Gérard Nga-BOUKANGA GONOGUELE
Après cinquante trois ans d’indépendance où en sommes-nous?
Que faire pour les quarante-sept prochaines années?
Sans la capacité de formuler une réponse sans ambiguïté à ces questions simples il ne peut y avoir de vision claire pour l’avenir.
Or, seule une vision prospective, ambitieuse et largement partagée peut créer les conditions d’une mobilisation optimale de nos ressources humaines et naturelles pour engager résolument le combat pour le développement économique, politique et social de la Centrafrique, à court, moyen et long terme.
Force est de constater que, depuis 1960, la politique politicienne a prit progressivement le dessus sur toutes les activités devant concourir à édifier un grand pays.
Ainsi, le jeu politique a fini par se réduire à un jeu tout court et contribue, désormais et de manière très significative à la pauvreté économique et surtout morale de notre pays.
Les alternances successives par les armes n’y feront rien, tant et aussi longtemps que les problèmes de fond continueront à être survolés par une élite patriotique de plus en plus éloignée du vécu réel des populations.
Il ne suffit de faire le tour du pays à l’occasion des campagnes électorales pour vivre, dans sa chair, les difficultés nombreuses et multiformes, qui assaillent au quotidien les centrafricains.
Dans la majeure partie du pays, le temps semble s’être arrêté depuis les lustres et les habitants désertent les campagnes pour se déverser, principalement dans les abords de la capitale où se concentre un cocktail explosif de misère, d’ignorance, de désespérance et de violence.
Il faut, urgemment, se donner le temps d’écouter et de ressentir profondément la clameur sourde qui rugit aux alentours…
Il faut ensuite savoir faire preuve de générosité et d’ambition pour y apporter des solutions définitives.
Pour ce faire, il faut s’arrêter et évaluer sans complaisance ni esprit partisan, les différentes séquences historiques et l’évolution de notre pays.
Une saine compréhension à qui veut repartir du bon pied.
Cet exercice impartial, nécessite un sursaut patriotique d’une grande amplitude.
Un amour pour la Centrafrique qui nous inspire tous, par-delà de nos intérêts particuliers et personnels, pour mettre en perspective l’héritage de nos enfants et assouvir le rêve de tous les morts au champ de l’honneur de notre patrie.
L’appel au Dialogue Politique Nationale lancé par la présidente Catherine Samba PANZA, si elle est sincère, méritait que l’on s’saisisse l’occasion pour refonder les paradigmes de l’action politique et sociale dans notre pays.
D’autant qu’il y’a sept ans en 2007, une unanimité s’était dégagée sur ce principe en présence du feu Omar BONGO pendant le dialogue politique inclusif(DPI).
L’ensemble des foyers religieux, musulmans, l’église catholique et l’ensemble des leaders politiques significatifs de la Centrafrique tout autant que les leaders syndicaux bref, toute la société centrafricaine, avait exprimé son ardent désir de se retrouver à l’unisson autour de l’essentiel.
Les politiciens avaient réduit alors cette dynamique à une entente, entre eux, pour former un gouvernement élargi et après, retourner à leurs jeux favoris :
La Jactance, les complots à la petite semaine, les trahisons et les reniements, les petites affaires et les trafics de tous genres ! Aucun suivi, pour transformer cet appel en un mécanisme refondateur de la République et de la remobilisation de la nation, n’aura été mise en œuvre.
Les politiciens avaient juste saisi la balle au bond pour apaiser les tensions sociales se répartir les postes et les prébendes et puis c’est tout.
La notion de concorde va plus loin que cela ! La concorde va plus loin que le consensus.
Si le consensus relève de l’intelligence ou de la ruse, la concorde fait appel au cœur et à la morale.
Elle convoque une capacité d’écoute généreuse, de concession volontaire et de partage sans conditions.
Les temps actuels, lourds d’incertitudes, commandent, impérativement, une véritable révolution mentale et culturelle ! N’ayons pas peur des mots ! Certains de nos équilibres socioculturels, construits sur des siècles de cohabitation harmonieuse, sont en péril.
Des notions étrangères à notre culture et aux croyances de notre nation d’hommes et de femmes de foi, investissent notre quotidien et s’y incrustent.
Nous sommes agressés par des dérives médiatiques qui minent le subconscient de nos populations en y propageant une image altérée du monde occidental, présenté comme un Eden face à l’enfer africain et sa cohorte de misères insolubles.
Dans le même temps, ce supposé eldorado ferme ses portes si hermétiquement, que des noyades quotidiennes chavirent le destin des candidats, fut-ce au désespoir, de l’ailleurs à tout prix.
En vérité, un grand danger nous guette et ménage l’avenir de nos enfants.
C’est pour cela qu’il est urgent et nécessaire de fonder un pacte intergénérationnel sur les enjeux prioritaires de l’heure et d’inventer des modalités, nouvelles et innovantes, de l’activité politique et citoyenne.
J’ai bien dit : inventer et non, copier/coller.
Pour ce faire, la Centrafrique dispose de ressources humaines de qualité.
Des hommes et des femmes de grande expérience tant au plan national qu’international, sont encore parmi nous.
Notre jeunesse est porteuse d’un fort potentiel d’engagement et de vigueur.
Il nous reste à faire preuve, tous ensembles, d’une générosité et d’une ambition collective inédite.
Il nous faut nous engager dans une entreprise de … mise à jour( !) de notre indépendance et qui commence par « penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes », aurait dit notre père de l’indépendance BOGANDA.
La présidente Samba PANZA, qui a l’âge de la première séquence historique de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, a le devoir de faire opérer ces ruptures profondes dans la manière de conduire les affaires de notre pays.
Elle doit aller au-delà des effets d’annonce pour restaurer la confiance et engager avec toutes les forces vives de la Nation le chantier immense de la reconfiguration mentale des élites et leur mobilisation autour des vrais enjeux du développement.
Tous les leaders, de quelque ordre que ce soit, doivent s’attiger à mériter de l’histoire pour surprendre le monde et commencer l’écriture d’une page nouvelle au nom de l’Afrique en devenir.
Il nous faut, impérativement mettre en veilleuse les querelles partisanes qui flottent certains egos mais plombent l’avenir de la Nation.
Rassembler, éduquer, mettre au travail doivent être les maîtres mots des quarante sept prochaines années, si nous voulons vraiment faire la preuve de notre maturité.
Si tel est le sens et la portée de l’appel au dialogue nationale de madame la Présidente de la République Catherine Samba PANZA, alors nous répondrons oui-sans hésitation.
Gérard Nga-BOUKANGA GONOGUELE
Membre Fondateur du Collectif Touche Pas à ma Constitution