UN NON DÉSIR DE COMPRENDRE LE FOND
Par Firmine YABADA & Magloire LAMINE
NÉGLIGENCES DES RACINES PROFONDES DES MAUX
La problématique centrafricaine trouve ses germes dans le fait que la RCA, issue de l’ancien territoire de l’Oubangui-Chari, est née des conséquences de décisions coloniales discrétionnaires. Une espèce de reliquat de pays, quand tout le reste avait été déjà partagé. Ce qui a eu pour conséquence, de mettre ensemble, des individus ne se connaissant pas, et contraints de cohabiter, dans un espace géographique artificiel.
En Centrafrique, il en est découlé de multiples frustrations dans les régions. A l’instar des pratiques coloniales, les nouveaux leaders locaux successifs, ne se contenteront que de ne s’en tenir qu’à la “République de Bangui”, coupant de facto le pays en deux. Une balkanisation qui jusqu’à ce jour ne dérange personne dans la capitale. Il y a Bangui, et le reste. Tout ne se passe qu’à Bangui. Les provinces de survivre avec le peu de l’héritage colonial. Mais cela n’est pas resté sans effets.
Et les pires des régions oubliées, ce sont les extrêmes Est et Nord. Aussi, ne pas s’étonner de constater que le mouvement Séléka ait pris naissance dans le Nord, dans la Vakaga dès septembre 2012. Nous faisons l’économie des multiples crises précédentes, qui déjà, étaient des signes avant coureurs.
Et, comme un peu partout ailleurs sur le continent, la décolonisation, ou prétendue telle, est arrivée avec peu de cadres locaux formés, susceptibles de donner suite et d’amplifier les acquis administratifs et structurels coloniaux.
Les Etats africains ont été créés avant d’être des nations.
CENTRAFRIQUE, CE PAYS INVISIBLE
La psychanalyste Fabiana ALVAREZ avait en 2012, inventé le terme de “Ce pays qui n’existe pas”. Terme repris récemment par un journaliste français pour titrer son dernier livre à succès, sans la citer.
Toujours est-il que, la RCA, pays reliquat des découpage coloniaux, ne se connaît pas. Il en découle donc une totale absence de sentiment national rassembleur. Absence de sentiment national conforté par les répétitifs prises de pouvoir par la force. Ce qui a pour la dramatique conséquence de déconsidérer le respect dû aux structures étatiques. Ainsi, le sentiment national est-il davantage né de l’allégeance au dirigeant en place, qu’à une réelle prise de conscience nationale.
Aussi, si le moindre imbécile en treillis militaire peut se permettre de prendre le pouvoir par un coup, pourquoi les autres, frustrés n’en feraient-ils pas autant ? Les Constitutions deviennent comme le citait un observateur : “le papier des blancs”. Personne ne les lit, ni encore ne les respectent. Un pays laïc manipulé par les courants religieux de tous bords, des pouvoirs en place abondant dans le sens, par la négation du principe de la laïcité, par populisme et démagogie.
L’appartenance ethnique ou religieuse devient un outil de mobilisation pour les gouvernements contestés dans l’arrière pays, en quête de soutien populaire factice.
A terme, la crise centrafricaine devient un enchevêtrement complexe de causes structurelles et d’éléments conjoncturels, qui se traduit par la “détestation naturelle des centrafricains entre eux”, ce qui contribue à lui donner de l’intensité.
L’INSOLUBLE N’EST PAS LA CRISE EN SOI, MAIS LES ESSAIS DE LA DÉMINER QUI LA COMPLEXIFIE
Sur un constat de fond, le déroulement de l’actuelle crise porte en germe l’échec de toute tentative extérieure d’imposer la paix. Car, en l’absence d’une victoire de l’une des parties concernées, toute sortie de crise est vouée à être une illusion, par un consensus mou, préalable à de futurs affrontements.
Les manœuvres des forces extérieures que sont la MINUSCA et l‘UNION AFRICAINE pour espérer rétablir la paix, rendent encore plus confuse, une situation loin déjà d’être simple.
Car que proposent-elles ? Des solutions hors sol plaquées sur une situation qu’elles ne maîtrisent pas. Des propositions contredisant le concept même de justice, en morcelant le conflit.
En fait, d’un feu à éteindre, ils en ont créé de centaines d’autres. Du fait des actions de ces organisations, il n’y a plus qu’une crise en Centrafrique, mais des crises. Démonstration simple, le pays ne serait pas balkanisé, avec plus de 80% du territoire hors contrôle, si les forces militaires internationales n’avaient pas dès le début neutralisé les meneurs de la crise. Surprenant et difficile de croire que plus de 12000 troupes ne parviendraient pas à éradiquer 4 à 5000 miliciens sommairement armés.
Bien au contraire, elles leur ont donné de la consistance et de la crédibilité. En tolérant leurs exactions multiples, en négociant avec eux, voire même en achetant leur modération. Mais négocier quoi ? Les agendas de toutes les bandes rebelles sont à l’opposé de ceux des forces dites de paix. Et face à un pouvoir politique central inexistant, la rébellion comble le vide et se sacralise.
L’on insiste sur les tensions communautaires ou religieuses, mais ces tensions sont rarement des éléments déclencheurs de conflit, si on ne les manipule pas pour des intérêts personnels.
Le panel de l’Union africaine actuellement en promenade das le pays, pour rencontrer les chefs de guerre, nourrit cette sacralisation des bandes armées. Il n’apporte pas d’amorce de solution, mais appuie le totalitarisme de ces bandes armées. De cela, comme dit précédemment, cela ne suscitera que de futurs affrontements. il y’aura frustrations, du fait de validation sans le dire de l’impunité. Ce qui rend caduc le travail de justice, en le niant.
Les menées extérieures en vue d’assurer la sécurité et la paix dans le pays n’aboutiront jamais, tant que les centrafricains, les premiers concernés, ne seront cantonnés qu’au rang de spectateurs.
Il est évident que les urgences humanitaires, les réhabilitations des structures étatiques, les formations des différentes composantes, administratives, militaires, sécuritaires sont une nécessité. Mais sans fondations, sans une analyse approfondie des véritables germes de ce conflit, servant au moins comme prévention; cela restera des châteaux de sable. Car il faudra recommencer, encore et encore….
Près d’un milliard de dollars dépensé par an en RCA par l’ONU, et pourtant, le pays vit toujours le pire. Cela interroge sur l’efficacité et le sens des réalités de ces forces internationales.
© Avril 2018 – LAMINE MEDIA
NÉGLIGENCES DES RACINES PROFONDES DES MAUX
La problématique centrafricaine trouve ses germes dans le fait que la RCA, issue de l’ancien territoire de l’Oubangui-Chari, est née des conséquences de décisions coloniales discrétionnaires. Une espèce de reliquat de pays, quand tout le reste avait été déjà partagé. Ce qui a eu pour conséquence, de mettre ensemble, des individus ne se connaissant pas, et contraints de cohabiter, dans un espace géographique artificiel.
En Centrafrique, il en est découlé de multiples frustrations dans les régions. A l’instar des pratiques coloniales, les nouveaux leaders locaux successifs, ne se contenteront que de ne s’en tenir qu’à la “République de Bangui”, coupant de facto le pays en deux. Une balkanisation qui jusqu’à ce jour ne dérange personne dans la capitale. Il y a Bangui, et le reste. Tout ne se passe qu’à Bangui. Les provinces de survivre avec le peu de l’héritage colonial. Mais cela n’est pas resté sans effets.
Et les pires des régions oubliées, ce sont les extrêmes Est et Nord. Aussi, ne pas s’étonner de constater que le mouvement Séléka ait pris naissance dans le Nord, dans la Vakaga dès septembre 2012. Nous faisons l’économie des multiples crises précédentes, qui déjà, étaient des signes avant coureurs.
Et, comme un peu partout ailleurs sur le continent, la décolonisation, ou prétendue telle, est arrivée avec peu de cadres locaux formés, susceptibles de donner suite et d’amplifier les acquis administratifs et structurels coloniaux.
Les Etats africains ont été créés avant d’être des nations.
CENTRAFRIQUE, CE PAYS INVISIBLE
La psychanalyste Fabiana ALVAREZ avait en 2012, inventé le terme de “Ce pays qui n’existe pas”. Terme repris récemment par un journaliste français pour titrer son dernier livre à succès, sans la citer.
Toujours est-il que, la RCA, pays reliquat des découpage coloniaux, ne se connaît pas. Il en découle donc une totale absence de sentiment national rassembleur. Absence de sentiment national conforté par les répétitifs prises de pouvoir par la force. Ce qui a pour la dramatique conséquence de déconsidérer le respect dû aux structures étatiques. Ainsi, le sentiment national est-il davantage né de l’allégeance au dirigeant en place, qu’à une réelle prise de conscience nationale.
Aussi, si le moindre imbécile en treillis militaire peut se permettre de prendre le pouvoir par un coup, pourquoi les autres, frustrés n’en feraient-ils pas autant ? Les Constitutions deviennent comme le citait un observateur : “le papier des blancs”. Personne ne les lit, ni encore ne les respectent. Un pays laïc manipulé par les courants religieux de tous bords, des pouvoirs en place abondant dans le sens, par la négation du principe de la laïcité, par populisme et démagogie.
L’appartenance ethnique ou religieuse devient un outil de mobilisation pour les gouvernements contestés dans l’arrière pays, en quête de soutien populaire factice.
A terme, la crise centrafricaine devient un enchevêtrement complexe de causes structurelles et d’éléments conjoncturels, qui se traduit par la “détestation naturelle des centrafricains entre eux”, ce qui contribue à lui donner de l’intensité.
L’INSOLUBLE N’EST PAS LA CRISE EN SOI, MAIS LES ESSAIS DE LA DÉMINER QUI LA COMPLEXIFIE
Sur un constat de fond, le déroulement de l’actuelle crise porte en germe l’échec de toute tentative extérieure d’imposer la paix. Car, en l’absence d’une victoire de l’une des parties concernées, toute sortie de crise est vouée à être une illusion, par un consensus mou, préalable à de futurs affrontements.
Les manœuvres des forces extérieures que sont la MINUSCA et l‘UNION AFRICAINE pour espérer rétablir la paix, rendent encore plus confuse, une situation loin déjà d’être simple.
Car que proposent-elles ? Des solutions hors sol plaquées sur une situation qu’elles ne maîtrisent pas. Des propositions contredisant le concept même de justice, en morcelant le conflit.
En fait, d’un feu à éteindre, ils en ont créé de centaines d’autres. Du fait des actions de ces organisations, il n’y a plus qu’une crise en Centrafrique, mais des crises. Démonstration simple, le pays ne serait pas balkanisé, avec plus de 80% du territoire hors contrôle, si les forces militaires internationales n’avaient pas dès le début neutralisé les meneurs de la crise. Surprenant et difficile de croire que plus de 12000 troupes ne parviendraient pas à éradiquer 4 à 5000 miliciens sommairement armés.
Bien au contraire, elles leur ont donné de la consistance et de la crédibilité. En tolérant leurs exactions multiples, en négociant avec eux, voire même en achetant leur modération. Mais négocier quoi ? Les agendas de toutes les bandes rebelles sont à l’opposé de ceux des forces dites de paix. Et face à un pouvoir politique central inexistant, la rébellion comble le vide et se sacralise.
L’on insiste sur les tensions communautaires ou religieuses, mais ces tensions sont rarement des éléments déclencheurs de conflit, si on ne les manipule pas pour des intérêts personnels.
Le panel de l’Union africaine actuellement en promenade das le pays, pour rencontrer les chefs de guerre, nourrit cette sacralisation des bandes armées. Il n’apporte pas d’amorce de solution, mais appuie le totalitarisme de ces bandes armées. De cela, comme dit précédemment, cela ne suscitera que de futurs affrontements. il y’aura frustrations, du fait de validation sans le dire de l’impunité. Ce qui rend caduc le travail de justice, en le niant.
Les menées extérieures en vue d’assurer la sécurité et la paix dans le pays n’aboutiront jamais, tant que les centrafricains, les premiers concernés, ne seront cantonnés qu’au rang de spectateurs.
Il est évident que les urgences humanitaires, les réhabilitations des structures étatiques, les formations des différentes composantes, administratives, militaires, sécuritaires sont une nécessité. Mais sans fondations, sans une analyse approfondie des véritables germes de ce conflit, servant au moins comme prévention; cela restera des châteaux de sable. Car il faudra recommencer, encore et encore….
Près d’un milliard de dollars dépensé par an en RCA par l’ONU, et pourtant, le pays vit toujours le pire. Cela interroge sur l’efficacité et le sens des réalités de ces forces internationales.
© Avril 2018 – LAMINE MEDIA