. A l’occasion des votes du 25 janvier 2011 par l'Assemblée nationale (par un vote plutôt consensuel) et le 8 mars par le Sénat, le Parlement a apporté des améliorations notables au projet gouvernemental. La plus significative est l’abandon pur et simple de « l’audition libre » cet ersatz de garde à vue qui s’en distinguait essentiellement par l’impossibilité de se faire assister d’un avocat. Le texte marque le retour, définitif, du droit au silence, très provisoirement accordé au mis en cause par la loi du 15 juin 2000. L’idée de faire de l’avocat le témoin muet des auditions de son client a fait long feu, et le droit de poser directement des questions en fin d’audition lui est reconnu. Les victimes n’ont pas été oubliées, et elles pourront également, dès cette phase de l’enquête, bénéficier de la présence à leurs côtés de leur avocat. Le mouvement est donc lancé : les avocats vont désormais pénétrer dans les commissariats et les gendarmeries, pour y exercer pleinement leur métier, et y assister mis en cause et victimes. Les réformes pénales à venir élargiront nécessairement cette place, notamment au cours de l’enquête. Mais elle a certainement encore besoin d’être assurée, car certaines dispositions restrictives continuent de ne s’expliquer que par la crainte de lui conférer un rôle trop important. C’est ainsi que l’accès au dossier reste très insuffisant pour que l’avocat dispose véritablement des moyens d’organiser une défense efficace. Surtout, son arrivée continue de pouvoir être retardée par l’autorité de poursuite, à qui est conféré le pouvoir exorbitant de désorganiser la défense du mis en cause ; et qui conserve, en dépit de la jurisprudence européenne, un rôle d’une singulière importance pendant les 48 premières heures de la garde à vue. Il n’est pas sûr que ces restrictions permettent au texte des députés de passer aisément les tests de constitutionnalité et de conventionalité auxquels il sera nécessairement soumis, s’il n’est pas amélioré par les sénateurs. Les dispositions du nouvel article 706-88-2 du code de procédure pénale feront sourire : curieux pouvoir que celui conféré au Conseil National des Barreaux, sur proposition des conseils de l'ordre de chaque barreau, que d’élire les avocats susceptibles d’intervenir en garde à vue dans les affaires de criminalité organisée ou de terrorisme ; alors même que le droit à la liberté de choix de l’avocat est garanti par la convention européenne des droits de l’Homme. Mais on ne saurait non plus oublier les avocats tunisiens, égyptiens et chinois. Le Conseil National des Barreaux, a tenu, au tout début des évènements en Tunisie, à leur témoigner la solidarité du barreau français, par l’envoi sur place d’une délégation. Il a également rappelé aux autorités chinoises, le 19 mars, l'obligation qui pèse sur elles de garantir les libertés d'expression, de circulation et d'exercice des avocats chinois, dans le respect des engagements internationaux dont elles sont signataires. Les avocats ont joué un rôle moteur pour l’instauration d’une véritable démocratie en Tunisie et en Egypte. Nombre d’entre eux, depuis plusieurs années, avaient chèrement payé leur implication dans la défense des libertés, faisant preuve d’un extraordinaire courage, et donnant tout leur sens aux mots mis par Thucydide dans la bouche de Périclès, « il n’y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans vaillance ».
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