HDD : « La guerre ne sera envisagée que lorsqu’il n’y aura aucune chance au dialogue sincère avec le régime d’Idriss Déby ».
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Entretien avec Houlé Djonga Djonkamla,
Chargé des Affaires Extérieures de l’UFCD
Chef de la délégation de l’UFCD à la commission ad hoc
La Dissidence – Presse libre d’investigations et de réflexions politiques sur le Tchad
La Dissidence (LD) : Vous venez de finir vos travaux de la commission ad hoc ou vous avez conduit la délégation de l’Union des Forces pour le Changement et la Démocratie (UFCD). Quelques rumeurs laissent entendre que certains mouvements ont été ignorés lors des travaux, mais invités à la dernière minute pour parapher les textes constitutifs de l’Union des Forces de la Résistance (UFR) ?
Houlé Djonga Djonkamla (HDD) : Aucun mouvement ne peut être exclu et ne sera exclu ; la preuve est qu’on a commencé à 5, on a paraphé les textes à 7 et 8 mouvements sont actuellement représentés dans le bureau exécutif de l’UFR. L’essentiel c’est que presque tous les mouvements de l’est du Tchad se trouvent en ce moment engagés dans l’UFR. Beaucoup d’autres avaient en son temps fait leur demande d’adhésion auprès de la commission ad hoc. Toutes ces organisations qui n’ont pas pu prendre part à la finalisation des textes pourront de l’intérieur suggérer les aménagements qu’ils estiment nécessaires à travers l’organe suprême qui est le Conseil Supérieur de la Résistance (CSR). Ils pourront à la limite demander l’élargissement du bureau exécutif.
LD : Il vous a fallu 5 mois pour finaliser les textes. Des divergences constatées et la guerre des communiqués à laquelle se livraient les différents mouvements, vous ont-elles freinés dans vos travaux ?
HDD : Il faut dire que la méfiance était de taille. Pour autant, cette méfiance n’est pas finie peut-être. Mais je peux vous dire sans risque de me tromper que ce laps de temps nous a permis de mieux nous connaître en tant que responsable des différents mouvements et discuter avec comme maître mot le consensus. C’est pourquoi lors de nos travaux en commission, chaque fois qu’il y a un point de blocage venant d’un mouvement, nous arrêtons nos travaux pour rechercher un compromis avant de continuer. Voilà comment je pourrais expliquer tout ce temps pris.
LD : Que vont devenir les différents mouvements (UFDD, UFCD, FSR, UDC, UFPRN, UFC, UFDD-F, etc.) après la création de l’UFR ?
HDD : En dépit du fait que nous avions milité au sein de l’UFCD pour une fusion totale, tenant compte des préoccupations des uns et des autres, nous avions finalement retenu la fusion graduelle. Compte tenu du passé de nos différents mouvements, nous avions estimé qu’il faut régler un certain nombre de problèmes internes à chacune de nos formations, organiser des congrès de dissolution de nos actuels mouvements avant de faire la fusion complète de nos différentes unités. Cela prendra le temps que jugeront les différents mouvements. Nos différents mouvements existent encore avec naturellement tous leurs organes. Nous sommes une sorte d’alliance ayant une direction politique, mais qui doit fusionner graduellement le plutôt que possible.
LD : Cela signifie-t-il que durant cette phase nécessaire à la fusion complète des mouvements au sein de l’UFR, d’éventuelles divergences pourraient causer la disparition de l’UFR ?
HDD : Je ne suis pas un prophète pour prédire une telle chose. Je ne peux que souhaiter longue vie à l’UFR. Nous sommes conscients qu’il y a beaucoup à faire et les problèmes ne sont pas un motif de désenchantement. Les défis résident dans la capacité des responsables de l’UFR à les relever.
LD : Il y a un fait qui intrigue les Tchadiens et les organes de communication de l’UFR se montrent peu bavards sur la question. Je vais quand même vous la poser. Où sont passés le général Mahamat Nouri et le colonel Ahmat Hassaballah Soubiane ?
HDD : Ils sont membres de l’UFR et ils ont personnellement signé le manifeste et paraphé les statuts et règlement intérieur de l’UFR. L’UFDD du Général Nouri est représentée au bureau exécutif de l’UFR. Le colonel Soubiane a évoqué quelques sujets fondamentaux dont certains ont trouvé de compromis lors des travaux de la commission ad hoc et d’autres viennent d’être formulés. Il a dans une récente correspondance transmise à nos différentes organisations dit clairement qu’il est disposé au dialogue par rapport aux questions soulevées. Je crois que d’ici là un compromis sera trouvé malgré tous ce qui se raconte sur le net. Mais pour en savoir d’avantage, ils sont mieux placés pour vous le dire.
LD : Pourtant, des rumeurs persistantes distillées par les officines de la Présidence de Déby avancent que le général Mahamat Nouri s’est retiré de la rébellion, mais ne souhaite pas rendre public ce retrait pour ne pas fragiliser l’UFR. C’est quoi cette histoire ?
HDD : Ce n’est pas étrange. Nous avons entendu pire que ça. Après investigations, tous confirment que l’information leur parvient de N’djamena. Je dois vous dire que grâce aux travaux de la commission ad hoc nous sommes aujourd’hui plus proche que par le passé, nous sommes en contact les uns et les autres même si tout n’est pas complètement aplanis. Nous savons qu’il ne s’agit pas des rumeurs mais il s’agit d’une campagne d’intoxication savamment monté par certaines officines payées par les ennemies de la résistance. C’est comme quand hier on disait que le Camarade Adouma et l’UFCD sont entrain de se rallier. Bref le général Nouri n’est pas sorti de la rébellion, la preuve est que l’UFDD dont il est encore officiellement le président totalise 5 membres au bureau exécutif de l’UFR.
LD : Mais le FSR d’Ahmat Hassaballah Soubiane est aussi membre de l’UFR ? Il semble pourtant qu’il n’est pas très enthousiaste de la manière dont les choses se sont passé, c’est-à-dire qu’il n’a pas apprécié l’oukase des Soudanais. Il vient même de suspendre Ali Gaddaye et Ismaël Moussa pour avoir accepté d’être nommés au Bureau Exécutif de l’UFR…
HDD : Ne reprenons pas les litanies d’Idriss Deby et ses courtisans. Même aux enfants on ne peut imposer un leader. Il y a des problèmes qui ont été posés aux autres mouvements membres de l’UFR par le colonel Soubiane. Il est de mon point de vu nécessaire que les gens explorent la solution du compromis jusqu’au bout. Au cas contraire il tirera comme il se doit les conséquences. Nous sommes conscients que nos moindres divergences de lecture sont déformées et pompeusement fêtées dans les camps de l’ennemi. Très sincèrement Timan n’était pas mon candidat, c’était plutôt Adouma, mais aujourd’hui il est le président de l’UFR. Nous le faisons nôtre et devrions entamer les étapes qui doivent nous conduire à la fusion. Il y a encore beaucoup à faire pour réussir nos objectifs. Nous devons tout faire pour que le président Timan ne dérape pas et conduise les affaires comme il se doit.
LD : Guihini Korei a été nommé au poste de délégué à la communication, porte-parole adjoint de l’Union, puis remplacé deux jours après par Monsieur Ali Ordjo Hemchi. A-t-il démissionné ou bien l’a-t-on « limogé » en raison des protestations que sa nomination a suscitées ?
HDD : A vrai dire, il n’y a rien de tout cela et vous pouvez vérifier ce que je vous dis. Guihini s’est excusé dès que certaines personnes l’ont appelé pour le féliciter ; et c’est à ce moment que nous avions tous compris qu’il n’a même pas été consulté pour être désigné dans le bureau exécutif. Sans vous dire ce que je pense d’une telle nomination, vous voyez qu’il n’y a aucun rapport entre les analyses que font d’une part nos compatriotes et la volonté personnelle de Guihini.
LD : Vous-même, pourquoi n’êtes-vous pas dans le Bureau Exécutif…
HDD : (Rire) Ecoutez, Il y a d’autres membres de la résistance qui sont plus compétents et expérimentés comme Mahamat Djarma, Hachim Adoum Haggar, Mohammed Kebbir qui ne sont pas dans le bureau de l’UFR et bien d’autres. Ils ont dans le cadre processus de mise en place de l’UFR soit présidé la commission ad hoc, soit conduit les délégations de leurs mouvements au comité ad hoc, mais ils ne sont pas dans le bureau de l’UFR. Cela ne les diminue en rien ; il y a d’autres instances de l’UFR qui ne sont pas encore finalisées. On verra bien d’ici là. Pour ce qui me concerne j’ai personnellement désisté à la dernière minute pour permettre à un camarade d’une autre composante importante de l’UFCD de figurer dans le bureau puisque deux postes étaient attribués à ma composante. Cela ne change en rien ma participation dans la réussite des objectifs de l’UFR. Je demeure encore le chargé des relations extérieures de l’UFCD en attendant la fusion totale.
Par ailleurs, je voudrais souligner que je respecte l’opinion de ceux qui s’inquiètent de ne pas voir une catégorie de la population, par exemple des compatriotes sudistes ou des jeunes militants de nos mouvements dans le Bureau exécutif de l’UFR. Cela dit, je ne partage pas l’ironie avec laquelle certains ont voulu poser le problème. Je ne crois pas que ce soient ces considérations qui nous ont conduits en rébellion. Ceux qui nous connaissent de près savent de quoi nous parlons et connaissent ce que nous recherchons. Pour le reste, l’avenir nous le dira. Je sais qu’il y a des sudistes et des jeunes dans l’actuel bureau de l’UFR, peut-être pas nombreux et pas connus de ceux qui lisent internet et les journaux. Ce que j’attendais des compatriotes lorsqu’il abordent un tel sujet, c’est des critiques sur les chances que nous avons de réussir cette nouvelle phase de notre lutte, tenant compte de nos expériences passées. Tout compte fait, nous n’avons pas des raisons de nous attaquer à la presse. Notre devoir sera de clarifier ce qui ne nous semble pas clair. Chacun est donc libre d’interpréter, comme bon lui semble, ce qui lui tombe sous les sens. Il appartient aux lecteurs et analystes de faire la part des choses.
LD : Abordons maintenant les aspects techniques de vos projets. Comment allez-vous procéder pour engager vos prochaines offensives ? Par étape, en faisant pression sur N’Djamena pour qu’il accepte de négocier valablement avant de l’attaquer s’il continue par faire la sourde oreille, ou bien allez-vous attaquer, directement, sans préalable ?
HDD : Notre union a été faite pour d’abord nous permettre, en rang serré, de réclamer à la communauté internationale et au Gouvernement d’Idriss Deby un vrai dialogue inclusif pour la refondation de l’Etat tchadien. La guerre ne sera envisagée que lorsqu’il n’y aura aucune chance au dialogue sincère. Mais d’ici là, il faut finaliser la mise en place des organes, répondre aux demandes d’adhésion, finaliser la fusion, entamer le brassage de nos hommes, expliquer à l’opinion nationale et internationale notre démarche actuelle ; voila ce à quoi nous devons nous atteler. Il y a encore du boulot.
LD : Parlant de l’explication de votre démarche actuelle comme vous le dites, suite la signature du manifeste de l’opposition armée qui prévoit une transition de 18 mois après renversement du gouvernement, nous avons lu sur le site internet tchadanthropus que la personne qui dirigera la transition ne sera pas candidate à la présidentielle. Et puisque Timane est censé être celui qui dirigera la transition, il ne dirigera que la transition ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
HDD : C’est absolument ça ma déduction personnelle après lecture de notre manifeste. Est-ce qu’elle est comprise, par tous, de la même manière ? Dans tous les cas et pour toute question non élucidée par les textes, le Conseil Supérieur de la Résistance (CSR) est seule habilitée à trancher.
LD : Mais pouvez-vous dire si cette question a été discutée en plénière lors des travaux de la commission ad’hoc ? Timan Erdimi a-t-il accepté de diriger seulement l’UFR jusqu’au renversement du régime ou bien assurera-t-il également la transition, et donc s’effacer définitivement après les 18 mois de transition ?
HDD : Ne fabriquons plus d’ambiguïtés dans nos esprits. En cas de renversement du régime de Deby par les armes, le président de l’UFR est celui qui présidera la lutte et assurera la continuité de l’Etat à moins qu’il ne soit demi ou ne démissionne lui-même. En ce qui concerne la transition, elle sera ficelée lors du forum national où prendront part les partis politiques, les politico-militaires, la société civile, les personnalités ressources de l’intérieur et de la diaspora. Cette transition sera organisée et gérée de façon concertée avec toutes les forces précitées. S’il y a une fois de plus des problèmes d’interprétation, le CSR qui est l’organe suprême de l’UFR, seule est habilitée à trancher.
LD : S’il entend assurer également la transition en plus de la direction de l’UFR, cela signifie donc qu’il a accepté la condition de retrait de la course à la présidentielle aux termes des 18 mois de transition ?
HDD : Je crois que ce qui est important c’est de refuser la complaisance avec le président Timan, c’est d’éviter l’esprit de griot autour de lui. Il doit être conscient lui-même que ce n’est pas un cadeau qu’on lui a donné le fait d’être à la tête de l’UFR, mais c’est plutôt du boulot. Le chemin est à la fois long et court. Tout dépendra de la bonne foi des uns et des autres. Si nous sommes claires et sincères, le camarade Timan n’a pas d’autres choix que de suivre l’esprit et la volonté de ses compagnons qui se résument aux textes et organes de l’UFR.
LD : Je vous remercie.
HDD : C’est moi qui vous remercie
Propos recueillis par
Lyadish Ahmed
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