La culture francophone est celle de l’autorité et de l’ordre ; celle de l’anglophone est celle de la liberté et de l’affirmation des droits.
Un des candidats à l’élection présidentielle préconise dans son programme politique la fermeture de l’ENAM. Quel est le problème que pose cette institution pour vous ?
Je pense que la prise de position de ce candidat se comprend très bien d’un point de vue culturel. Contrairement au progrès des sciences qui s’avère cumulatif, chaque être humain doit tout apprendre dès la naissance, et s’imbiber des valeurs de sa culture pour se construire et devenir un être civilisé. Le regard de chacun de nous ne distingue qu’une petite partie du champ visuel, comme à travers un long tube : on aperçoit assez pour choisir un chemin, non pour mettre un panorama en perspective. C’est cela que les ethnologues appellent le scotomie. Et cela arrive à nous tous de réfléchir à partir des perceptions antérieures, de ce qui est connu à l’avance. Dans son ouvrage « La peur des barbares », Tzvelan Todorov, montre que l’autre, comme l’absent, a toujours tort. L’altérité reste anonyme, barbare. Le barbare est celui qu’on ne connait pas ou qu’on connait à peine. L’inconscient refuse de communiquer à notre conscience ce qu’il nous interdit de voir en nous, autour de nous. Il censure notre regard. La scotomie revêt deux formes : tantôt, elle consiste à plaindre les autres d’être différents et à considérer leur différence comme irrémédiable, ensuite à l’admettre et dans une certaine mesure à la respecter et donc à gérer les autres ; tantôt la scotomie est assimilatrice. Il faut à tout prix changer les autres. Le candidat est de culture anglo-saxonne. Dans cet univers culturel, les écoles d’administration n’existent pas. La culture francophone est celle de l’autorité et de l’ordre ; celle de l’anglophone est celle de la liberté et de l’affirmation des droits. Mon avis est que Joshua Osih scotomise. Il voudrait, s’il devient président de la République, faire primer la culture anglophone sur la culture francophone. En dehors de la scotomie, a-t-il un autre problème avec l’ENAM ? Il le dira sans doute pendant la campagne électorale. En tout état de cause, l’Etat, dont il veut être le chef est une construction lente, un dialogue entre les cultures et non un franco-centralisme encore moins un anglo-centralisme ou même le choc des civilisations. « Aucune culture n’est en elle-même barbare, aucun peuple n’est définitivement civilisé ».
Y’a-t-il une autre alternative pouvant entrevoir un autre modèle qui ouvre la possibilité aux candidats de s’y former sans intégration à la Fonction publique ?
J’enseigne dans cette école depuis 1993, à l’époque où j’étais sous-préfet de l’arrondissement de Mbankomo. Celui qui m’avait recruté comme professeur dans cette institution, c’est un anglophone ; du nom de Joseph Dion Ngute. Avant cela, j’ai été élève avec des enseignants de renom tels que Mbafou Claude, actuel ambassadeur du Cameroun en Algérie, Ingwatt II Joseph, ancien directeur général de la SODECAO. Ils m’ont inculqué le sens de l’Etat, l’ordre et la sécurité. Aujourd’hui, je suis enseignant. J’ai eu comme élèves des gouverneurs de région, des préfets, des sous-préfets, des secrétaires généraux de ministère, des directeurs généraux des sociétés d’Etat et entreprises publiques et même des ministres en poste. A titre illustratif, l’actuel ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique est mon ancien élève. A mon tour, j’ai transmis à ce derniers, le sens de l’Etat et de la République, res publica, res nullius, res communis, du vivre ensemble. L’ENAM est sans aucun doute un des piliers de la paix qui règne dans ce pays, exception faite de ce que nous observons dans les régions anglophones. J’ai eu comme étudiants des Tchadiens et des Centrafricains qui retournent dans leur pays après leur formation comme administrateur civil, sans servir dans notre fonction publique. Quant aux nationaux, beaucoup ont suivi des stages dans les ingénieries administratives telles que la rédaction administrative, l’éthique et la déontologie, la chose publique, le service public, etc. Ces stages sont ouverts autant aux carrières administratives qu’à celles des techniciens.
Selon certaines indiscrétions la sélectivité à l’ENAM n’est pas toujours garantie par le mérite. Qu’en dites-vous à ce sujet ?
Cette question ne peut pas être destinée à un enseignant mais à ceux qui recrutent et forment. Nous autres enseignants nous nous limitons aux corrections des copies, sous anonymat et à la présidence des jurys d’oral. Par contre, je garantis la qualité des enseignements que je dispense personnellement. D’ailleurs je dispense les mêmes enseignements dans une Ecole Nationale d’Administration de l’Afrique du Nord, au grand bonheur des étudiants.
En Afrique peut-on trouver des pays où ce genre d’institutions de souveraineté n’existe pas ?
Les pays anglo-saxons ne connaissent pas ce type d’école, qui est une tradition française. L’administration publique et les entreprises privées recrutent directement leur personnel dans les universités. Pour ce qui est du volet magistrature, la République démocratique du Congo n’a pas d’école de formation des magistrats. Les magistrats sont des anciens étudiants des facultés de droit, recrutés sur titre.
Je pense que la prise de position de ce candidat se comprend très bien d’un point de vue culturel. Contrairement au progrès des sciences qui s’avère cumulatif, chaque être humain doit tout apprendre dès la naissance, et s’imbiber des valeurs de sa culture pour se construire et devenir un être civilisé. Le regard de chacun de nous ne distingue qu’une petite partie du champ visuel, comme à travers un long tube : on aperçoit assez pour choisir un chemin, non pour mettre un panorama en perspective. C’est cela que les ethnologues appellent le scotomie. Et cela arrive à nous tous de réfléchir à partir des perceptions antérieures, de ce qui est connu à l’avance. Dans son ouvrage « La peur des barbares », Tzvelan Todorov, montre que l’autre, comme l’absent, a toujours tort. L’altérité reste anonyme, barbare. Le barbare est celui qu’on ne connait pas ou qu’on connait à peine. L’inconscient refuse de communiquer à notre conscience ce qu’il nous interdit de voir en nous, autour de nous. Il censure notre regard. La scotomie revêt deux formes : tantôt, elle consiste à plaindre les autres d’être différents et à considérer leur différence comme irrémédiable, ensuite à l’admettre et dans une certaine mesure à la respecter et donc à gérer les autres ; tantôt la scotomie est assimilatrice. Il faut à tout prix changer les autres. Le candidat est de culture anglo-saxonne. Dans cet univers culturel, les écoles d’administration n’existent pas. La culture francophone est celle de l’autorité et de l’ordre ; celle de l’anglophone est celle de la liberté et de l’affirmation des droits. Mon avis est que Joshua Osih scotomise. Il voudrait, s’il devient président de la République, faire primer la culture anglophone sur la culture francophone. En dehors de la scotomie, a-t-il un autre problème avec l’ENAM ? Il le dira sans doute pendant la campagne électorale. En tout état de cause, l’Etat, dont il veut être le chef est une construction lente, un dialogue entre les cultures et non un franco-centralisme encore moins un anglo-centralisme ou même le choc des civilisations. « Aucune culture n’est en elle-même barbare, aucun peuple n’est définitivement civilisé ».
Y’a-t-il une autre alternative pouvant entrevoir un autre modèle qui ouvre la possibilité aux candidats de s’y former sans intégration à la Fonction publique ?
J’enseigne dans cette école depuis 1993, à l’époque où j’étais sous-préfet de l’arrondissement de Mbankomo. Celui qui m’avait recruté comme professeur dans cette institution, c’est un anglophone ; du nom de Joseph Dion Ngute. Avant cela, j’ai été élève avec des enseignants de renom tels que Mbafou Claude, actuel ambassadeur du Cameroun en Algérie, Ingwatt II Joseph, ancien directeur général de la SODECAO. Ils m’ont inculqué le sens de l’Etat, l’ordre et la sécurité. Aujourd’hui, je suis enseignant. J’ai eu comme élèves des gouverneurs de région, des préfets, des sous-préfets, des secrétaires généraux de ministère, des directeurs généraux des sociétés d’Etat et entreprises publiques et même des ministres en poste. A titre illustratif, l’actuel ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique est mon ancien élève. A mon tour, j’ai transmis à ce derniers, le sens de l’Etat et de la République, res publica, res nullius, res communis, du vivre ensemble. L’ENAM est sans aucun doute un des piliers de la paix qui règne dans ce pays, exception faite de ce que nous observons dans les régions anglophones. J’ai eu comme étudiants des Tchadiens et des Centrafricains qui retournent dans leur pays après leur formation comme administrateur civil, sans servir dans notre fonction publique. Quant aux nationaux, beaucoup ont suivi des stages dans les ingénieries administratives telles que la rédaction administrative, l’éthique et la déontologie, la chose publique, le service public, etc. Ces stages sont ouverts autant aux carrières administratives qu’à celles des techniciens.
Selon certaines indiscrétions la sélectivité à l’ENAM n’est pas toujours garantie par le mérite. Qu’en dites-vous à ce sujet ?
Cette question ne peut pas être destinée à un enseignant mais à ceux qui recrutent et forment. Nous autres enseignants nous nous limitons aux corrections des copies, sous anonymat et à la présidence des jurys d’oral. Par contre, je garantis la qualité des enseignements que je dispense personnellement. D’ailleurs je dispense les mêmes enseignements dans une Ecole Nationale d’Administration de l’Afrique du Nord, au grand bonheur des étudiants.
En Afrique peut-on trouver des pays où ce genre d’institutions de souveraineté n’existe pas ?