ANALYSE

Conflits éleveurs-agriculteurs au Tchad : stratégie de l'évitement ?


Alwihda Info | Par Kaar Kaas Sonn (Flavien KOBDIGUE) - 17 Janvier 2021


Flavien Kobdigue suggère à l'État de "penser à de nouvelles formes d’élevage plus adaptées à la situation réelle du pays" face aux conflits entre agriculteurs et éleveurs.


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Nous sommes de ces peuples qui croient qu’il suffit d’esquiver les problèmes pour qu’ils se résolvent tout seuls… Décidément, ces derniers jours, l’actualité tchadienne sent le sang… entre Boko Haram qui fait exploser des pirogues et la violence croissante entre agriculteurs et éleveurs… Il est vrai que le premier est un cas de conflit asymétrique que l’État tchadien essaie de gérer par une sorte de fanfaronnade sans réel résultat. Quant aux conflits entre agriculteurs et agriculteurs, ils semblent clairement attisés par des intérêts partisans, la circulation incontrôlée des armes et des ressentiments vieux comme le monde dans l’environnement rural. Les pouvoirs publics semblent impuissants face à l’escalade de la violence qui risque d’engendrer d’autres situations tout aussi dévastatrices. Et le pays continuera de payer un lourd tribut en vies humaines… C’est ici que la situation devrait nous interpeler tous : comment pouvons-nous avancer dans un monde en constante évolution tout en restant aussi rétrogrades, figés ?

En effet, les changements climatiques, la pression démographique rapide, la croissance des cheptels rendent le pastoralisme caduc et persister à faire comme il y a un siècle en arrière relève soit de la myopie politique, soit d’un manque d’anticipation, soit des deux. Clairement, les ressources se font rares pour tout le monde, ce qui pousse le pastoralisme à devenir de plus en plus perturbateur –si l’on rajoute les intérêts des responsables politiques et donc une prise de position nette en faveur des éleveurs. Comme toujours, tout le monde sortira son petit mouchoir pour pleurer les morts d’aujourd’hui et demain, tout s’arrangera tout seul –en vrai, le statu quo ! 

Il paraît pourtant relativement aisé de saisir les racines et la dynamique de ce conflit et ce qu’il veut dire aujourd’hui. Il serait urgent de s’asseoir, se parler et envisager des modifications structurelles susceptibles de préserver les revenus des uns et des autres, favorisant ainsi une économie pacifiée et apaisée. On se souvient du code pastoral (2014) adopté puis annulé dans la foulée. L’opinion publique avait jugé “le code sur le pastoralisme inopportun pour l’instant. Il est une légitimation de l’injustice et l’arbitraire. Son objectif est de transformer tout le territoire du Tchad en un vaste pâturage pour les éleveurs et les propriétaires de capital-bétail qui ne constituent que 3,5% de la population tchadienne”, selon Baldal Oyamta de la LDTH. 

Et nous sommes repartis au texte d’avant l’indépendance (1959), comme si la meilleure façon de faire face aux problèmes au Tchad consiste à leur tourner le dos !

Penser à de nouvelles formes d’élevage plus adaptées à la situation réelle du pays en prenant en considération les données démographiques, la pression sur les sols ainsi que les aspects sociaux de l’ensemble des zones sujettes à ces problèmes récurrents. Ensuite, favoriser une nette séparation entre des intérêts des administrateurs et de ceux qu’ils sont censés administrer. Cela permettra la restauration de l’autorité de l’État et par là sa légitimité. Et ramènera la paix, car le statu quo risque d’être fatal pour l’ensemble du pays, sous l'effet conjugué de la croissance démographique rapide, du changement climatique, de la connivence des autorités administratives et de la circulation des armes, surtout s’il favorise la jonction avec le terrorisme.

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