Emmanuel Macron, visite en Algérie, Accord franco-algérien, statut plus ouvert aux Algériens
Le président français Emmanuel Macron sera à Alger, ce mercredi 6 décembre 2017, où il sera suivi par beaucoup d’Algériens qui vivent en France et/ou qui demeurent en Algérie. Ces derniers attendent de lui qu’il prenne l’initiative de mesures administratives ou législatives plus favorables à leur situation, au regard du droit de la nationalité et du droit au séjour en France.
Beaucoup d’Algériens dénoncent, en effet, les entraves à l’acquisition de la nationalité française par réintégration et l’injustice des dispositions de l’article 30-3 du Code civil.
La situation des ressortissants algériens relative à l’entrée et le séjour en France et l’accès au travail est bloquée par l’Accord franco-algérien et ses trois avenants. En effet, les pouvoirs publics français invoquent fréquemment cet accord, dont le texte de base date du 27 décembre 1968, pour refuser aux Algériens l’application de dispositions législatives plus récentes et – dans certains aspects - plus avantageuses qui concernent les autres ressortissants étrangers.
Ainsi, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le « passeport talent », « travailleurs saisonnier » et « salarié détaché ICT » et « générale ». Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens.
Ce changement des règles et principes du droit des étrangers devrait constituer une occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Le monde change ! Les flux migratoires d'aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier !
L’Algérie et la France doivent entamer la rédaction d’un quatrième avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans l’optique de la négociation d’un tel nouvel avenant, le gouvernement algérien doit, impérativement, défendre les points suivants dans ce nouvel accord et maintenir les acquis des précédents avenants.
Tout d’abord, le point important qui concerne la régularisation par le travail.
Les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministère de l’intérieur (dite « circulaire Valls ») n’ont pas vocation à s’appliquer aux Algériens. Cette circulaire prévoit qu’un titre de séjour peut être délivré à l’étranger s’il justifie d’une ancienneté de trois, cinq ou sept ans en France – selon les situations - et qu’il est en mesure de présenter un contrat de travail ou de réelles attaches familiales.
Concernant les Algériens, ce n’est que de manière « exceptionnelle » (comme l’indique le texte de la « circulaire Valls ») que les Préfets peuvent examiner leurs demandes, contrairement à celles autres étrangers…
De la même manière, les Algériens ne peuvent pas invoquer les dispositions de l’article L. 313-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui prévoit la régularisation exceptionnelle d’une personne en situation régulière « pour des motifs humanitaires ». Il faut croire que la notion « à titre humanitaire », telle que définie dans le texte, ne peut pas s’appliquer à l’Algérien…
L’inapplicabilité de cette disposition aux ressortissants algériens, alors qu’ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème. Dans le souci de créer une réelle « égalité » dans le traitement des étrangers, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant à venir.
Deuxième point, la possibilité de régularisation du séjour à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français – qui subsiste dans l’accord franco-algérien, alors que Nicolas Sarkozy l’a fait supprimer dans le CESEDA en 2006 - doit demeurer.
Troisièmement, le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois exiger d’eux un visa de long séjour.
Quatrième point, la situation des étudiants algériens, qui est la plus défavorable de tous les étudiants étrangers, doit faire l’objet d’un alignement sur le régime général prévu dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Entre autres, les dispositions du CESEDA prévoient l’attribution de l’autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée d’un an pour les étudiants diplômés du Master 2 – leur permettant de travailler pour acquérir une « première expérience professionnelle » en France -, l’exercice d’une activité salariée à titre accessoire aux études ou encore le bénéfice de la carte de séjour « compétences et talents »… Ces règles ne sont pas prévues dans l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et par conséquence, les étudiants algériens ne peuvent pas en bénéficier et deviennent alors des étudiants « sans droits » à la fin de leur cursus.
Cinquièmement, il faudra prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France. Cette condition pénalise beaucoup de commerçants algériens qui disposent de la qualité de commerçant en France mais qui ne peuvent faire valoir leur droit au séjour devant l’administration française. Elle exige systématiquement des intéressés de retourner dans leur pays pour solliciter le visa long séjour d’installation, au risque de se retrouver bloquer et de ne plus pouvoir revenir en France.
Emmanuel Macron a eu le courage politique, en février 2017, de reconnaître en Algérie certaines réalités historiques, à savoir la dimension criminelle de la colonisation ; cela lui aura valu certaines manifestations d’hostilité dans une partie de l’opinion française, mais il a su les surmonter. Aujourd’hui, devenu président de la République française, Emmanuel Macron devrait également trouver le courage de revenir sur la situation des Algériens résidant en France. Un statut qui est souvent plus désavantageux par rapport à celui d’autres catégories d’étrangers, alors que les deux pays sont liés par une histoire partagée, certes parfois douloureuse, mais surtout longue et intense. La mémoire partagée de nos deux pays devrait, au contraire, permettre de faire naître des identités croisées et communes ; elle devrait servir à construire des ponts au lieu de murs.
Par Fayçal Megherbi et Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris
Beaucoup d’Algériens dénoncent, en effet, les entraves à l’acquisition de la nationalité française par réintégration et l’injustice des dispositions de l’article 30-3 du Code civil.
La situation des ressortissants algériens relative à l’entrée et le séjour en France et l’accès au travail est bloquée par l’Accord franco-algérien et ses trois avenants. En effet, les pouvoirs publics français invoquent fréquemment cet accord, dont le texte de base date du 27 décembre 1968, pour refuser aux Algériens l’application de dispositions législatives plus récentes et – dans certains aspects - plus avantageuses qui concernent les autres ressortissants étrangers.
Ainsi, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le « passeport talent », « travailleurs saisonnier » et « salarié détaché ICT » et « générale ». Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens.
Ce changement des règles et principes du droit des étrangers devrait constituer une occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Le monde change ! Les flux migratoires d'aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier !
L’Algérie et la France doivent entamer la rédaction d’un quatrième avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans l’optique de la négociation d’un tel nouvel avenant, le gouvernement algérien doit, impérativement, défendre les points suivants dans ce nouvel accord et maintenir les acquis des précédents avenants.
Tout d’abord, le point important qui concerne la régularisation par le travail.
Les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministère de l’intérieur (dite « circulaire Valls ») n’ont pas vocation à s’appliquer aux Algériens. Cette circulaire prévoit qu’un titre de séjour peut être délivré à l’étranger s’il justifie d’une ancienneté de trois, cinq ou sept ans en France – selon les situations - et qu’il est en mesure de présenter un contrat de travail ou de réelles attaches familiales.
Concernant les Algériens, ce n’est que de manière « exceptionnelle » (comme l’indique le texte de la « circulaire Valls ») que les Préfets peuvent examiner leurs demandes, contrairement à celles autres étrangers…
De la même manière, les Algériens ne peuvent pas invoquer les dispositions de l’article L. 313-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui prévoit la régularisation exceptionnelle d’une personne en situation régulière « pour des motifs humanitaires ». Il faut croire que la notion « à titre humanitaire », telle que définie dans le texte, ne peut pas s’appliquer à l’Algérien…
L’inapplicabilité de cette disposition aux ressortissants algériens, alors qu’ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème. Dans le souci de créer une réelle « égalité » dans le traitement des étrangers, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant à venir.
Deuxième point, la possibilité de régularisation du séjour à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français – qui subsiste dans l’accord franco-algérien, alors que Nicolas Sarkozy l’a fait supprimer dans le CESEDA en 2006 - doit demeurer.
Troisièmement, le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois exiger d’eux un visa de long séjour.
Quatrième point, la situation des étudiants algériens, qui est la plus défavorable de tous les étudiants étrangers, doit faire l’objet d’un alignement sur le régime général prévu dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Entre autres, les dispositions du CESEDA prévoient l’attribution de l’autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée d’un an pour les étudiants diplômés du Master 2 – leur permettant de travailler pour acquérir une « première expérience professionnelle » en France -, l’exercice d’une activité salariée à titre accessoire aux études ou encore le bénéfice de la carte de séjour « compétences et talents »… Ces règles ne sont pas prévues dans l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et par conséquence, les étudiants algériens ne peuvent pas en bénéficier et deviennent alors des étudiants « sans droits » à la fin de leur cursus.
Cinquièmement, il faudra prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France. Cette condition pénalise beaucoup de commerçants algériens qui disposent de la qualité de commerçant en France mais qui ne peuvent faire valoir leur droit au séjour devant l’administration française. Elle exige systématiquement des intéressés de retourner dans leur pays pour solliciter le visa long séjour d’installation, au risque de se retrouver bloquer et de ne plus pouvoir revenir en France.
Emmanuel Macron a eu le courage politique, en février 2017, de reconnaître en Algérie certaines réalités historiques, à savoir la dimension criminelle de la colonisation ; cela lui aura valu certaines manifestations d’hostilité dans une partie de l’opinion française, mais il a su les surmonter. Aujourd’hui, devenu président de la République française, Emmanuel Macron devrait également trouver le courage de revenir sur la situation des Algériens résidant en France. Un statut qui est souvent plus désavantageux par rapport à celui d’autres catégories d’étrangers, alors que les deux pays sont liés par une histoire partagée, certes parfois douloureuse, mais surtout longue et intense. La mémoire partagée de nos deux pays devrait, au contraire, permettre de faire naître des identités croisées et communes ; elle devrait servir à construire des ponts au lieu de murs.
Par Fayçal Megherbi et Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris