’État du Tennessee. »
« La Conférence souveraine nationale aurait lieu sur la base des doléances qui avaient été faites à cet effet. Ce serait dans un climat de tension, de panique et de peur, alors que les travaux des assises stagnaient, que le président-maréchal Mobutu Sese Seko, après une réunion de concertation au Palais de Marbre à Kinshasa avec les représentants de l’Union sacrée, signerait l’ordonnance portant nomination de l’éternel opposant Étienne Tshisekedi wa Mulumba, mobutiste de première heure devenu dissident, au poste de Premier ministre. »
« Sur la piste, des filles presque nues, aux corps longilignes semblables à ceux des semblables à ceux des impalas, et des travestis aux longues jambes, des anges archanges fourvoyés, ainsi que des chattes de luxe dansaient sensuellement sous le regard admiratif de quelques Européens, à la mine patibulaire, dont les crânes étaient rasés. On se serait cru en Allemagne, dans les années 1930. Plus précisément au Himmel und Hölle, un ancien cabaret berlinois qui était situé non loin de l’Église mémorial Kaiser-Wilhelm. Le videur de cet établissement se déguisait en démon, tandis que les serveuses en anges. »
« En ayant comme référence le spectacle en cours au Bobongo, Kinshasa ressemblait complètement à la ville de Berlin en pleine débauche, mœurs qui préparèrent – de manière inconsciente pour les uns, mais délibérée pour les autres – la prise du pouvoir par Adolf Hitler et le Parti national-socialiste. À une différence près, en République du Zaïre, la dictature était déjà au pouvoir. Sauf si les nazis se trouvaient dans la capitale zaïroise pour apporter leur savoir-faire aux tortionnaires du maréchal Mobutu, ce dernier étant aussi appelé Mobutu SS. »
« Les clients européens, dont les airs s’apparentaient à ceux des nazis, auraient très bien pu s’appeler Joseph Goebbels, Hermann Wilhelm Göring, Heinrich Himmler, ou Erwin Rommel. En tout cas, ces types ressemblaient à des monstres comme Adolf Eichmann, Josef Mengele, Rodolph Hess, Martin Bormann, Klaus Barbie, Rudolf Franz Ferdinand Höss, Martin Bormann… »
« Cicéron Boku Ngoi raccompagna l’impressionnante citoyenne Mujinga Tshibola à son domicile, dans le quartier de Matonge, le fief des chanteurs comme Papa Wemba et le Commandant Dona Mobeti. Une sorte de Pigalle à la kinoise. »