ANALYSE

Assemblée générale de l'ONU: L'Afrique francophone unanime sur la présidence á vie


Alwihda Info | Par 237online - 1 Octobre 2014


69e assemblée générale de l’ONU: Les voix dissonantes de l’Afrique centrale



Autoglorification, bataille électorale, lutte d’hégémonie. Pas de front commun face aux dangers qui minent la sous-région.
Pour Ban Ki‐Moon, qui ouvrait le débat général de la 69ème session annuelle de lʹAssemblée générale de lʹOnu à New York le 24 septembre dernier, «Cette année, lʹhorizon sʹest assombri, nous sommes attristés par des actes inqualifiables et la mort de nombreux innocents; les fantômes de la Guerre froide sont de retour et le Printemps arabe a pour une large part dégénéré sous nos yeux en une spirale de violence». Ceci du fait que «La diplomatie est sur la défensive, affaiblie par ceux qui croient en la violence. La diversité est menacée par des extrémistes qui insistent pour imposer leur vision à tous. Le désarmement est considéré comme un rêve lointain, saboté par ceux qui tirent profit dʹun état de guerre perpétuel». Pour renverser la situation actuelle, le secrétaire général de l’Onu a exhorté les Etats membres de l’Organisation «à honorer leurs responsabilités à lʹégard de leurs peuples». Avant de rappeler que «La guerre, la pauvreté, lʹignorance, les crises causées par les hommes peuvent être réglées par les hommes».

Autoglorification camerounaise
Pierre Moukoko Mbonjo, ministre camerounais des relations extérieures, est monté deux jours plus tard sur la haute tribune, a sans doute voulu profiter de cette brèche pour vanter le régime de Paul Biya, qui signait sa quatrième année consécutive d’absence aux travaux de l’assemblée générale de l’Onu. «Nous avons mis en œuvre au Cameroun, à partir de 2010, une stratégie pour la croissance et lʹemploi dont la motivation essentielle est la réduction de la pauvreté. Les mesures prises à ce titre visent notamment à créer des emplois et à améliorer les conditions de vie de la population», a‐t‐il déclaré. Avant de poursuivre sur une ligne que l’on reconnait dans tous les discours de Paul Biya depuis 32 ans.

A savoir que, comme il en est de tous les pays en développement, en dépit de tant de progrès importants réalisés, il reste encore beaucoup à faire dans les domaines de lʹéducation, de la santé, de l’accès à l’eau et à l’électricité et des routes. Par ailleurs, le ministre camerounais a présenté son pays comme un «îlot de paix et de stabilité». Paul Biya pour qui était réservé ce discours, s’il avait honoré le rendez‐vous, voulait‐il profiter de la tribune de l’Onu pour annoncer la fin et surtout la victoire d’une guerre qu’il avait déclarée depuis Paris contre Boko Haram? Quoi qu’il en soit, la délégation rentre en ne se doutant pas que le régime de Yaoundé est définitivement dans l’oeil du cyclone de Barack Obama. Le président américain, durant son allocution, a cité le nom d’un homosexuel assassiné à Yaoundé du fait de son orientation sexuelle. Inscrivant du coup le pays de Paul Biya parmi les terres où règne l’intolérance. Le Cameroun est une probable cible des USA, qui sont venus une fois de plus jurer devant la face du monde leur détermination d’en découdre par tous les moyens avec les fanatiques et autres intolérants de tous genres.

La délation centrafricaine
La présidente de la transition de la République centrafricaine, Catherine Samba Panza, mettra à nu ce que voulait dissimuler le ministre camerounais. En effet, elle a attiré l’attention des membres de l’Organisation sur les dangers de la secte Boko Haram qui opère au Nigéria et au Cameroun, non loin des frontières de son pays en proie à une guerre civile depuis plus de deux ans. En RCA, «la situation humanitaire de manière générale reste préoccupante car tributaire de la situation sécuritaire fragile, notamment dans lʹarriere‐pays». Sʹexprimant lors dʹune réunion de haut niveau sur la Centrafrique, en marge de lʹAssemblée générale de lʹOnu, Ban Ki‐Moon appellera la communauté internationale à se mobiliser pour favoriser la reprise économique et la stabilisation en République centrafricaine. «Nous devons être là pour les Centrafricains. Nous devons nous engager à tenir le cap et à les aider à tracer la voie qui conduira à la reconstruction, à la réconciliation et au retour de l’Etat de droit. Nous avons la possibilité dʹaider. Et lʹobligation dʹagir», a dit le secrétaire général de l’Onu. Non sans insister que «pour que la paix revienne en RCA, il est indispensable que les crimes atroces qui ont été commis soient punis».
L’excès de zèle tchadien
Comme on pouvait s’en douter, Idriss Deby est monté sur la tribune de l’Onu pour montrer à quel point sont pays contribuait à la paix et à la réconciliation en Afrique. Pour se montrer efficace dans la lutte contre le terrorisme, il parle de la décision de créer des mécanismes tels que la «Capacité africaine de réaction immédiate aux crises», ou la «Force régionale africaine sur la Sahel‐Sahara et lʹAfrique centrale». Dans le même élan, il exhorte les pays de la Commission du Bassin du Lac‐Tchad à prendre les mesures nécessaires pour rendre opérationnelle la Force multinationale conjointe en vue de lutter contre les activités terroristes de Boko Haram. Cette dernière tirade tombe comme pour contredire Pierre Moukoko Mbonjo. Un cri reste sans le moindre écho, tant du côté du Cameroun que du Nigeria et du Niger. Comme on le voit, Idriss Deby parle des autres pays et non du sien, pourtant présenté par un groupe de tchadiens sur les pavés de New York comme une terre de dictature et au bord d’une guerre civile.

Le Congo Brazza se défile
Denis Sassou Nguesso imite le jeu de son homologue tchadien. Alors que le Congo est sur le point de s’embraser, à cause d’une volonté présidentielle de retoucher la constitution et lever le verrou de la limitation des mandats à la tête de l’Etat, il pointe la torche chez les voisins. «Le monde a besoin de paix et de sécurité en Afrique, singulièrement en Libye et dans la région sahélo sahélienne, au Soudan du Sud, en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs», déclare le président de la République du Congo Brazzaville, qui poursuit en sollicitant «la communauté internationale pour juguler la piraterie maritime qui se développe dans le Golfe de Guinée et pour réduire le terrorisme qui sʹétend du Sahel vers le Sud du continent et tisse de nombreuses ramifications locales».

Les facéties de Teodoro Obiang Nguema
Décidément égal à lui‐même, Obiang Nguema, dont le pays avait déjà été retiré de la catégorie des pays les moins avancés par l’Assemblée générale l’an passé, a encore signé une sortie qui fait désormais de lui le chouchou des africanistes de New York. Son rendez‐vous avec François Hollande, en marge des travaux de l’Assemblée générale, n’a pas réussi à le changer une fois sur à la tribune de l’Onu. Obiang Nguema, qui demande un changement au Conseil de sécurité de l’Onu, n’hésite pas à prendre le contrepied de Barack Obama et des autres leaders occidentaux. Selon lui, les interventions de tous genres de ces pays dans la cuisine interne des pays africains surtout, ont toujours produit des conflits et de l’intolérance. «En Guinée équatoriale, nous disons que la démocratie nʹest pas un produit dʹimportation et donc elle ne peut pas être conçue dans les bureaux dʹautres pays», a clamé le président Obiang Nguema, qui n’a jamais caché sa volonté de laisser au pouvoir son fils ainé et homonyme. Une idée combattue par la fameuse communauté internationale, qui a déjà créé du grabuge en Côte d’Ivoire, en Libye et au Soudan, pour se limiter à ces exemples.

Le match Ali Bongo Ondimba–Jean Ping
Le président gabonais a profité de la tribune de l’Onu pour battre campagne, en qualité de candidat à sa propre succession à la tête de son pays. «Le Gabon est entré dans le processus de l’Agenda de Développement post‐2015 dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan stratégique Gabon émergent» déclare-t‐il. Pour lui, ce plan procède d’une vision qui a conduit à définir un programme de développement ambitieux, lequel intègre les préoccupations prises en compte dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et les défis liés aux changements climatiques. [i «Mon pays, qui par le passé a gagné la bataille face à plusieurs crises du virus Ebola, se propose de mettre à disposition le Centre international de recherche médicale de Franceville, dont l’expertise sur cette épidémie est avérée», dira‐t‐il encore, non sans avoir déploré «l’avancée de Boko Haram, qui étend son champ d’action à la frontière des pays voisins du Gabon.»

En marge des travaux de l’Onu, le président gabonais va multiplier des rencontres avec des opérateurs économiques américains. Pour montrer à quel point il conduit son pays à bon port. Le président du Gabon n’est pas le seul à avoir ciblé New York pour dérouler sa campagne à la prochaine élection présidentielle. En effet, Jean Ping, ancien patron de l’Union Africaine, a multiplié des rencontres en marge de cette session de l’Assemblée générale de l’ONU. La plus en vue de ces sorties de Ping sera sa rencontre avec la diaspora gabonaise et africaine dans les locaux du siège de l’Union Africaine. A chacune de ses sorties, Jean Ping a exprimé son désir de voir le changement à la tête du Gabon. Loin de se déclarer candidat, il se donne plutôt l’ambition de tisser un réseau de soutiens à l’international de Mba Obam, qui fut un adversaire coriace contre Bongo, lors de la dernière élection présidentielle.

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