Un réseau routier encore largement insuffisant
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Avec plus de 1,2 million de kilomètres carrés de territoire, le Tchad dispose d’un réseau routier encore largement insuffisant. Si des axes stratégiques relient les principales villes, de nombreuses routes secondaires restent difficilement praticables, notamment en saison des pluies. Cette situation ralentit les échanges commerciaux et entrave la mobilité des populations, rendant le coût du transport prohibitif. Le Programme National de Développement prévoit la construction de corridors routiers pour désenclaver le pays, notamment vers le Cameroun et le Soudan, mais la mise en œuvre de ces infrastructures se heurte à des défis persistants.
Le transport terrestre représente aujourd’hui plus de 80 % des flux commerciaux et des déplacements, un constat qui illustre la dépendance aux routes et l’absence d’alternatives viables. Le projet de développement d’un réseau ferroviaire reliant le Tchad au Cameroun, évoqué à plusieurs reprises, demeure à l’état d’étude. Par ailleurs, le transport aérien, bien que stratégique pour le désenclavement des régions reculées, reste limité en raison du faible nombre de liaisons intérieures et du coût élevé des billets.
Des infrastructures au service de la croissance économique inclusive des territoires
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Depuis 2006, la Banque Islamique de Développement (BID) soutient la modernisation des infrastructures routières tchadiennes, facilitant le commerce et l’accès aux marchés. En contribuant au financement de plus de 380 km de routes, la BID a participé au désenclavement de plusieurs régions autrefois isolées. La route reliant Massaguet à Massakory et celle de Bokoro à Arboutchatak ont permis d’augmenter la circulation des biens et des personnes, dynamisant ainsi l’économie locale.
L’enclavement ne constitue pas seulement un frein au commerce et à la mobilité, il représente également une menace directe pour la sécurité alimentaire du Tchad. Des régions agricoles aux potentialités importantes, comme Laï, surnommée la « capitale de l’or blanc (riz) », souffrent d’un manque d’infrastructures de transport adéquates. La ville, essentielle pour la production de riz, reste difficile d’accès, en particulier en saison des pluies, où les routes deviennent impraticables. Alors que le Tchad continue d’importer des tonnes de riz chaque année, le désenclavement de Laï permettrait non seulement d’améliorer l’approvisionnement intérieur mais aussi de stabiliser les prix sur le marché local en réduisant la dépendance aux importations.
Un projet majeur attendu, connectant l'Egypte, la Libye et le Tchad
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Dans ce contexte, bien que plus au nord du pays, un projet majeur semble voir le jour pour relier le Tchad à ses voisins : la route terrestre tripartite reliant l’Égypte, la Libye et le Tchad. Le 11 décembre 2024, un protocole d’accord a été signé entre ces trois pays pour mettre en œuvre une infrastructure stratégique facilitant les échanges commerciaux et le transport de marchandises. Ce projet, qui fait renaître une ambition ancienne, vise à sécuriser les routes transfrontalières et à offrir de nouvelles perspectives économiques aux pays concernés. Elle présenterait un développement majeur pour la zone nord du Tchad et faciliterait davantage les échanges commerciaux avec la sous-région nord-africaine.
Un comité tripartite a été mis en place pour définir les mécanismes de mise en œuvre du projet. L’Égypte, qui mène une politique de renforcement des infrastructures dans la région, bénéficiera d’un accès direct aux ressources agricoles et énergétiques du Tchad et de la Libye. De son côté, la Libye espère que cette route participera à la reconstruction de son économie et à l’augmentation de ses échanges commerciaux. Pour le Tchad, ce corridor représente une opportunité majeure d’accéder à de nouveaux débouchés commerciaux et de diversifier ses partenaires économiques, alors que le pays est toujours dépendant des ports de Douala (Cameroun) et de Port-Soudan (Soudan) pour son commerce extérieur.
Cette route revêt également un enjeu sécuritaire. En facilitant une coopération accrue entre les trois pays pour lutter contre la contrebande et l’immigration clandestine, elle pourrait contribuer à stabiliser la région. Grâce à une coordination conjointe des mouvements de transport et à une sécurisation des frontières communes, le projet vise à assurer une circulation fluide des marchandises et des personnes tout en réduisant les risques liés aux trafics illicites.
Un forum ambitieux pour booster les infrastructures au Tchad
Dans ce cadre de transformation des infrastructures, le gouvernement tente également d’accélérer les investissements nationaux en organisant le Forum International de Développement des Infrastructures du Tchad (FIDIT), prévu du 18 au 20 février 2025 à N’Djaména. Cet événement, annoncé par le ministre des Infrastructures, du Désenclavement et de l’Entretien routier, Amir Idriss Kourda, vise à mobiliser investisseurs, institutions financières et entreprises spécialisées pour moderniser les infrastructures et renforcer l’intégration régionale. L’objectif est de favoriser des partenariats et d’attirer des financements pour des projets ambitieux, incluant la modernisation des routes, la mise en place de corridors transnationaux et le développement du secteur ferroviaire.
Parallèlement, la ville de N’Djaména est confrontée à une congestion croissante de son trafic routier, un problème qui impacte la qualité de vie des habitants et la fluidité des échanges économiques. Face à cette situation, l’ancien Ministre de la Sécurité Publique et de l’Immigration, Mahamat Charfadine Margui, avait sonné l’alarme et convoqué une réunion d’urgence avec les responsables de la circulation le 30 septembre 2024. Il a insisté sur l’urgence d’appliquer des mesures concrètes pour décongestionner les principaux axes routiers de la capitale et améliorer la sécurité des usagers.
Pour que ces initiatives portent leurs fruits, plusieurs pistes doivent être explorées. La modernisation du réseau routier reste une priorité, avec la réhabilitation des axes existants et la construction de nouvelles routes permettant de relier les zones enclavées. En parallèle, la diversification des moyens de transport, notamment par l’investissement dans le rail et les voies navigables, offrirait des solutions alternatives à la dépendance routière. Une meilleure intégration régionale, facilitée par des infrastructures de qualité, renforcerait le commerce transfrontalier et stimulerait l’économie nationale.
Le facteur déterminant de l'implication du secteur privé et une valorisation cruciale des partenariats public-privé
L’implication du secteur privé sera également déterminante. Attirer des investisseurs à travers des mécanismes incitatifs et renforcer les cadres réglementaires pour garantir la viabilité des projets figurent parmi les défis à relever. L’avenir des infrastructures tchadiennes repose sur une vision à long terme, appuyée par des politiques cohérentes et un engagement fort des acteurs nationaux et internationaux. A titre d’exemple, le renforcement des partenariats public-privé pourrait réduire la pression sur le budget national et ouvrir de nouvelles voies de collaboration gagnant-gagnant avec les différents acteurs favorables.
Il ne fait aucun doute que la réussite de la politique d’infrastructures du Tchad conditionnera son développement économique et son ouverture vers les marchés internationaux à l’heure d’une globalisation de l’économie mondiale incontournable. Si les projets annoncés se concrétisent et que les défis sont relevés avec pragmatisme, le pays pourrait enfin amorcer une transformation durable, réduisant son isolement et renforcer sa compétitivité.