Le corps d'un musulman tchadien qui vient d'être brûlé au rond-point des Nations-Unis, quartier Sango, par des jeunes en colère. © Diaspora Media
Par BELEMGOTO Macoura
Les nouvelles qui viennent de la Centrafrique sont effroyables. Violences inouïe, qui dépassent l'entendement. On se bat sur une base identitaire, religieuse. Chrétiens contre musulmans. Les mosquées sont prises d'assaut et incendiées. Les musulmans lynchés. Mais il faut savoir que les informations ont commencé à diffuser véritablement seulement à partir du moment où il y a eu retour de bâtons. Ce sont les Séléka qui avaient commencé en premier. Ils entraient dans les villages, tiraient sur les populations, brûlaient les cases des paysans, saccageaient et incendiaient les églises. Entrant dans Bangui évacuée par Bozizé et sa cliques, les Séléka pillaient, et tuaient en toute impunité. Un peu comme ce que les FAN faisaient sous Hissein Habré. Michel Djotodia n'avait aucune emprise sur ses troupes. Il a avoué publiquement son impuissance. Cette façon de faire a conduit à faire une amalgame dangereuse : tout ce qui est musulman est Séléka. De pauvres citoyens, qui n'ont souvent rien à voir avec la rébellion Séléka, sont pris à partie et lynchés. Parce qu'ils sont musulmans donc Séléka. L'immense majorité des victimes musulmanes n'étaient pas des Séléka. Beaucoup étaient même contre l'action des Séléka.
Les musulmans de Centrafique sont-ils tous des étrangers ?
La réponse est non évidemment. Les Centrafricains du nord-est sont des musulmans. Ils sont de père et de mère Centrafricains, eux-mêmes Centrafricains, et ne se sont jamais prévalus d'une autre nationalité (concept de l'ivoirité). Il est vrai que l'immigration de musulmans Tchadiens, Maliens, Sénégalais, souvent attirés par le commerce, a fait agrandir la communauté musulmane en Centrafrique. Mais la logique voudrait que ces musulmans d'origine tchadienne et autres, nés en Centrafrique et ayant grandi en Centrafrique depuis une, deux ou trois générations, soient des Centrafricains à part entière. Ils ne connaissent rien du Tchad, leur pays d'origine. Mais dans un contexte explosive comme ce qu'on voit, on demande aux "Tchadiens" de retourner dans leur pays d'origine.
En Centrafrique, presque tout le monde est d'origine étrangère.
Si l'on remonte aussi loin que possible dans l'histoire de la Centrafrique, plus de 90% des populations qui composent ce pays, sont d'origine étrangère. Les vrais autochtones sont les Pygmées. Si on s'en tient à cette vérité, seuls les pygmées sont les vrais Centrafricains. Ils ne sont ni chrétiens, ni musulmans. Dépossédés de leur terre ancestrale, ils sont reclus dans la forêt, méprisés par le reste de la population "civilisée".
La part des religions dans la violence en Afrique Noire
Ce qui se passe actuellement en Centrafrique est incroyable en terme d'intensité de la violence, mais c'est du déjà vu sous d'autres cieux. Le Tchad voisin du nord a connu sa guerre civile sur une base plus ou moins religieuse. En 1979, Hissein Habré a cherché et obtenu un affrontement entre musulmans et chrétiens, afin de créer une situation trouble qui lui permettrait de s'emparer plus facilement du pouvoir. A la fin de l'année 1978, Hissein Habré en tant que premier ministre, a clairement posé sur la table le problème musulman chrétien, prônant ouvertement l'affrontement inter communautaire sur une base religieuse. Mais force est de reconnaître qu'au Tchad, en 1979, on s'est entre-tué sur une base plus ethnique que religieuse. La preuve : les musulmans sudistes n'ont pas été inquiétés au sud. Mais au nord, ils ont été tués, car ils sont après tout sudistes. Au sud, on a fait l'amalgame : gorane = Habré. Des personnes innocentes sont mortes dans ce contexte. Eh oui, Habré a mis le feu, et il était incapable de l'arrêter. Au Nigéria voisin du Tchad, il y a souvent des affrontements musulmans-chrétiens. Eglises et mosquées sont saccagées, incendiées de part et d'autre. Extraordinaire pour des adeptes des religions révélées, source de vérité absolue et de salut !
Au vu de tous ces affrontements sur une base religieuse, chrétiens vs musulmans, je n'arrête pas de me poser cette question : nous Africains, sommes-nous normaux dans nos tête ? Je me suis toujours posé cette question parce que les deux religions qui ont forgé notre identité par la force de l'histoire, ne sont pas des religions africaines. Le christianisme est né en Israël. Il a fait un détour en Europe, pour subir des transformations séculaires énormes (catholicisme, protestantisme, Eglise anglicane, etc) avant d'être exporté en Afrique Noire. On a adopté la religion de celui qui nous a colonisés. L'islam est une religion qui est né Arabie, avant d'être exporté en Afrique. Mais les musulmans oublient souvent ce fait : ils n'hésitent pas à dire que le christianisme est une religion de la colonisation. L'islam est au même titre, une religion de la colonisation culturelle arabe ! Certains vont jusqu'à affirmer que leurs ancêtres étaient toujours musulmans, oubliant que la religion vient de l'Arabie Saoudite et qu'elle s'est enracinée au Tchad par le biais de la conversion de nos ancêtres.
Pour moi, ces religions sont de pures inventions humaines. J'ose le dire. N'en déplaise à leurs adeptes. Les religions sont la véritable négation de la toute puissance supposée de Dieu. En effet, soyons logique. Dieu, c'est lui qui a créé non seulement la terre, mais tout l'univers pour ainsi dire. Partons d'une constatation évidente : à l'époque de Moïse, Jésus, ou Muhammad, la terre entière était déjà entièrement peuplée. Il existait des hommes sur tous les continents, africain, européen, américain, asiatique, et australien. Dieu, dans sa toute puissance, voulant parler aux hommes, aurait choisi un seul et unique point du globe terrestre (Israël, Arabie, même zone), voire un homme à une époque donnée, et a ignoré ainsi tout le reste des hommes de la planète terre. C'est déjà étonnant de la part d'un Dieu tout puissant. S'il voulait donner un livre aux hommes, Dieu, dans sa toute puissance, avait la possibilité de faire pleuvoir du ciel, des livres sur tous les continents à la fois. Ce n'est qu'à cela que sa toute puissance serait incontestable. Que dira-t-on d'un chef d'Etat qui envoie des émissaires uniquement dans une seule contrée ou préfecture et ignore tout le reste du pays ? Aujourd'hui, quand un chef d'Etat veut s'adresser à son peuple, il utilise la télé, la radio, les journaux... pour faire passer son message, par souci d'équité. Le président ne désigne pas un homme, dans un village donné, qui serait chargé de diffuser le message présidentiel dans tout le reste du pays, avec le risque que son message se perde et ne parvienne pas à tous les citoyens. Dieu a osé le faire et justement, sa parole n'a pas encore atteint toutes les contrées de la planète. Musulmans et chrétiens réunis, ne font même pas la moitié des habitants du globe.
Dans la Bible et le Coran, Dieu prend parti dans la guerre. Il soutient un peuple contre un autre. C'est vraiment rabaisser Dieu dans sa magnificence que de croire qu'il prend parti dans une guerre. Je persiste à croire que Dieu ne peut pas prendre parti dans une guerre entre humains, comme cela est dit dans les livres "saints". Comment Dieu tout puissant, demanderait-il aux hommes de tuer leurs semblables en son nom ? Lui qui est tout puissant, capable de faire apparaître une planète rien que par la parole, doit être capable dire "disparaissez" et ses ennemis disparaissent, s'il a vraiment des ennemis parmi les hommes. Il ne doit passer pas des mains humaines pour régler le compte à ses ennemis par la violence et par la guerre comme rapporté dans les livres "saints". Ce Dieu est bizarre dans sa manière de procéder.
Dans la Bible et le Coran, l'esclavage, cette infamie, est autorisé par Dieu et bien sûr bien réglementé. Européens chrétiens et Arabes musulmans sont venus prendre des esclaves Noirs et leur religion ne les a pas interpellés à aucun moment. Rien que ce fait est révoltant. Et, ce ne sont pas les religions qui ont mis fin à la traite négrière. C'est la société civile. Les religions quant à elle, sont pour un esclavage perpétuelle des Noirs. D'ailleurs dans les pays arabes, Noir rime avec esclave, qu'on soit musulman ou chrétien.
Coran et Bible qui nous opposent sont simplement les résultats des contes populaires (à commencer par le récit de la création), transformés en "parole de Dieu" par des hommes qui voulaient transformer de bonne foi, le visage de la société de leur époque. Pour donner de la force et de la crédibilité à leur vision de la société, des hommes se sont auto-proclamés "prophète" et ont commencé à diffuser des enseignements visant à transformer la société. La bonne foi de Jésus ou de Muhammad n'est pas à démontrer. Ces hommes et bien d'autres, étaient exceptionnels à leur époque. Mais la méthode qu'ils ont utilisée pour mener leurs actions est propre à leur époque : très tôt, ils ont compris que l'être humain est parfois d'une naïveté déconcertante. Il suffit de se proclamer envoyé de Dieu, et on peut avoir pas mal de disciples pour mener à terme son action. Il suffit de faire planer des menaces, même après la mort, et ça marche. On a le choix, en tant que croyant, entre un enfer de feu (après la mort !), où on brûle éternellement et un paradis, dans un jardin où il y a plein à bouffer et à boire, dans un jardin. L'enfer est une projection de la méchanceté humaine. Ici sur terre, quand on veut faire vraiment du mal à une personne, on le brûle vif. Sur terre, à l'heure actuelle, un dictateur qui brûle vif ses opposants sera considéré comme un criminel à traduire devant la CPI. Mais quand Coran et Bible disent que Dieu le fait, on l'accepte. Le concept de l'enfer remet totalement en cause la bonté de Dieu. Celui qui brûle ses ennemis, quoiqu'il fasse au reste de la population, reste un criminel. Ce qui est valable sur terre doit être valable au ciel. Si Jésus et Muhammad sont nés à notre époque, ils auraient agi autrement : création d'un parti politique, rébellion armée...De nos jours, la religion continue de constituer une force mobilisatrice non négligeable pour mener une action politique. On peut citer pour en ce qui concerne l'islam, le cas d'aqmi, Boko haram, Al-qaida.. et pour le christianisme, les partis chrétiens démocrates en Europe, le cas de Joseph Kony en Ouganda, considéré comme prophète par ses hommes de mains.
Les divisions semées en Afrique par les religions importées est à déplorer. Mais l'Afrique est déjà fragilisée par les divisions en ethnies, et la religion ne vient qu'aggraver un terrain déjà minée par ce phénomène des ethnies. Musulmans ou chrétiens peuvent conquérir le pouvoir ensemble sur la base de l'appartenance à une religion, mais une fois confrontés aux réalités du pouvoir, ils se retournent entre eux, cette fois-ci sur une base ethnique, la religion à laquelle ils appartiennent et qui les avait unis, est mise de côté.
Les Africains doivent faire l'effort intellectuelle nécessaire pour comprendre enfin que le christianisme et l'islam ne sont pas les religions de nos ancêtres. Ceux-ci avaient leur religion et ne se battaient jamais sur une simple question de croyance. Le virus de la guerre de religion a été amené par le christianisme et l'islam. Ces deux religions sont totalitaires. Dans la rue, on fait semblant de se respecter, alors que dans les lieux de culte (église ou mosquée), on prêche contre l'autre communauté. Chacun, Bible ou Coran à l'appui, est convaincu qu'il possède la "vraie parole de Dieu". Il n'est donc pas étonnant que leurs adeptes se livrent à des affrontement sanglants. En Centrafrique, les Pygmés qui ne sont ni chrétiens, ni musulmans, ne prennent pas part à la violence qui ensanglante leur pays. Ils ne comprennent rien de tout ce qui se passe. Ils côtoient dans la forêt ceux qui ont fui la violence. Le dialogue islamo-chrétien est une initiative à saluer. Mais au cours de ces dialogues, on doit s'efforcer de se dire en face que nous sommes tous des Noirs Africains après tout et que les religions qui nous opposent ne sont pas celles de nos ancêtres. Mettons-les de côté et regardons nous différemment. Car, malheureusement, quand les grandes puissances veulent nous manipuler, ils tirent sur cette corde sensible qu'est la religion. En attendant un utopique enfer ou paradis, laissons les religions de côtés, car elle nous divisent. Bâtissons nos pays, pour nous -mêmes et pour nos enfants.
Celui qui publiera cet article sur son blog sera rappelé à l'ordre, s'il n'est pas directement menacé de mort. C'est le propre des religions "révélées". Dans ces religions, on étouffe toute réflexion autre que celle véhiculée par la religion. C'est la pensée unique. On demandera à certains de retirer cet article de leur blog. L'apostasie est passible de peine de mort dans le coran. Dans la Bible également, une menace pèse sur la tête des apostats ou hérétiques : "En effet, si, après s'être retirés des souillures du monde, par la connaissance du Seigneur et Sauveur Jésus Christ, ils s'y engagent de nouveau et sont vaincus, leur dernière condition est pire que la première.Car mieux valait pour eux n'avoir pas connu la voie de la justice, que de se détourner, après l'avoir connue, du saint commandement qui leur avait été donné.
Il leur est arrivé ce que dit un proverbe vrai: Le chien est retourné à ce qu'il avait vomi, et la truie lavée s'est vautrée dans le bourbier". (2 Pierre, 20-22).
C'est sur cette base qu'on brûlait vif des hérétiques, bien entendu dans l'Eglise catholique en Europe.
Une religion qui menace ses apostats et hérétiques, et refuse toute critique est une religion peu sûre d'elle. C'est comme le parti unique sous Mobutu. On ne doit pas critiquer le parti, on ne doit pas le quitter sous peine de mort. On ne doit pas dire du mal du père de la nation, président-fondateur, guide éclairé. On ne doit pas mal parler de Jésus ou de Muhammad sous peine de mort à certains endroits de la planète.Tiens ! Comme par hasard, il y a beaucoup de similitude entre le fonctionnement du parti unique et celui des religions "révélées". Les religions semblent ainsi inspirer les partis uniques. Pourquoi remettre en cause le système de parti unique si on n'accepte pas de remettre en cause les religions "révélées" ?
Je supplie chrétiens et musulmans de ne pas me faire la guerre à la suite de cet article, ni de menacer de mort celui qui acceptera de le mettre en ligne sur son blog, mais plutôt de faire la guerre à leur conscience qui les pousse à rejeter, combattre ou tuer autrui parce qu'il est différent par sa religion made in Europe ou made in Arabia.
La situation en Centrafrique doit nous interpeller tous, en tant que chrétiens-musulmans.
Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !
Salut à toi, cher lecteur !
BELEMGOTO Macoura