"La mort, je la programme tous les jours. Parce que je suis trop vivant, trop viveur, trop jouisseur." Gros buveur, greffé du foie, opéré d'un quintuple pontage, Gérard Depardieu en a rajouté cette semaine dans la démesure qu'il confessait déjà en 2004, au point d'inquiéter ses proches. "Je tire assez sur la corde pour ne pas prévoir la conséquence ultime. (...) Je devrais sans doute lever le pied, mais ce n'est pas dans ma nature. La demi-mesure, ce n'est pas mon genre", confiait-il dans Vivant !, un livre-entretien avec Laurent Neumann, paru chez Plon il y a neuf ans.
De Paris à Zurich en passant par Podgorica ou Saranzk, aux côtés de Poutine ou de Lionel Messi, l'acteur de 64 ans arpente depuis quelques jours l'Europe en jet privé, au risque de malmener une santé déjà mise à rude épreuve. En 2000, Gérard Depardieu avait subi un quintuple pontage, trois dans le thorax et deux dans la cuisse, révélait Vivant !, où l'acteur se qualifiait lui-même de "ressuscité".
"Une provocation qui s'apparente à un suicide"
"Je suis un greffé du foie. J'ai traîné un cancer pendant deux ans. J'attendais la mort. (...) Quand on m'a greffé un foie tout neuf, toute ma famille était persuadée que j'allais faire un rejet, que la greffe ne prendrait pas", racontait-il dans l'ouvrage. Ce nouveau foie, Depardieu ne l'a pas ménagé ces dernières années, multipliant les incidents liés à des repas trop arrosés, tout en enchaînant les films à marche forcée, tandis que son tour de taille s'élargissait.
Pour l'ancien agent du comédien, Jean-Louis Livi, le récent exil fiscal et les tribulations mordovo-russo-monténégrines de l'acteur ne forment aujourd'hui qu'une "provocation qui s'apparente à un suicide". "Il faut vraiment qu'il soit mal avec lui-même pour s'infliger une telle auto-flagellation. Car qui plus que lui incarne le cinéma français, dit-il au journal Le Monde. Provoquer est sa façon de demander si on l'aime vraiment."
Gérard a quitté la France "parce qu'il manquait d'attention, d'amour", croit aussi l'ancienne épouse de l'acteur, Élisabeth Depardieu. "Quand il se sent refusé, il devient provocateur et le pire de ce qu'on imagine. Il va essayer de ressembler à ce dont on a peur", confie-t-elle sur RTL. "C'est quelqu'un qui a des bourrasques, qui est extrêmement malheureux, qui est inconsolable - vous savez pourquoi - et qui se démène pour essayer de vivre encore", affirme-t-elle, en allusion à leur fils Guillaume, mort en 2008 à l'âge de 37 ans.
"Sortie de route"
Sur RTL, son agent Bertrand de Labbey se dit lui aussi "très inquiet". Le comédien "va errer dans le monde entier, prendre des avions. C'est quelqu'un qui a le coeur fatigué. Gérard cherche une sortie de route et on l'y a poussé", pense-t-il, estimant également que l'acteur n'est qu'un "homme malheureux qui ne s'est jamais remis de la disparition de son fils". Catherine Deneuve voit en l'acteur un "homme vacillant" qui ne "donne en pâture que lui-même". "L'homme est sombre, mais l'acteur est immense", dit-elle.
L'interprète d'Obélix "a basculé complètement dans le monde de la fiction", pense le comédien Denis Podalydès, qui fait part de son "inquiétude" : "Parce que je n'ai pas envie qu'il meure. C'est la chose que je crains avec tout ça, qu'on le tue", confie-t-il. Cette vie sur le fil du rasoir n'effraie pas l'acteur. Dans Vivant !, il assurait ne pas redouter sa fin : "Quoi que je fasse dans ma vie, quels que soient les événements qui surviennent, il y a toujours quelque chose qui me fait penser à la disparition, à ce mystère de la mort. Mais ce mystère ne me fait pas peur." Point.fr