Par Michelot Yogogombaye
Désoccidentalisons les droits d’homme (suite).
Nous avons vu dans l’analyse précédente qu’il y a, dans beaucoup des articles de « la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme » (DUDH), une empreinte évidente de la civilisation occidentale, et donc difficilement acceptables et compréhensibles pour des hommes et des femmes d'autres cultures que nous sommes. D’où la recommandation de les « désoccidentaliser ».
Dans cette deuxième partie, nous tenterons de mettre en lumière que l’occident lui-même et lui seul, de part sa civilisation, a particulièrement besoin des « Droits de l’Homme ». Toutefois il n’en a pas le monopole. Deux remarques nous permettent d’arriver à cette conclusion.
a)- Les « Droits de l’Homme », c’est l'Occident qui en a particulièrement besoin.
Quelles réflexions et quelles autres remarques pourrions-faire de ce que nous venons de lire ? La première remarque est que si c'est en Occident que l'on a le plus parlé de « Droits de l’Homme », c'est que l'Occident, plus que quelle autre région au monde, en avait particulièrement besoin.
Car ne l’oublions : en 1948, cet « Occident » venait de sortir de l'une des périodes les plus barbares et les plus sombres de son histoire ; et que c'étaient justement des Nations Européennes qui étaient responsables du plus grand génocide ; le premier des génocides de l’histoire de l’humanité qui avait été planifié en application d'une théorie raciste prétendument scientifique ; que c’étaient encore et toujours les Nations européennes qui étaient responsables aussi des moyens de destruction les plus massifs, tel que la bombe atomique, de mines anti-personnel, etc.
Ne l’oublions pas non plus aussi que c’étaient des nations européennes qui, dès le 19ème siècle et ce jusqu'au lendemain de la 2nd guerre mondiale, « dominaient » [à peu près] presque tout le reste du monde, et qu'elles étaient en fait responsables de des violations massives d'un des droits fondamentaux qui est celui pour chaque peuple de disposer de soi-même.
Enfin, ne l’oublions surtout pas aussi que le christianisme [présenté aujourd’hui comme soucieux des droits de l’homme] n'a nullement empêché l'Occident d'avoir été responsable, dans le passé, de monumentales violations massives des droits humains: pensons aux guerres de religion, où il arrivait qu'on brûlait vifs tous les habitants d’un village, d'une ville parce que, tout en confessant Jésus-Christ, ils ne le confessaient pas de la bonne manière; pensons aux atrocités de la « conquista » espagnole de l'Amérique du Sud, à l'extermination des Indiens en Amérique du Nord, à la traite des noirs en Afrique.
Non, il n'y a vraiment aucune raison de dire que la civilisation occidentale et chrétienne est plus respectueuse des droits humains que les autres. Regardons un peu l’histoire et voyons comment, par qui et au nom de quoi la civilisation de l’ancien empire du Grand Zimbabwe a été saccagée, pillée pour ensuite déformer son histoire. Regardez enfin cette actualité : l’apartheid, Nelson Mandela. Ce n’était-il pas au nom de l’idéologie du Christianisme tirée de la Bible que le système de l’apartheid a été développé et mis en place en Afrique du Sud par des hommes qui y immigraient au par avant en amenant dans leur bagage la culture, la civilisation occidentale ? Mandela et des millions de noirs sud africains n’ont-ils pas payé de leur liberté et de leur vie les effets de cette civilisation occidentale importée en Afrique ?
Avez-vous trouvé une explication, une raison à l’absence des représentants (des envoyés spéciaux) des médias français à Pretoria, le jour de la libération de Nelson Mandela ? En réalité, l’homme noir, notamment l’africain, n’a rien à avoir avec la culture, la civilisation occidentale, très éloignée de notre brillante civilisation. Evitons en cela, le mortel mimétisme culturel. Tout ce qui vient de l’occident n’est pas forcément bon pour le reste de l’humanité. Et personnellement, je doute de la capacité de la civilisation occidentale à fonder les droits humains. Ceux-ci trouvent aussi bien leurs fondements dans nos cultures, dans d'autres cultures. Pourquoi les avions-nous délaissés pour imiter l’occident ? C’est la question de ma remarque sur la fausse idée selon laquelle c’est la culture occidentale seule pourrait fonder les droits humains.
En effet, le Christianisme n’a pas le monopole d’humanisme et, vu son passé, il ne saurait jamais revendiquer la promotion et la protection des « Droits Humains ». Il n’y a pas que dans et de cette idéologie que pouvaient exclusivement naître des fondateurs des « Médecins Sans Frontière » et ou des prétendus « Chasseurs des dictateurs ». Non, C’est faux ! Les autres religions et civilisations du monde contiennent, elles aussi, des éléments qui peuvent tout aussi bien fonder les « Droits Humains » que la foi chrétienne. Pour étayer ces propos, je citerai ici un seul verset du Coran que je trouve absolument admirable: "Si quelqu'un tue un Homme, il tue l'humanité. Si quelqu'un sauve un Homme, il sauve l'humanité"(Coran, Sourate 5, vers. 35). Ce remarquable verset explique combien les « Droits Humains » étaient au cœur des préoccupations de l’Islam. Exception faite de l’incise qu’il contient, ce Verset du Coran constitue, à mon avis, l’un des éléments solides sur lesquels peuvent être fondés les « Droits Humains ».
Nous citons un verset du Coran qui fait des « Droits Humains » une préoccupation fondamentale évidente : "Si quelqu'un tue un Homme, il tue l'humanité. Si quelqu'un sauve un Homme, il sauve l'humanité"(Coran, Sourate 5, vers. 35). Or, le Coran a été révélé plusieurs siècles bien avant la Déclaration Universelle de Droits de l’Homme de 1948. L’islam avait su et recommandé donc dès le septième siècle déjà que dans un seul être humain, il y a toute l'humanité. N'est-ce pas là une affirmation de foi absolument fantastique, qui fait penser à la phrase de Jésus Christ selon laquelle: "Toutes les fois que vous avez cela au plus petit de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait"? Ainsi donc, nous avons dans le Coran l'un des meilleurs fondements de toute l'action pour les Droits Humains, à savoir l'affirmation de la valeur absolue de chaque être humain. Aujourd’hui, on a volontairement tu cette affirmation universelle de la valeur absolue de l’être humain en Islam, pour n’accorder la reconnaissance de cette paternité qu’au seul Christianisme et donc à la seule civilisation occidentale. C’est malhonnête, c’est injuste. Reconnaissons aussi à l’Islam ce qui est à l’Islam tout comme reconnaissons au Christianisme ce qui est au Christianisme. Car le Christianisme et donc la civilisation occidentale, n’a pas seule le monopole de l’affirmation de la valeur absolue de l’être humain.
b)- Le Christianisme n’a pas le monopole de l’affirmation de la valeur absolue de l’être humain
Regardons maintenant du côté de la culture asiatique, un peu plus à l'est ; dans cette Asie, où on dit que la notion de droits humains a tant de peine à percer. Là aussi, l’affirmation n’est que gratuite. Et comme toujours c’est aussi le complexe de supériorité de la civilisation occidentale qui permet de répandre de telles insanités ; de tels préjugés. Il faut coute que coute évangéliser les droits de l’homme aux autres cultures qui n’auraient pas cet élément dans leurs dispositifs sociétaux. Je dis c’est absolument faux.
En effet, n’est-ce pas en Asie que sont apparus, au cours de notre siècle, des personnalités aussi extraordinaires que le Mahatma Gandhi, dont tous les combats étaient des combats pour les droits humains, et qui de plus est resté toute sa vie attaché à la non-violence ? Mahatma Gandhi n'a pas seulement fait du respect de la dignité humaine sa fin, mais aussi un de ses moyens. On n’a pas encore vu un tel homme naître de la civilisation occidentale.
Autre exemple, autre extraordinaire homme. Un autre homme extraordinaire issu lui aussi de la culture, de la civilisation asiatique : le Dalaï-lama. Cet extraordinaire homme passe toute sa vie à se battre pour la dignité de son peuple tibétain, au nom du bouddhisme et au nom de la fraternité universelle. Alors d’où vient cette incongrue idée selon laquelle l'Asie est imperméable à la notion de Droits de l’Homme ?
Je suis régulièrement les conférences, les discours et déclarations du Dalaï-lama. Je me souviens d'avoir notamment entendu un discours oh combien remarquable qu’il a prononcé lors d'une conférence à Strasbourg: ce discours prononcé au début des années quatre-vingt-dix, était tout simplement remarquable et admirable. Remarquable et admirable, à la fois par sa spiritualité et par sa solidarité. Or, pas une seule fois le Dalaï-lama n’y ait prononcé les mots "Human Rights" (droits humains). Et pourtant, en réalité, c’était bien « des droits humains » qu'il parlait. Mais paradoxalement les mots qu'il prononçait, n’étaient "Human Rights" (droits humains mais plutôt: « Compassion, Réalisation personnelle, Respect de la vie, etc. ».
Alors maintenant, au lieu de courir à Paris ou à Genève pour y prendre leurs mots d’ordre, nos pseudos défenseurs africains des « Droits de l’Homme » rendraient mieux service à notre continent en s’inspirant de la philosophie de ces hommes qu’on appelle : Gandhi, Dalaï-lama, Mandela. Ils doivent surtout se poser la question de savoir ce qui fait le plus obstacle, dans nos cultures, à la notion de Droits de l’Homme ? A mon avis, ce n'est pas le mot "droit" qui fait obstacle à la mise en œuvre du concept des Droits de l’Homme par et dans les cultures autres que la culture occidentale. Ainsi, la religion bouddhique - pas plus que l'islamique d'ailleurs ni que le confucianisme - ne dit pas que l'homme (ou la femme) a des droits. Selon ces religions (d'ailleurs selon la religion chrétienne aussi d’une certaine façon), l'homme doit chercher humblement à se conformer à la volonté du Créateur, ou à ce qui est exigé de lui par la communauté dans laquelle il vit. En Afrique, par exemple les droits de la communauté priment sur ceux de l’individu qui n’est là que parce que la communauté à laquelle il appartient existe ! C'est là en effet que se trouve l’origine du conflit pas si important d’ailleurs mais bien connu entre « droits » et « devoirs » de l'Homme.
Qui parmi nous pourrait nous faire ressortir la différence qu’il y a entre : "Tout être humain a droit à la liberté" et: "Tu n'asserviras aucun être humain"? Ne disons-nous pas ici la même chose en de phrases et mots différents ? Qu'est-ce qu'un « droit », s'il n'est accompagné du « devoir » pour les autres de le respecter? A quoi cela servira-t-il à l’automobiliste de faire usage de son droit à la priorité de passage dans un carrefour alors qu’il sait pertinemment que l’exercice de ce droit en ce moment précis lui causerait un accident mortel?
Poussons encore plus loin l’analyse du discours du Dalaï-lama tantôt cité. Nous savons que dans ce discours prononcé à Strasbourg, le Dalaï-lama non seulement n'utilisait pas le terme « Droits de l’Homme », mais pratiquement aucun terme juridique. Pourtant, « les droits de l’homme » est au cœur de toutes les préoccupations de ce chef spirituel. Autrement dit, s'il faut respecter les « Droits de l’Homme », ce n'est pas parce que le droit le prescrit, mais en raison d'une compréhension spirituelle de l'homme, - et en tout cas en islam -en raison de l'obéissance due à Dieu. Si l’occident et la religion chrétienne ont attendu 1948, après la traite négrière, les croisades, la colonisation avec son sadisme et les deux abominables guerres mondiales, pour se rendre compte qu’il y a des droits humains à respecter et ainsi se racheter la conscience, ce n’est pas le cas pour nous autres ; ce n’est pas le cas pour les autres cultures, pour les autres religions, pour les autres civilisations qui représentent les trois quarts de l’humanité.
Je ne suis pas, ici, entrain de dire qu’il faille abandonner la notion de « droit », moins encore la protection des « Droits Humains ». Je ne suis pas non plus entrain de dire qu’il faille mieux fonder les « Droits de Humains» sur une réflexion juridique ou sur une réflexion spirituelle. Je ne suis pas non plus philosophe. Je suis simplement africain. Quelqu’un qui a une culture, une civilisation brillante et qui en est fier. J’exprime donc, ici, ce qui sort des entrailles de mes rochers culturels. Je dis ce qui sort de la profondeur de la culture africaine, de sa brillante civilisation. J’entends expliquer par là que le langage occidental - de nature juridique et essentiellement individualiste - a et aura toujours de la peine à passer dans nos cultures, dans d’autres cultures notamment du Sud ; mais que cela ne veut nullement dire que ces [autres] cultures soient hostiles au contenu de ce que nous appelons "Droits de l'Homme". Autrement dit, il est urgent pour nous de refuser l’influence de la culture occidentale. Nous devons plutôt nous ouvrir mais aussi ouvrir notre civilisation à l’occident. Il en a vraiment besoin.
Julius Nyerere (un africain, Tanzanie) disait : « Attacher trop d’importance aux connaissances livresques est aussi faux que de les sous-estimer ». En Europe, des philosophes et hommes de lettres disaient : « Erreur au-delà des Pyrénées, vérité en deçà ». Cela veut dire que ce qui est « bon, juste et vrai » en occident n’est pas forcement « bon, juste et vrai », ailleurs dans d’autres cultures, notamment en Afrique. Alors Messieurs les défenseurs des « Droits Humains », n’appliquez pas les « Droits de l’Homme » en Afrique. Promouvez et appliquez plutôt les « Droits Humains ». Evitons de bêtement prendre comme vérité « tout » langage en provenance de l’Occident. C’est urgent! Désoccidentalisons les « Droits Humains, Car effectivement, si nous voulons promouvoir une culture universelle des Droits de l’Homme, ce n’est pas en Occident que nous trouverions le chemin, le modèle à suivre. Nous devons nous mêmes et nous aussi faire passer les « Droits Humains » dans le langage de nos propre cultures, et de nos propres croyances, de nos propres religions.
A suivre… Revenez donc de temps en temps sur ce site pour la suite du débat.
Michelot Yogogombaye [email protected]
Nous avons vu dans l’analyse précédente qu’il y a, dans beaucoup des articles de « la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme » (DUDH), une empreinte évidente de la civilisation occidentale, et donc difficilement acceptables et compréhensibles pour des hommes et des femmes d'autres cultures que nous sommes. D’où la recommandation de les « désoccidentaliser ».
Dans cette deuxième partie, nous tenterons de mettre en lumière que l’occident lui-même et lui seul, de part sa civilisation, a particulièrement besoin des « Droits de l’Homme ». Toutefois il n’en a pas le monopole. Deux remarques nous permettent d’arriver à cette conclusion.
a)- Les « Droits de l’Homme », c’est l'Occident qui en a particulièrement besoin.
Quelles réflexions et quelles autres remarques pourrions-faire de ce que nous venons de lire ? La première remarque est que si c'est en Occident que l'on a le plus parlé de « Droits de l’Homme », c'est que l'Occident, plus que quelle autre région au monde, en avait particulièrement besoin.
Car ne l’oublions : en 1948, cet « Occident » venait de sortir de l'une des périodes les plus barbares et les plus sombres de son histoire ; et que c'étaient justement des Nations Européennes qui étaient responsables du plus grand génocide ; le premier des génocides de l’histoire de l’humanité qui avait été planifié en application d'une théorie raciste prétendument scientifique ; que c’étaient encore et toujours les Nations européennes qui étaient responsables aussi des moyens de destruction les plus massifs, tel que la bombe atomique, de mines anti-personnel, etc.
Ne l’oublions pas non plus aussi que c’étaient des nations européennes qui, dès le 19ème siècle et ce jusqu'au lendemain de la 2nd guerre mondiale, « dominaient » [à peu près] presque tout le reste du monde, et qu'elles étaient en fait responsables de des violations massives d'un des droits fondamentaux qui est celui pour chaque peuple de disposer de soi-même.
Enfin, ne l’oublions surtout pas aussi que le christianisme [présenté aujourd’hui comme soucieux des droits de l’homme] n'a nullement empêché l'Occident d'avoir été responsable, dans le passé, de monumentales violations massives des droits humains: pensons aux guerres de religion, où il arrivait qu'on brûlait vifs tous les habitants d’un village, d'une ville parce que, tout en confessant Jésus-Christ, ils ne le confessaient pas de la bonne manière; pensons aux atrocités de la « conquista » espagnole de l'Amérique du Sud, à l'extermination des Indiens en Amérique du Nord, à la traite des noirs en Afrique.
Non, il n'y a vraiment aucune raison de dire que la civilisation occidentale et chrétienne est plus respectueuse des droits humains que les autres. Regardons un peu l’histoire et voyons comment, par qui et au nom de quoi la civilisation de l’ancien empire du Grand Zimbabwe a été saccagée, pillée pour ensuite déformer son histoire. Regardez enfin cette actualité : l’apartheid, Nelson Mandela. Ce n’était-il pas au nom de l’idéologie du Christianisme tirée de la Bible que le système de l’apartheid a été développé et mis en place en Afrique du Sud par des hommes qui y immigraient au par avant en amenant dans leur bagage la culture, la civilisation occidentale ? Mandela et des millions de noirs sud africains n’ont-ils pas payé de leur liberté et de leur vie les effets de cette civilisation occidentale importée en Afrique ?
Avez-vous trouvé une explication, une raison à l’absence des représentants (des envoyés spéciaux) des médias français à Pretoria, le jour de la libération de Nelson Mandela ? En réalité, l’homme noir, notamment l’africain, n’a rien à avoir avec la culture, la civilisation occidentale, très éloignée de notre brillante civilisation. Evitons en cela, le mortel mimétisme culturel. Tout ce qui vient de l’occident n’est pas forcément bon pour le reste de l’humanité. Et personnellement, je doute de la capacité de la civilisation occidentale à fonder les droits humains. Ceux-ci trouvent aussi bien leurs fondements dans nos cultures, dans d'autres cultures. Pourquoi les avions-nous délaissés pour imiter l’occident ? C’est la question de ma remarque sur la fausse idée selon laquelle c’est la culture occidentale seule pourrait fonder les droits humains.
En effet, le Christianisme n’a pas le monopole d’humanisme et, vu son passé, il ne saurait jamais revendiquer la promotion et la protection des « Droits Humains ». Il n’y a pas que dans et de cette idéologie que pouvaient exclusivement naître des fondateurs des « Médecins Sans Frontière » et ou des prétendus « Chasseurs des dictateurs ». Non, C’est faux ! Les autres religions et civilisations du monde contiennent, elles aussi, des éléments qui peuvent tout aussi bien fonder les « Droits Humains » que la foi chrétienne. Pour étayer ces propos, je citerai ici un seul verset du Coran que je trouve absolument admirable: "Si quelqu'un tue un Homme, il tue l'humanité. Si quelqu'un sauve un Homme, il sauve l'humanité"(Coran, Sourate 5, vers. 35). Ce remarquable verset explique combien les « Droits Humains » étaient au cœur des préoccupations de l’Islam. Exception faite de l’incise qu’il contient, ce Verset du Coran constitue, à mon avis, l’un des éléments solides sur lesquels peuvent être fondés les « Droits Humains ».
Nous citons un verset du Coran qui fait des « Droits Humains » une préoccupation fondamentale évidente : "Si quelqu'un tue un Homme, il tue l'humanité. Si quelqu'un sauve un Homme, il sauve l'humanité"(Coran, Sourate 5, vers. 35). Or, le Coran a été révélé plusieurs siècles bien avant la Déclaration Universelle de Droits de l’Homme de 1948. L’islam avait su et recommandé donc dès le septième siècle déjà que dans un seul être humain, il y a toute l'humanité. N'est-ce pas là une affirmation de foi absolument fantastique, qui fait penser à la phrase de Jésus Christ selon laquelle: "Toutes les fois que vous avez cela au plus petit de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait"? Ainsi donc, nous avons dans le Coran l'un des meilleurs fondements de toute l'action pour les Droits Humains, à savoir l'affirmation de la valeur absolue de chaque être humain. Aujourd’hui, on a volontairement tu cette affirmation universelle de la valeur absolue de l’être humain en Islam, pour n’accorder la reconnaissance de cette paternité qu’au seul Christianisme et donc à la seule civilisation occidentale. C’est malhonnête, c’est injuste. Reconnaissons aussi à l’Islam ce qui est à l’Islam tout comme reconnaissons au Christianisme ce qui est au Christianisme. Car le Christianisme et donc la civilisation occidentale, n’a pas seule le monopole de l’affirmation de la valeur absolue de l’être humain.
b)- Le Christianisme n’a pas le monopole de l’affirmation de la valeur absolue de l’être humain
Regardons maintenant du côté de la culture asiatique, un peu plus à l'est ; dans cette Asie, où on dit que la notion de droits humains a tant de peine à percer. Là aussi, l’affirmation n’est que gratuite. Et comme toujours c’est aussi le complexe de supériorité de la civilisation occidentale qui permet de répandre de telles insanités ; de tels préjugés. Il faut coute que coute évangéliser les droits de l’homme aux autres cultures qui n’auraient pas cet élément dans leurs dispositifs sociétaux. Je dis c’est absolument faux.
En effet, n’est-ce pas en Asie que sont apparus, au cours de notre siècle, des personnalités aussi extraordinaires que le Mahatma Gandhi, dont tous les combats étaient des combats pour les droits humains, et qui de plus est resté toute sa vie attaché à la non-violence ? Mahatma Gandhi n'a pas seulement fait du respect de la dignité humaine sa fin, mais aussi un de ses moyens. On n’a pas encore vu un tel homme naître de la civilisation occidentale.
Autre exemple, autre extraordinaire homme. Un autre homme extraordinaire issu lui aussi de la culture, de la civilisation asiatique : le Dalaï-lama. Cet extraordinaire homme passe toute sa vie à se battre pour la dignité de son peuple tibétain, au nom du bouddhisme et au nom de la fraternité universelle. Alors d’où vient cette incongrue idée selon laquelle l'Asie est imperméable à la notion de Droits de l’Homme ?
Je suis régulièrement les conférences, les discours et déclarations du Dalaï-lama. Je me souviens d'avoir notamment entendu un discours oh combien remarquable qu’il a prononcé lors d'une conférence à Strasbourg: ce discours prononcé au début des années quatre-vingt-dix, était tout simplement remarquable et admirable. Remarquable et admirable, à la fois par sa spiritualité et par sa solidarité. Or, pas une seule fois le Dalaï-lama n’y ait prononcé les mots "Human Rights" (droits humains). Et pourtant, en réalité, c’était bien « des droits humains » qu'il parlait. Mais paradoxalement les mots qu'il prononçait, n’étaient "Human Rights" (droits humains mais plutôt: « Compassion, Réalisation personnelle, Respect de la vie, etc. ».
Alors maintenant, au lieu de courir à Paris ou à Genève pour y prendre leurs mots d’ordre, nos pseudos défenseurs africains des « Droits de l’Homme » rendraient mieux service à notre continent en s’inspirant de la philosophie de ces hommes qu’on appelle : Gandhi, Dalaï-lama, Mandela. Ils doivent surtout se poser la question de savoir ce qui fait le plus obstacle, dans nos cultures, à la notion de Droits de l’Homme ? A mon avis, ce n'est pas le mot "droit" qui fait obstacle à la mise en œuvre du concept des Droits de l’Homme par et dans les cultures autres que la culture occidentale. Ainsi, la religion bouddhique - pas plus que l'islamique d'ailleurs ni que le confucianisme - ne dit pas que l'homme (ou la femme) a des droits. Selon ces religions (d'ailleurs selon la religion chrétienne aussi d’une certaine façon), l'homme doit chercher humblement à se conformer à la volonté du Créateur, ou à ce qui est exigé de lui par la communauté dans laquelle il vit. En Afrique, par exemple les droits de la communauté priment sur ceux de l’individu qui n’est là que parce que la communauté à laquelle il appartient existe ! C'est là en effet que se trouve l’origine du conflit pas si important d’ailleurs mais bien connu entre « droits » et « devoirs » de l'Homme.
Qui parmi nous pourrait nous faire ressortir la différence qu’il y a entre : "Tout être humain a droit à la liberté" et: "Tu n'asserviras aucun être humain"? Ne disons-nous pas ici la même chose en de phrases et mots différents ? Qu'est-ce qu'un « droit », s'il n'est accompagné du « devoir » pour les autres de le respecter? A quoi cela servira-t-il à l’automobiliste de faire usage de son droit à la priorité de passage dans un carrefour alors qu’il sait pertinemment que l’exercice de ce droit en ce moment précis lui causerait un accident mortel?
Poussons encore plus loin l’analyse du discours du Dalaï-lama tantôt cité. Nous savons que dans ce discours prononcé à Strasbourg, le Dalaï-lama non seulement n'utilisait pas le terme « Droits de l’Homme », mais pratiquement aucun terme juridique. Pourtant, « les droits de l’homme » est au cœur de toutes les préoccupations de ce chef spirituel. Autrement dit, s'il faut respecter les « Droits de l’Homme », ce n'est pas parce que le droit le prescrit, mais en raison d'une compréhension spirituelle de l'homme, - et en tout cas en islam -en raison de l'obéissance due à Dieu. Si l’occident et la religion chrétienne ont attendu 1948, après la traite négrière, les croisades, la colonisation avec son sadisme et les deux abominables guerres mondiales, pour se rendre compte qu’il y a des droits humains à respecter et ainsi se racheter la conscience, ce n’est pas le cas pour nous autres ; ce n’est pas le cas pour les autres cultures, pour les autres religions, pour les autres civilisations qui représentent les trois quarts de l’humanité.
Je ne suis pas, ici, entrain de dire qu’il faille abandonner la notion de « droit », moins encore la protection des « Droits Humains ». Je ne suis pas non plus entrain de dire qu’il faille mieux fonder les « Droits de Humains» sur une réflexion juridique ou sur une réflexion spirituelle. Je ne suis pas non plus philosophe. Je suis simplement africain. Quelqu’un qui a une culture, une civilisation brillante et qui en est fier. J’exprime donc, ici, ce qui sort des entrailles de mes rochers culturels. Je dis ce qui sort de la profondeur de la culture africaine, de sa brillante civilisation. J’entends expliquer par là que le langage occidental - de nature juridique et essentiellement individualiste - a et aura toujours de la peine à passer dans nos cultures, dans d’autres cultures notamment du Sud ; mais que cela ne veut nullement dire que ces [autres] cultures soient hostiles au contenu de ce que nous appelons "Droits de l'Homme". Autrement dit, il est urgent pour nous de refuser l’influence de la culture occidentale. Nous devons plutôt nous ouvrir mais aussi ouvrir notre civilisation à l’occident. Il en a vraiment besoin.
Julius Nyerere (un africain, Tanzanie) disait : « Attacher trop d’importance aux connaissances livresques est aussi faux que de les sous-estimer ». En Europe, des philosophes et hommes de lettres disaient : « Erreur au-delà des Pyrénées, vérité en deçà ». Cela veut dire que ce qui est « bon, juste et vrai » en occident n’est pas forcement « bon, juste et vrai », ailleurs dans d’autres cultures, notamment en Afrique. Alors Messieurs les défenseurs des « Droits Humains », n’appliquez pas les « Droits de l’Homme » en Afrique. Promouvez et appliquez plutôt les « Droits Humains ». Evitons de bêtement prendre comme vérité « tout » langage en provenance de l’Occident. C’est urgent! Désoccidentalisons les « Droits Humains, Car effectivement, si nous voulons promouvoir une culture universelle des Droits de l’Homme, ce n’est pas en Occident que nous trouverions le chemin, le modèle à suivre. Nous devons nous mêmes et nous aussi faire passer les « Droits Humains » dans le langage de nos propre cultures, et de nos propres croyances, de nos propres religions.
A suivre… Revenez donc de temps en temps sur ce site pour la suite du débat.
Michelot Yogogombaye [email protected]