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"Maudits" sont les enfants soldats d'Afrique


Alwihda Info | Par AA - 10 Août 2015


Le Nigéria, fait son entrée, pour la première fois, sur la liste noire des pays "grands recruteurs" d'enfants soldats du département d’Etat américain.


AA/Tunis/Esma Ben Said

Des enfants soldats en Afrique. Crédits photo: AA
Des enfants soldats en Afrique. Crédits photo: AA
Des dizaines de milliers d'enfants d'Afrique ont troqué leurs stylos contre des armes. Cette année, les enfants nigérians se sont particulièrement distingués dans la violence, rejoignant les rangs de Boko Haram ou de bandes rebelles qui luttent contre le groupe armé, relève Sylvain Chibani expert centrafricain en sécurité et politiques africaines, joint au téléphone par Anadolu. 

Pour la première fois, le Nigéria a "gagné" cette triste entrée dans la liste noire des 5 pays africains "grands recruteurs" d'enfants soldats (4.000 pour ce pays), publié récemment par le département d'Etat américain. Il emboîte ainsi le pas à la RDC mais se situe devant la Somalie, le Soudan du Sud et le Soudan.

Outre ces cinq pays africains, le rapport compte la Birmanie (tête de liste), la Syrie et le Yémen.

Pour Chibani, cette entrée s'explique, entre autres, par le fait que le groupe armé Boko Haram étend de plus en plus son influence sur le bassin du Lac Tchad provoquant ainsi, soit l'enrôlement des enfants (souvent des mineurs âgés de 14 à 17 ans) dans le groupe armé, soit une intégration de mineurs dans des groupes rebelles, ou encore dans l'armée régulière dont les faiblesses ont été révélées durant la lutte contre Boko Haram.

"Le Nigéria a des problèmes au niveau de l'armée. Malgré un budget conséquent  (4,5 milliards de dollars) les militaires sont mal entraînés dans la lutte. Pour les soutenir, des bandes rebelles se sont donc composées, intégrant souvent des enfants dans leurs rangs. Si l'armée était plus efficace, Boko Haram n'existerait plus, beaucoup de bandes rebelles ne se formeraient donc pas et par conséquence, les enfants ne seraient pas enrôlés", indique l'expert.

Une milice alliée au gouvernement, "la Civilian Joint Task Force", a d'ailleurs recruté et utilisé plusieurs enfants soldats (le nombre n'a pas été communiqué) – parfois par la force – dans la lutte contre le groupe armé, indique d'ailleurs le rapport américain pour justifier l'ajout du Nigéria sur la liste.

La presse nigériane rapporte d'ailleurs régulièrement les sautes d'humeurs des militaires se plaignant souvent des retards dans le paiement des soldes. D'un autre côté, les combattants de Boko Haram, au Nigeria, recrutent eux aussi des milliers de jeunes pour gonfler les rangs et l'Etat ne peut rien y faire, poursuit l'expert.

D’après un rapport de l’ONG Human Rights Watch, daté de l’an dernier, ces enfants servent aussi bien à l'espionnage, qu'à la cuisine ou les combats. Ils sont aussi souvent victimes d'enlèvements, de violences sexuelles et de détention arbitraire. 

En 2012, l'Unicef annonçait que parmi 250.000 enfants soldats dans le monde, la plupart se trouvent sur le continent africain, mais des progrès sont constamment réalisés visant à leur réinsertion dans la vie civile.

En RDC, la Mission onusienne (Monusco) a, tout récemment, annoncé que 567 enfants soldats, autrefois aux mains des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ont été libérés au cours des six premiers mois de l'année 2015. Le nombre total d'enfants soldats en RDC en demeurant inconnu en l'absence de statistiques spécifiques vue la difficulté de recenser de tels cas, reste tout de même inquiétant, selon la Mission, dans ce pays en proie à l'instabilité dans sa partie orientale depuis plusieurs années.

De même qu'en Somalie, malgré les progrès réalisés aussi bien par les nouvelles autorités somaliennes que l'Onusom (Opération des Nations Unies en Somalie), les enfants soldats continuent à être instrumentalisés, en grand nombre, par des groupes armés, depuis 1991, date du début d'une guerre civile dans ce pays toujours en proie à l'insécurité, selon le Département d'Etat.

Au Soudan du Sud, l'Unicef estime quant à elle, qu'environ 12 000 enfants -essentiellement des garçons-  sont enrôlés, aussi bien par l'armée sud-soudanaise que par les forces rebelles, et les milices alliées depuis le début de la guerre.

Ravagé depuis décembre 2013 par un conflit civil, le Soudan du Sud, comptabilise d'ailleurs plus d'une vingtaine de groupes armés et milices qui ont rejoint le conflit qui oppose une faction de l'armée fidèle au président Salva Kiir à une autre, loyale à son rival et ancien vice-président, Riek Machar. Les deux camps sont accusés par UNICEF d'enrôler de force des enfants.

Si durant une période, sous la pression internationale, le Soudan du Sud avait progressé vers l'arrêt de l'utilisation d'enfants soldats, le pays a replongé dans le recrutement d'enfants depuis la reprise du conflit en 2013. L'agence des Nations Unies a toutefois négocié récemment la libération de près de 3.000 enfants intégrés dans des milices rebelles. Sa "plus grande mission de libération", se réjouit-elle sur son site.

Le voisin du Nord, le Soudan, dont la Province occidentale (Darfour) est en proie depuis 2003 à un conflit armé est également indexé dans le rapport américain, avec un nombre d'enfants soldats restant à déterminer.

Le Nigéria, qui figure donc désormais sur la liste "maudite" avec plus de 4.000 soldats enfants selon différentes ONG, pourrait bien être privé, à l’instar des autres pays, de toute assistance militaire de la part des Etats-Unis. Une décision que devra prendre le président américain Barack Obama dans deux mois pour faire face à "la  grave violation du droit international qui interdit l’enrôlement d'enfants de moins de 18 ans dans l'armée", selon le rapport américain.

Auparavant, une décision d'Obama de retenir des éléments d'assistance militaire destinée à la RDC avait contribué à des progrès notables dans le pays, selon les défenseurs des droits de l'homme. Les Etats-Unis émettront donc sans doute un avertissement aux Etats qui utilisent les enfants soldats de cesser cette intégration en échange d'une aide militaire.

"C'est aussi désormais aux Etats concernés de réformer leurs armées et de mettre en place de véritables initiatives pour intégrer les ex-enfants soldats afin qu'ils ne soient ni tentés, ni obligés de rejoindre des milices", préconise Chibani.



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