Permettez-moi, sœurs et frères, de vous adresser ces quelques lignes sur notre lutte pacifique et responsable pour le changement dans notre cher pays. Je voudrais d'abord faire un rappel qui ne me semble pas sans intérêt, puis partager avec vous quelques enseignements de notre expérience militante et un appel citoyen.
Le Mouvement pour le Renouveau démocratique et le Développement (MRD), ancien Parti du Renouveau Démocratique (PRD), que j’ai l’honneur de présider, s’est engagé pour contribuer à l’avènement tant souhaité parce qu’indispensable de la démocratie et de l’Etat de droit dans ce pays. Nous l’avons fait avec de fortes convictions démocratiques et un courage qui ne se sont jamais démentis.
C’est depuis 1992 que le PRD devenu MRD œuvre sans relâche pour cette noble et juste cause qu’est la démocratie. La démocratie non de façade mais réelle. La démocratie comme alternative à l’oppression, à la corruption, à la misère de l’immense majorité, au désespoir et à l’avenir compromis. La démocratie telle qu’elle garantit la liberté, la justice, la solidarité, la bonne gouvernance et le développement durable pour tous. La démocratie comme chemin de la citoyenneté, de l’appropriation citoyenne de la chose publique et de la construction nationale. La démocratie telle que, par ces apports, elle garantit la paix civile et l’unité nationale. En un mot, la démocratie comme fondement de la République.
Notre engagement n’a jamais été une simple profession de foi, il s’est toujours traduit en actes. Le PRD devenu MRD a toujours agi sur le terrain, avec les Djiboutiens et pour les Djiboutiens. Dès la naissance du parti en septembre 1992, nous avons implanté ce dernier dans tous les secteurs géographiques de la capitale et de la province pour aller au contact du peuple et du pays. Nos fédérations et sections de base ont accueilli des Djiboutiens de toutes origines, de toutes conditions sociales et de tous âges qui se sont, ensemble, mêlés de ce que ce qui les regarde : la lutte pour le changement démocratique dans leur cher pays. Nos fédérations et sections de base sont devenues des lieux de rencontre, d’information, de sensibilisation mais aussi d’échange et d’amplification de la lutte vers le grand public.
Pour porter la voix du parti et celle des sans-voix, c’est-à-dire de l’immense majorité du peuple djiboutien, nous avons créé dès octobre 1992 l’hebdomadaire Le Renouveau qui, contre vents et marées, quinze ans durant (1992-2007, record de longévité inégalé pour une publication libre à Djibouti), a paru chaque semaine pour informer, analyser, dénoncer, interpeller mais aussi proposer. Sauf périodes de suspension, car il aura connu maintes persécutions, le Renouveau aura été au rendez-vous du jeudi avec ses nombreux lectrices et lecteurs. Pour reprendre la formule d’un écrivain djiboutien prometteur aujourd’hui disparu, il aura été la respiration de la semaine dans un paysage médiatique dominé par les médias du régime (Radiotélévision de Djibouti ou RTD, journal la Nation, journal Al Qaran, etc.).
Le PRD devenu MRD aura su épouser la révolution technologique et créer, le premier, dès 2000, son site web de parti politique, ce qui dotait le Renouveau d’une version électronique. Ainsi, la Toile, avec ses réseaux sociaux et ses nouveaux médias, aura permis de poursuivre la mission de l’hebdomadaire à la colombe. Secondée un temps, de Janvier 2010 à Juin 2011, par la première radio libre de l’histoire de Djibouti, La Voix de Djibouti ou LVD, qui émettait une fois par semaine, le jeudi, en ondes courtes, depuis l’Europe.
Le premier, notre parti aura également été à s’implanter hors de Djibouti avec des antennes en Europe et en Amérique du Nord, contribuant grandement à attirer l’attention du vaste monde sur la situation à Djibouti.
Au fil des ans, notre parti aura accumulé une expérience électorale lui permettant de développer un rapport distancié aux élections telles qu’elles ont cours à Djibouti.
Cet engagement en actes et pionnier à bien des égards, n’aura pas été aisé pour nous : nous l’aurons payé cher, très cher. Nous aurons subi toutes sortes de persécutons et consenti toutes sortes de sacrifices. Nous aurons connu la violence, la prison, l’exil, les confiscations de biens (personnels ou non), les privations en tous genres (privation d’emplois et autres activités professionnelles, etc.), le dénuement matériel. Nous aurons connu la maladie et la mort.
Mais cette persévérance, qui implique une grande résilience, n’aura pas été vaine, car elle aura contribué à la prise de conscience nationale et à la résistance à l’oppression. Par sa ténacité, notre parti aura encouragé de nouveaux acteurs à s’engager dans la lutte politique pacifique et des acteurs anciens à y venir depuis leur option initiale.
Attaché à l’unité nationale, le PRD devenu MRD a toujours cultivé l’unité de l’opposition, unité dans la réflexion comme dans l’action. Il aura ainsi cofondé toutes les coalitions nées depuis 1992, depuis le Front uni de l’opposition djiboutienne (FUOD)[i], jusqu’à l’Union pour le salut national (USN), en passant par l’Opposition djiboutienne unifiée (ODU : Mars 1999-Janvier 2003), ou encore l’Union pour l’alternance démocratique (UAD : Janvier 2003-Janvier 2013). Ces coalitions ont connu des fortunes diverses.
Depuis 1992, depuis que l’opposition peut exister et agir, difficilement certes, le peuple djiboutien a vu qui a fait quoi. Même les jeunes générations nées dans les années 1980 et 1990 ont vu qui a fait quoi.
Notre parti a observé, chez certains, une faible résilience desservant un engagement sincère. Chez d’autres, il a observé la venue à la lutte par mécontentement personnel ou familial, choix souvent éphémère qui cesse avec sa cause. Il a vu à l’œuvre l’opportunisme, les ambiguïtés et la transhumance politique. Il a vu aller et venir entre le régime et l’opposition. Rien de tout cela ne l’aura ébranlé.
A la lumière de ce long parcours et de son pesant d’expérience, qui confortent ses idées sur la lutte pacifique dans un contexte difficile tel que celui djiboutien, le MRD sait que de l’organisation comme du militant la lutte pacifique exige des convictions fortes et une capacité de persévérance au-dessus de la moyenne. Il sait qu’une telle lutte, forcément inégale face à un régime qui dispose de tous les moyens de l’Etat, ne peut s’envisager comme une action ponctuelle ou court-termiste mais pour ce qu’elle est : un combat complexe et partant à considérer dans toutes ses dimensions. Il sait que l’hétéroclisme des acteurs politiques d’opposition n’est pas sans difficultés. Ce n’est pas la meilleure configuration pour la lutte.
Notre parti sait surtout qu’à un stade donné de la lutte, celle-ci doit s’inscrire dans une démarche participationniste : peuple-acteurs crédibles du changement. Parce qu’il a pris conscience de la nécessité du changement, sous l’effet conjugué de l’action de l’opposition crédible et des souffrances endurées, le peuple doit davantage s’impliquer. Clairement, il ne doit plus tendre à demeurer un vivier de militants et une masse à mobiliser: il doit participer à la réflexion sur les moyens de la responsable lutte pacifique et s’investir d’autant dans la traduction en actes des moyens ainsi co-imaginés avec les acteurs crédibles du changement.
C’est dire l’impérieuse nécessité de repenser la lutte. De sorte que la peu pertinente question ‘’Qu’avez-vous pour nous ?’’, qui revient sur les lèvres de beaucoup de Djiboutiens, doit céder la place à la question impliquante et participative que voici : ‘’Que pouvons-nous ensemble ?’’. Ce ‘’Que pouvons-nous ensemble’’ change la perspective, c’est-à-dire la manière de voir la lutte nôtre.
A suivre.
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