À l’issue de la démission, le 10 janvier dernier, du Chef de l’Etat de Transition, M. Michel Djotodia, explique d’emblée le colonel Saulet, actuel ambassadeur de Centrafrique en Egypte, « j’avais estimé qu’il était de mon DEVOIR de mettre mes expériences multiformes ainsi que ma compétence, patiemment acquises au fil des ans, au service de la reconstruction de mon Pays ». « Ainsi, à l’ouverture des candidatures par le Conseil National de Transition (CNT), mon dossier fut régulièrement déposé dans les délais prescrits, le samedi 18 janvier 2014 et la caution exigée de deux millions (2 000 000) F CFA versée auprès des services compétents du CNT (Voir documents aux annexes, Ndlr non publiés mais dont « Le Témoin » a obtenu copies). Hélas, c’est « avec surprise » que l’ex-leader de la mutinerie a constaté l’invalidation de sa candidature par la ‘‘Commission Electorale Spéciale’’ mise en place par le CNT aux fins d’organiser l’élection du nouveau Chef de l’Etat de la Transition de Centrafrique, par simple ‘‘Arrêté N°001/CNT/PR.14 du 16 janvier 2014’’. « Ceci, au mépris non seulement de la ‘‘Charte Constitutionnelle de Transition’’, mais aussi et surtout, de la ‘‘Loi N° 13.003 du 1er novembre 2013 portant code électoral en République Centrafricaine’’ » poursuit le colonel Anicet Saulet.
« De la notification qui m’en a été faite par la correspondance No 009/CNT/PR/.14 du 08 février 2014 émanant du CNT, il ressort que mon dossier a été rejeté « … en raison de mon appartenance à une milice ou une rébellion durant les 20 dernières années » a expliqué l’ex-capitaine des mutins. Or, pour le colonel Saulet, les critères d’éligibilité à la haute fonction de la République, fixés par l’article 110, alinéa 3, du Code électoral n’auraient pas été respectés ! Il faut dire que l’article 10 de l’arrêté du président du CNT avait fixé dix sept (17) critères d’éligibilité dont certains avaient été jugés subjectifs par beaucoup de Centrafricains, dont Saulet. « Alors que le Code électoral vise le cas d’inéligibilité des personnes qui ont été condamnées par les Cours et Tribunaux, l’article 10-14 dudit Arrêté fait expressément référence à ‘‘…l’appartenance à une milice ou une rébellion durant les 20 dernières années’’ a poursuivi Anicet Saulet dans sa lettre dont « Le Témoin » a obtenu copie exclusive. Or, pour le tout premier saint- syrien centrafricain (voir encadré), de telles affirmations émanant du CNT seraient « gratuites et très surprenantes » ! Et d’argumenter en ces termes : « La Mal-Gouvernance du pays en général, et celle des Forces Armées Centrafricaines (FACA), en particulier, avaient conduit aux soulèvements des militaires des Forces régulières, sous la forme des trois (03) mutineries des années 1996. À l’issue des deux premières mutineries (18 mars et 18 avril 1996), aucune solution acceptable pour les troupes n’avait été trouvée par les dirigeants politiques de l’époque. C’est ainsi que, de la maison centrale de Ngaragba où je croupissais, sans jugement, j’avais été coopté par les FACA pour conduire la troisième mutinerie, le 16 novembre 1996 » a rappelé Anicet Saulet.
« Les militaires centrafricains qui s’étaient mutinés n’étaient ni des ‘‘miliciens’’, ni des ‘‘rebelles’’ »
Pour bien faire comprendre la décision d’irrecevabilité de sa candidature prise par la ‘‘Commission Electorale Spéciale’’ du CNT, le colonel Anicet Saulet a tenu à faire un peu de sémantique pour mieux camper le débat d’une injustice : « Le dictionnaire ‘‘LE ROBERT’’ donne les définitions suivantes : Rébellion : Acte de se rebeller, c'est-à-dire faire acte de rebelle, en se révoltant. Milice : Formation illégale, chargée par une collectivité (Parti politique, Groupe de pression, entreprise, etc.…) de la défendre ou de défendre ses intérêts, en recourant à la force. Mutinerie ; Action de se mutiner, c'est-à-dire, se dresser contre une Autorité établie, se porter à la révolte avec violence » a expliqué M. Anicet Saulet. Et de souligner que « dans tous les pays du monde, il arrive fréquemment que des prisonniers, des militaires, des marins, des forces de l’ordre, pour ne citer que ceux-là, se mutinent pour des revendications corporatistes. Ils sont donc à distinguer des milices qui n’appartiennent pas aux forces régulières dans un Etat démocratique. Comme je l’avais annoncé plus haut, j’avais eu le privilège de diriger la troisième mutinerie des FACA à l’issue de laquelle je n’avais pas quitté le pays, assumant ainsi l’entière responsabilité des actes posés au cours de ces moments difficiles, vécus par les Centrafricains. Non seulement les personnes ayant participé aux différentes mutineries n’ont jamais été poursuivies, mais aussi et surtout elles n’ont fait l’objet d’aucune condamnation. Par conséquent, elles jouissent donc de tous leurs droits civiques et politiques. En outre, les militaires centrafricains qui s’étaient mutinés n’étaient ni des ‘‘miliciens’’, ni des ‘‘rebelles’’. Une telle approche, par le CNT, constitue une insulte à l’endroit des FACA ! » s’étrangle le colonel Saulet, histoire de se débarrasser de cette casquette de « rebelle » ou de « mutin » que tentent de lui faire porter ses détracteurs. « Du reste, toutes les infractions liées à cette troisième mutinerie des FACA ont été amnistiées par la ‘‘loi n° 97.002 du 15 mars 1997, portant Amnistie des Infractions liées à la Mutinerie et des Détournements de Deniers Publics en cours d’Instruction’’. Pour l’auteur de la lettre dont nous reproduisons des extraits, donc, « il est inconcevable de constater que le CNT ait traité avec autant de dilettantisme et de légèreté les dossiers des Personnalités patriotes qui s’engagent, à un moment critique de l’histoire de notre pays, à contribuer à son redressement ! ».
« Que me reproche le CNT ? »
« Né d’un père Yakoma de la Basse-Koto et d’une mère Mandja de Kaga-Bandoro, je n’ai, pour seule nationalité, que celle de mes parents, tous deux centrafricains.
Jamais condamné, je jouis de tous mes droits civiques et politiques.
Officier de carrière de l’Arme des Transmissions du grade de colonel, ingénieur, j’avais été, successivement, formé à l’Ecole Militaire Préparatoire et Technique de Bingerville (EMPT), en Côte d’Ivoire, puis à la prestigieuse Ecole Spéciale Militaire (ESM) de Saint-Cyr en France. De janvier 1990 à fin novembre 1993, j’avais dirigé avec brio et beaucoup de réussite, la Société Centrafricaine de Télécommunications (SOCATEL) à l’issue de la restructuration du secteur des télécommunications et piloté toute la modernisation des télécommunications de notre pays. Mais à l’issue de l’alternance politique intervenue entre les Présidents André Kolingba et Ange Félix Patassé, une chasse à l’homme, contre une ethnie, avait été orchestrée par le pouvoir qui venait, pourtant, d’être démocratiquement élu. C’est ainsi que la plupart des cadres et collaborateurs de l’ancien Président André Kolongba dont le seul tort, aux yeux des tenants du pouvoir, était d’appartenir à son ethnie, ont commencé à être déferrés à la Maison Centrale de Ngaragba » a rappelé le colonel Anicet Saulet. « Il convient aussi de signaler que ma jurisprudence n’avait pas servi de leçon aux autorités politiques qui ont continué à limoger impunément et arbitrairement d’autres directeurs généraux après mon départ. Il m’est difficile de comprendre que les mêmes erreurs se reproduisent au sein d’une même société sans que des mesures correctives soient apportées par les autorités qualifiées, en dépit de la ‘‘loi portant Cadre Juridique et Institutionnel des Sociétés d’Etat, d’Economie Mixte et Offices Publics’’, qui a prévu une action récursoire à l’encontre des dirigeants, qui, par leurs mauvaises gestions, occasionnent des saignées financières aux structures dont ils ont la charge. Tout se passe comme si chaque dirigeant centrafricain qui accède à une parcelle de pouvoir en profite, par la haine de l’autre, pour régler des comptes. Toujours au service de la République Centrafricaine, je suis, en ce moment, l’Ambassadeur de mon pays auprès de la République Arabe d’Egypte. Ayant pris le service au CAIRE le 08 août 2006, je n’ai pas bénéficié, une seule fois, des crédits de fonctionnement ! C’est ainsi que les locaux abritant la Chancellerie de l’Ambassade au CAIRE furent fermés depuis le 30 avril 2011, pour des arriérés de loyers d’environ CENT UN MILLIONS (101 000 000) F CFA. Bien que l’Etat centrafricain n’ait pas encore épongé cette dette, j’ai pu, avec l’aide d’un partenaire égyptien, rouvrir notre Représentation diplomatique auprès de la République Arabe d’Egypte, depuis le 1er janvier 2014 » a rappelé l’actuel ambassadeur centrafricain en Egypte avant de faire savoir qu’il est chrétien pratiquant.
« Étant chrétien, pourtant je vis ma Foi en Egypte, pays musulman… »
Et pour donner une leçon de tolérance, de respect de la loi tout simplement, aux autorités de son pays qui ont déclenché une chasse aux musulmans en Centrafrique, il donne en exemple le pays où il vit depuis 2006. « J’ai l’opportunité de vivre ma Foi en Egypte, pays musulman, où l’islam sunnite modéré qui y est pratiqué est en butte aux courants islamistes et extrémistes de la congrégation des ‘‘Frères Musulmans’’. Je m’enrichis, au quotidien, de la gestion de la crise dans ce pays frère qu’est l’Egypte par les Forces Armées Egyptiennes et en ai tiré de riches et précieux enseignements pour la République Centrafricaine. Fort de toutes mes expériences de chrétien pratiquant, résidant dans un pays musulman en crise, je pense être à même de trouver les bonnes passerelles entre les communautés chrétienne et musulmane de notre pays. Je n’ai jamais milité au sein d’un Parti politique, ni appartenu à aucun Gouvernement de la République. Alors, je me repose la question : Que me reproche, exactement, le CNT ? » écrit le colonel Anicet Saulet dans sa lettre avant de rappeler les défis auxquels son pays est confronté à l’heure actuelle. Défis liés à la sécurité et à l’humanitaire. Et de se poser les questions suivantes : « Qui avait alors intérêt à exclure des cadres de mon profil qui voudraient, eux aussi, contribuer à la gestion de leur pays ?
Qui a intérêt à ce que la Paix et la Concorde nationale ne reviennent pas sur la terre du Président fondateur Barthélémy Boganda ? » Rappelant qu’en tout état de cause, la Centrafrique aspire à la Démocratie, gage de stabilité, le colonel Anicet Saulet informe avoir demandé à son avocat de saisir les juridictions compétentes pour faire valoir ses droits. « Dans tous les cas, je suis très préoccupé par la situation que traverse notre pays et je suis toujours disponible pour apporter des solutions idoines, qui prennent en compte les véritables aspirations du peuple centrafricain » écrit, pour terminer, le colonel (er) Anicet Saulet.
Une synthèse de :
Pape Ndiaye
Article paru dans « Le Témoin » N° 1161 –Hebdomadaire Sénégalais (AVRIL 2014)