Paris, le 25 juillet 2012.
Ce jeudi 26 juillet, le président français recevra son homologue ivoirien « afin d’examiner comment approfondir le partenariat franco-ivoirien » [1 ]. La situation ivoirienne exige pourtant une remise en cause radicale du soutien aveugle apporté à Alassane Ouattara. Le changement dont se réclame François Hollande en matière de politique franco-africaine imposerait de réduire les relations au minimum protocolaire.
Si la relation franco-ivoirienne fut orageuse, la Côte d’Ivoire est en passe de redevenir, depuis le retour d’Alassane Ouattara au pouvoir [2 ], un bastion de la Françafrique grâce à une coopération sécuritaire étroite et une subvention massive à la présence économique française.
C’est six mois, jour pour jour, après la signature du nouveau Partenariat de défense entre la Côte d’Ivoire et la France [3 ] que François Hollande reçoit son homologue. La coopération militaire est si étroite que la réforme du secteur de la sécurité et de l’armée ivoirienne est pilotée par deux haut gradés français [4 ], dépêchés auprès d’Alassane Ouattara et de l’ex-leader rebelle Guillaume Soro, nommé premier ministre et ministre de la défense, avant de devenir président de l’assemblée nationale [5 ]. Tandis que l’armée régulière est réduite aux rôles subalternes, les anciens chefs de guerre de la rébellion ont été promus commandants d’unités spéciales créées par décret présidentiel et reçoivent des formations par des militaires français [6 ], alors même qu’ils sont soupçonnés par les juges de la Chambre préliminaire de la Cour Pénale Internationale de s’être rendus coupables d’exactions [7 ]. Les ex-rebelles enlèvent et rançonnent en dehors de toute procédure judiciaire. La justice elle-même est viciée. Les chefs d’inculpation changent au gré des volte-face du régime et des protestations des familles [8 ]. Les prétendues menaces de déstabilisation finissent en inculpations de détournement de fonds ou en libération par manque de preuve. Ces méthodes trahissent la fébrilité d’un régime illégitime, car issu d’un processus électoral violé.
L’élection présidentielle de 2010 devait sortir le pays d’une longue crise politico-militaire. Le processus prévoyait que les Nations unies certifient les étapes successives : réunification du pays, recensement des populations, désarmement, scrutin présidentiel, refonte de l’armée, scrutins législatifs et locaux. Mais les principaux partis politiques, les rebelles et la communauté internationale ont sabré le processus. L’ONU, sous pressions française et américaine, s’est prêtée à ce jeu antidémocratique, en certifiant un recensement très imparfait et, surtout, en passant totalement sous silence l’absence de désarmement ou ne serait-ce que de cantonnement des groupes armés. Les diplomates onusiens [9 ] ont même dissimulé pendant sept mois le rapport d’un groupe d’experts qui établissait que les protagonistes se réarmaient dans la perspective du scrutin et suggérait au Conseil de sécurité de soumettre deux chefs rebelles à des sanctions [10 ].. La présidentielle fut entachée de très forts soupçons d’irrégularité, de part et d’autre. Mais les diplomaties française et américaine ont joué leur candidat favori contre le sortant, par des pressions diplomatiques et économiques extrêmement fortes d’abord. Puis, sous couvert de la mission des Nations unies, la force française Licorne s’est alliée aux rebelles pour renverser le président sortant.
Aujourd’hui, le régime ivoirien considère la force comme sa seule option. Même le nouveau représentant des Nations unies ne se laisse plus abuser par la réconciliation vantée par le régime. Les commandants rebelles présumés responsables des principaux massacres de la crise post-électorale, dans l’ouest, jouissent ainsi d’une totale impunité. Il y a quelques jours à peine, vendredi 20 juillet, un camp de l’ONU accueillant les populations qui ont fui les massacres a été incendié et entièrement détruit par des hommes en armes, faisant au moins une dizaine de morts. Ces violences et cette impunité alimentent des soupçons de persécutions ethniques.
Comme on pouvait le deviner [11 ], l’installation d’Alassane Ouattara connait une contrepartie économique en faveur d’intérêts français. Le Contrat de désendettement et de développement (C2D) en est le volet essentiel. « Celui-ci sera d’un montant sans précédent puisqu’il dépassera les 2 milliards [d’euros] » fanfaronnait Nicolas Sarkozy [12 ]. Pourtant, le gouvernement ivoirien devra bel et bien rembourser à l’État français ce montant faramineux, qui est celui de l’endettement généré par l’Aide Publique au Développement (APD) [13 ]. Mais à chaque échéance, le montant remboursé sera alloué, via l’Agence Française de Développement et le budget ivoirien, à un projet visant à réduire la pauvreté. Or, outre l’éducation et la santé, l’acception très large de cet objectif comprend les équipements, les infrastructures, l’aménagement du territoire et même la gestion des ressources naturelles : autant de secteurs où les intérêts français sont omniprésents. Autrement dit, sous couvert de désendettement et de d’aide au développement, il s’agit en réalité d’une subvention massive et opaque, par la dette ivoirienne, distribuée aux entrepreneurs français. Ils l’ont parfaitement compris : "Nous sommes très contents du nouveau président parce qu’on sait que lui, il va nous amener de l’argent. Et puis c’est un homme d’affaires qui avait déjà été Premier ministre et il avait été très bien quand il était Premier ministre de M. Houphouët, alors nous sommes très heureux. Toute la communauté européenne est très heureuse que ce soit M. Ouattara qui ait pris le pouvoir." [14 ]
Survie demande
C’est six mois, jour pour jour, après la signature du nouveau Partenariat de défense entre la Côte d’Ivoire et la France [3 ] que François Hollande reçoit son homologue. La coopération militaire est si étroite que la réforme du secteur de la sécurité et de l’armée ivoirienne est pilotée par deux haut gradés français [4 ], dépêchés auprès d’Alassane Ouattara et de l’ex-leader rebelle Guillaume Soro, nommé premier ministre et ministre de la défense, avant de devenir président de l’assemblée nationale [5 ]. Tandis que l’armée régulière est réduite aux rôles subalternes, les anciens chefs de guerre de la rébellion ont été promus commandants d’unités spéciales créées par décret présidentiel et reçoivent des formations par des militaires français [6 ], alors même qu’ils sont soupçonnés par les juges de la Chambre préliminaire de la Cour Pénale Internationale de s’être rendus coupables d’exactions [7 ]. Les ex-rebelles enlèvent et rançonnent en dehors de toute procédure judiciaire. La justice elle-même est viciée. Les chefs d’inculpation changent au gré des volte-face du régime et des protestations des familles [8 ]. Les prétendues menaces de déstabilisation finissent en inculpations de détournement de fonds ou en libération par manque de preuve. Ces méthodes trahissent la fébrilité d’un régime illégitime, car issu d’un processus électoral violé.
L’élection présidentielle de 2010 devait sortir le pays d’une longue crise politico-militaire. Le processus prévoyait que les Nations unies certifient les étapes successives : réunification du pays, recensement des populations, désarmement, scrutin présidentiel, refonte de l’armée, scrutins législatifs et locaux. Mais les principaux partis politiques, les rebelles et la communauté internationale ont sabré le processus. L’ONU, sous pressions française et américaine, s’est prêtée à ce jeu antidémocratique, en certifiant un recensement très imparfait et, surtout, en passant totalement sous silence l’absence de désarmement ou ne serait-ce que de cantonnement des groupes armés. Les diplomates onusiens [9 ] ont même dissimulé pendant sept mois le rapport d’un groupe d’experts qui établissait que les protagonistes se réarmaient dans la perspective du scrutin et suggérait au Conseil de sécurité de soumettre deux chefs rebelles à des sanctions [10 ].. La présidentielle fut entachée de très forts soupçons d’irrégularité, de part et d’autre. Mais les diplomaties française et américaine ont joué leur candidat favori contre le sortant, par des pressions diplomatiques et économiques extrêmement fortes d’abord. Puis, sous couvert de la mission des Nations unies, la force française Licorne s’est alliée aux rebelles pour renverser le président sortant.
Aujourd’hui, le régime ivoirien considère la force comme sa seule option. Même le nouveau représentant des Nations unies ne se laisse plus abuser par la réconciliation vantée par le régime. Les commandants rebelles présumés responsables des principaux massacres de la crise post-électorale, dans l’ouest, jouissent ainsi d’une totale impunité. Il y a quelques jours à peine, vendredi 20 juillet, un camp de l’ONU accueillant les populations qui ont fui les massacres a été incendié et entièrement détruit par des hommes en armes, faisant au moins une dizaine de morts. Ces violences et cette impunité alimentent des soupçons de persécutions ethniques.
Comme on pouvait le deviner [11 ], l’installation d’Alassane Ouattara connait une contrepartie économique en faveur d’intérêts français. Le Contrat de désendettement et de développement (C2D) en est le volet essentiel. « Celui-ci sera d’un montant sans précédent puisqu’il dépassera les 2 milliards [d’euros] » fanfaronnait Nicolas Sarkozy [12 ]. Pourtant, le gouvernement ivoirien devra bel et bien rembourser à l’État français ce montant faramineux, qui est celui de l’endettement généré par l’Aide Publique au Développement (APD) [13 ]. Mais à chaque échéance, le montant remboursé sera alloué, via l’Agence Française de Développement et le budget ivoirien, à un projet visant à réduire la pauvreté. Or, outre l’éducation et la santé, l’acception très large de cet objectif comprend les équipements, les infrastructures, l’aménagement du territoire et même la gestion des ressources naturelles : autant de secteurs où les intérêts français sont omniprésents. Autrement dit, sous couvert de désendettement et de d’aide au développement, il s’agit en réalité d’une subvention massive et opaque, par la dette ivoirienne, distribuée aux entrepreneurs français. Ils l’ont parfaitement compris : "Nous sommes très contents du nouveau président parce qu’on sait que lui, il va nous amener de l’argent. Et puis c’est un homme d’affaires qui avait déjà été Premier ministre et il avait été très bien quand il était Premier ministre de M. Houphouët, alors nous sommes très heureux. Toute la communauté européenne est très heureuse que ce soit M. Ouattara qui ait pris le pouvoir." [14 ]
Survie demande
- À l’État français, d’abandonner son soutien aveugle au régime ivoirien, de réduire au minimum protocolaire les relations diplomatiques, de cesser toute coopération - notamment militaire et sécuritaire - avec le régime et de retirer toutes ses troupes de Côte d’Ivoire. La force Licorne y est présente depuis bientôt 10 ans ;
- Au gouvernement français, d’abandonner le mécanisme opaque des Contrats de Désendettement et de Développement au profit d’une annulation pure et simple de la dette des pays pauvres très endettés, selon les engagements pris en Club de Paris ;
- Aux parlementaires français, d’établir une commission d’enquête sur le rôle de la France dans la crise ivoirienne, comme certains d’entre eux l’ont déjà demandé à quatre reprises depuis 2004 [15 ] ;
- Au Ministère de la défense, de déclassifier les documents relatifs à l’escalade tragique de violence de novembre 2004, notamment l’enquête interne ordonnée par le ministère et confiée à des gendarmes sur l’emploi des armes par la force Licorne contre des manifestants [16 ].