Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, a procédé jeudi dernier à l’installation des magistrats des Chambres africaines extraordinaires (CAE) chargés de juger l’ancien président de la République du Tchad, M. Hissène Habré. A cette cérémonie solennelle, on notait la présence, entre autres personnalités, d’un représentant de la présidente de la Commission de l’Union Africaine, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, et du ministre tchadien de la « Justice ». Le moment était particulièrement bien choisi, assurément ! Alors que des embarcations chargées de centaines de migrants africains font naufrage au large de la Méditerranée, faisant des milliers de morts (dont au moins 200 Sénégalais), que le monde entier s’émeut de cette tragédie, que l’Union européenne se réunit de toute urgence au plus haut niveau pour prendre des mesures visant à éradiquer ce phénomène des boat people, l’Union Africaine, elle, spectaculairement aphone devant cette catastrophe qui concerne avant tout de jeunes Africains, s’apprête, comme si de rien n’était, à organiser le procès d’un ancien chef d’Etat africain. Foutage de gueule supplémentaire, Mme Nkosazana Dlamini Zuma fait installer des chambres africaines extraordinaires au Sénégal au moment où, dans son propre pays, l’Afrique du Sud,première puissance économique du continent, une chasse à courre est organisée pour expulser les immigrants africains ! Un pogrom qui a déjà fait, officiellement, sept morts tandis que des milliers de migrants venus chercher fortune dans ce pays étaient parqués dans des camps dans l’attente de leur rapatriement. Et on a même entendu, dans le concert de vociférations de haine contre ces malheureux étrangers, la voix d’un fils du président sud-africain, Jacob Zuma — l’ex-mari de la présidente de la Commission de l’UA ! — dénoncer le fait que des frères africains viennent prendre le pain de ses compatriotes.
C’est donc au moment où des urgences particulièrement tragiques interpellent le continent qu’un grand cirque est organisé à Dakar, sous le parrainage d’une Union africaine dont les peuples du continent se demandent encore à quoi elle sert, pour installer des magistrats chargés de juger un ancien chef d’Etat africain poursuivi pour « crimes de guerre, « crimes contre l’humanité » et « actes de torture ». Le problème c’est que ce présumé criminel, accusé d’avoir tué et enterré à lui seul près de 40.000 personnes ( !), comparaîtra seul à la barre de cette justice bien singulière, pour ne pas dire « extraordinaire » (le mot est bien approprié, assurément). En particulier, on se demande bien comment un tel homme peut-il être jugé sans que comparaisse à ses côtés, en tant que complice, l’actuel chef de l’Etat tchadien, M. Idriss Déby Itno, qui était, à l’époque des faits allégués, le chef de tous les services de sécurité du pays. En tant que tel, il avait la haute main sur les commissariats de police et les brigades de gendarmerie de cet Etat d’Afrique centrale et commandait directement les bourreaux présumés. De même, il dirigeait la très redoutée Dds (Direction de la documentation et de la sécurité). A supposer que M. Hissène Habré, en tant que président de la République durant la période visée, ait été le responsable moral des crimes allégués, il a bien dû y avoir, que diable, des exécutants à la tête desquels il y avait, sans contestation possible, M. Déby. Or, par un de ces paradoxes cocasses dont l’Afrique a le secret, non seulement l’actuel homme fort de Ndjamena n’est pas poursuivi pour ses crimes plus que probables, mais encore c’est lui qui a financé à hauteur de quatre milliards de francs le procès du président Habré ! Une somme qui couvre le fonctionnement de cette juridiction ubuesque que sont les Chambres africaines extraordinaires, qui a permis aux magistrats de sa chambre d’instruction (de même d’ailleurs qu’à son procureur spécial)d’effectuer plusieurs voyages touristiques au Tchad, mais aussi en Belgique, officiellement pour les besoins de l’instruction, de se taper des frais de mission royaux pendant plusieurs mois, avant, à la fin, d’accoucher d’une ordonnance de renvoi dont on aurait pensé qu’elle a été rédigée directement par l’Ong américaine de droits de l’homme Human Rights Watch tellement elle reprend ses accusations mensongères contre le président Hissène Habré. En effet, à l’arrivée, au terme de plusieurs mois d’une « instruction » marquée surtout par des voyages touristiques incessants, nos braves magistrats n’ont renvoyé devant la juridiction de jugement — c’est à dire la Chambre qui était installée en grande pompe jeudi — qu’une seule personne, le malheureux président Hissène Habré en l’occurrence. Tout ça pour ça, dira-t-on. Oh certes, nos intrépides juges de la commission d’instruction des Cae avaient dressé une liste de sous-fifres tchadiens présentés comme étant les complices de M. Habré, dont ils avaient demandé l’extradition. Mais là, le président Déby Itno n’a pas apprécié la blague et s’est fâché. Comment, non seulement il finance le procès pour quatre milliards de francs mais en plus, on lui demande d’extrader ses propres ressortissants ? Pas question ! a-t-il hurlé tandis que les magistrats sénégalais se voyaient interdire de mettre les pieds au Tchad dont un officiel s’est même permis de dire avec beaucoup de perfidie que dorénavant ces illustres messieurs, si par extraordinaire ils revenaient dans son pays, devraient se contenter de leurs frais de mission pour couvrir leur séjour !
Pis, pour leur montrer en quelle piètre estime il tenait nos juges, le président Déby a organisé « son » propre procès au cours duquel les complices présumés de M. Habré ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. On notera que, malgré le pied de nez qu’il leur a fait, les juges des CAE n’ont pas osé décerner un mandat d’arrêt contre M. Déby. Ce bien qu’il soit venu à deux reprises se pavaner au Sénégal.
C’est donc cette drôle de Cour qui fonctionne grâce à l’argent de M. Déby — lequel, encore une fois, en toute justice aurait dû comparaître à sa barre — qui va juger le président Hissène Habré, un héros africain qui a infligé une déroute mémorable aux troupes libyennes du colonel Kadhafi et libéré son pays de l’occupation de ce voisin encombrant. Un chef d’Etat qui osa aussi tenir tête au président français François Mitterrand alors au faîte de sa puissance, entre autres faits d’armes.
Un homme, surtout, qui avait trouvé refuge dans notre pays depuis 1990 où il vivait tranquillement, où il a pris femme et a eu des enfants qui ont la nationalité sénégalaise et dont presque tous aujourd’hui fréquentent les universités européennes après avoir fait de brillantes études dans notre pays. Il avait fui son pays ainsi que la guerre et à l’époque, comme l’a raconté l’ancien président de la République M. Abdou Diouf dans ses « Mémoires », c’est son homologue Paul Biya qui lui avait demandé de lui accorder l’asile. Il a vécu dans notre pays pendant plus de 20 ans en paix, sans histoire, y investissant beaucoup d’argent et aidant énormément les populations démunies. Et voilà que le Sénégal, succombant à l’argent de Déby et au lobbying de Human Rights Watch, se transforme en prison pour lui. Du coup, les chefs d’Etat africains en activité, surtout ceux de la sous-région, dont beaucoup envisageaient de s’y établir après leur départ du pouvoir, se sont passé le mot pour fuir le Sénégal comme la peste. Parce que tout simplement les dirigeants de ce pays seraient capables de les vendre pour quelques milliards de francs cfa ou pour faire plaisir aux organisations prétendument de défense des droits de l’homme ! Non content d’avoir organisé une mascarade de procès pour juger Karim Wade, seul de tous les voleurs de l’ancien régime à avoir été poursuivi pour « enrichissement illicite », le Sénégal s’apprête aussi, avec un mandat de l’Union africaine complaisamment exécuté, à organiser un autre simulacre de procès, pour « juger » cette fois-ci le président Hissène Habré. Lequel paiera pour tous les dictateurs, criminels de guerre, criminels contre l’humanité et tortionnaires que l’Afrique ait jamais eus. Une justice pour l’exemple et le symbole à la demande de criminels siégeant à l’UA comme Idriss Déby Itno dont la police a encore tué ce week-end quatre civils qui protestaient contre la torture à mort, par les forces de l’ordre, d’un voleur présumé.
L’Histoire bégaie assurément pour le Sénégal. Hier, des tirailleurs partis de notre pays allaient réprimer des peuples africains en lutte comme en Algérie et à Madagascar. Et aujourd’hui, la « justice » sénégalaise fait le sale boulot à la place des maîtres impérialistes occidentaux en emprisonnant un héros africain sur pression, en particulier, de la même Belgique qui assassina Patrice Lumumba au début de nos indépendances. De quoi avoir honte d’être Sénégalais…
Mamadou Oumar NDIAYE
Article paru dans « Le Témoin » quotidien sénégalais
C’est donc au moment où des urgences particulièrement tragiques interpellent le continent qu’un grand cirque est organisé à Dakar, sous le parrainage d’une Union africaine dont les peuples du continent se demandent encore à quoi elle sert, pour installer des magistrats chargés de juger un ancien chef d’Etat africain poursuivi pour « crimes de guerre, « crimes contre l’humanité » et « actes de torture ». Le problème c’est que ce présumé criminel, accusé d’avoir tué et enterré à lui seul près de 40.000 personnes ( !), comparaîtra seul à la barre de cette justice bien singulière, pour ne pas dire « extraordinaire » (le mot est bien approprié, assurément). En particulier, on se demande bien comment un tel homme peut-il être jugé sans que comparaisse à ses côtés, en tant que complice, l’actuel chef de l’Etat tchadien, M. Idriss Déby Itno, qui était, à l’époque des faits allégués, le chef de tous les services de sécurité du pays. En tant que tel, il avait la haute main sur les commissariats de police et les brigades de gendarmerie de cet Etat d’Afrique centrale et commandait directement les bourreaux présumés. De même, il dirigeait la très redoutée Dds (Direction de la documentation et de la sécurité). A supposer que M. Hissène Habré, en tant que président de la République durant la période visée, ait été le responsable moral des crimes allégués, il a bien dû y avoir, que diable, des exécutants à la tête desquels il y avait, sans contestation possible, M. Déby. Or, par un de ces paradoxes cocasses dont l’Afrique a le secret, non seulement l’actuel homme fort de Ndjamena n’est pas poursuivi pour ses crimes plus que probables, mais encore c’est lui qui a financé à hauteur de quatre milliards de francs le procès du président Habré ! Une somme qui couvre le fonctionnement de cette juridiction ubuesque que sont les Chambres africaines extraordinaires, qui a permis aux magistrats de sa chambre d’instruction (de même d’ailleurs qu’à son procureur spécial)d’effectuer plusieurs voyages touristiques au Tchad, mais aussi en Belgique, officiellement pour les besoins de l’instruction, de se taper des frais de mission royaux pendant plusieurs mois, avant, à la fin, d’accoucher d’une ordonnance de renvoi dont on aurait pensé qu’elle a été rédigée directement par l’Ong américaine de droits de l’homme Human Rights Watch tellement elle reprend ses accusations mensongères contre le président Hissène Habré. En effet, à l’arrivée, au terme de plusieurs mois d’une « instruction » marquée surtout par des voyages touristiques incessants, nos braves magistrats n’ont renvoyé devant la juridiction de jugement — c’est à dire la Chambre qui était installée en grande pompe jeudi — qu’une seule personne, le malheureux président Hissène Habré en l’occurrence. Tout ça pour ça, dira-t-on. Oh certes, nos intrépides juges de la commission d’instruction des Cae avaient dressé une liste de sous-fifres tchadiens présentés comme étant les complices de M. Habré, dont ils avaient demandé l’extradition. Mais là, le président Déby Itno n’a pas apprécié la blague et s’est fâché. Comment, non seulement il finance le procès pour quatre milliards de francs mais en plus, on lui demande d’extrader ses propres ressortissants ? Pas question ! a-t-il hurlé tandis que les magistrats sénégalais se voyaient interdire de mettre les pieds au Tchad dont un officiel s’est même permis de dire avec beaucoup de perfidie que dorénavant ces illustres messieurs, si par extraordinaire ils revenaient dans son pays, devraient se contenter de leurs frais de mission pour couvrir leur séjour !
Pis, pour leur montrer en quelle piètre estime il tenait nos juges, le président Déby a organisé « son » propre procès au cours duquel les complices présumés de M. Habré ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. On notera que, malgré le pied de nez qu’il leur a fait, les juges des CAE n’ont pas osé décerner un mandat d’arrêt contre M. Déby. Ce bien qu’il soit venu à deux reprises se pavaner au Sénégal.
C’est donc cette drôle de Cour qui fonctionne grâce à l’argent de M. Déby — lequel, encore une fois, en toute justice aurait dû comparaître à sa barre — qui va juger le président Hissène Habré, un héros africain qui a infligé une déroute mémorable aux troupes libyennes du colonel Kadhafi et libéré son pays de l’occupation de ce voisin encombrant. Un chef d’Etat qui osa aussi tenir tête au président français François Mitterrand alors au faîte de sa puissance, entre autres faits d’armes.
Un homme, surtout, qui avait trouvé refuge dans notre pays depuis 1990 où il vivait tranquillement, où il a pris femme et a eu des enfants qui ont la nationalité sénégalaise et dont presque tous aujourd’hui fréquentent les universités européennes après avoir fait de brillantes études dans notre pays. Il avait fui son pays ainsi que la guerre et à l’époque, comme l’a raconté l’ancien président de la République M. Abdou Diouf dans ses « Mémoires », c’est son homologue Paul Biya qui lui avait demandé de lui accorder l’asile. Il a vécu dans notre pays pendant plus de 20 ans en paix, sans histoire, y investissant beaucoup d’argent et aidant énormément les populations démunies. Et voilà que le Sénégal, succombant à l’argent de Déby et au lobbying de Human Rights Watch, se transforme en prison pour lui. Du coup, les chefs d’Etat africains en activité, surtout ceux de la sous-région, dont beaucoup envisageaient de s’y établir après leur départ du pouvoir, se sont passé le mot pour fuir le Sénégal comme la peste. Parce que tout simplement les dirigeants de ce pays seraient capables de les vendre pour quelques milliards de francs cfa ou pour faire plaisir aux organisations prétendument de défense des droits de l’homme ! Non content d’avoir organisé une mascarade de procès pour juger Karim Wade, seul de tous les voleurs de l’ancien régime à avoir été poursuivi pour « enrichissement illicite », le Sénégal s’apprête aussi, avec un mandat de l’Union africaine complaisamment exécuté, à organiser un autre simulacre de procès, pour « juger » cette fois-ci le président Hissène Habré. Lequel paiera pour tous les dictateurs, criminels de guerre, criminels contre l’humanité et tortionnaires que l’Afrique ait jamais eus. Une justice pour l’exemple et le symbole à la demande de criminels siégeant à l’UA comme Idriss Déby Itno dont la police a encore tué ce week-end quatre civils qui protestaient contre la torture à mort, par les forces de l’ordre, d’un voleur présumé.
L’Histoire bégaie assurément pour le Sénégal. Hier, des tirailleurs partis de notre pays allaient réprimer des peuples africains en lutte comme en Algérie et à Madagascar. Et aujourd’hui, la « justice » sénégalaise fait le sale boulot à la place des maîtres impérialistes occidentaux en emprisonnant un héros africain sur pression, en particulier, de la même Belgique qui assassina Patrice Lumumba au début de nos indépendances. De quoi avoir honte d’être Sénégalais…
Mamadou Oumar NDIAYE
Article paru dans « Le Témoin » quotidien sénégalais