Naturalisation, ajournement, données STIC, recours,
Très souvent sollicité par des ressortissants étrangers ayant fait l’objet de plainte classée sans suite par l’autorité judiciaire et ayant été ajournés de la nationalité française au motif que leur nom était contenu dans un fichier de police. Il m’a semblé pertinent de commenter la décision rendu le 12 juillet 2017 par la Cour administrative d’appel de Nantes en matière d’acquisition de la nationalité française par le mode de la naturalisation. Cet arrêt interdit à l’administration de refuser ou d’ajourner la nationalité française aux seules mentions indiquées dans les fichiers de la police judiciaire.
C’est aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ", que Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mai 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 7 février 2013 par laquelle le préfet a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation. Le 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes avait rejeté sa demande aux fins d’annulation.
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2016, Mme C...D..., a demandé à la cour administrative d’appel de Nantes d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2016 qui confirmait la décision du ministre de l'intérieur du 15 mai 2013.
Pour ajourner à deux ans la demande de Mme D..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que la postulante, malgré une précédente demande ajournée en 1998 pour des faits de travail clandestin commis en 1996, avait persisté dans son comportement en faisant l'objet des procédures pour violences volontaires avec arme blanche et d’une autre procédure pour violences volontaires et menaces d'atteinte aux personnes et, d'autre part, de ce qu'elle n'établissait pas avoir régularisé une dette locative d'un montant de 1 099 euros.
L'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure alors en vigueur indique que les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des applications automatisées d'informations nominatives recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publique ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l'État, afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Ces applications ont également pour objet l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques.
Ces traitements peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d'âge, à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions mentionnées ci-dessus.
Il est à rappeler que le traitement des informations nominatives est opéré sous le contrôle du Procureur de la République compétent qui peut demander qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire.
L'article 25 de la même loi dans sa rédaction alors en vigueur prévoit que la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 21 s'effectue, notamment, lors de l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française ; que, dans sa décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, le conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n'étaient pas remises en cause par l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 selon lequel " aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ", de sorte que les données recueillies dans les fichiers ne constitueront, dans chaque cas, qu'un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l'autorité administrative.
La cour a donc considéré que pour opposer les faits de violence à la demande de Mme D..., dont cette dernière conteste soit la matérialité des faits qui lui sont reprochés, soit leur imputabilité, le ministre s'est exclusivement fondé sur les mentions contenues dans le fichier de police dénommé " Système de traitement des infractions constatées " (STIC) ; que, dans ces conditions, alors que le ministre n'apporte aucune précision sur l'issue de ces procédures, il ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se fonder sur les seuls faits ayant donné lieu aux procédures enregistrées dans ce fichier.
Il a, toutefois, considéré ainsi « qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... était redevable au 26 décembre 2012 d'une dette locative de 1 099 euros envers son bailleur, la société " L'Immobilière Acl Pme " ; que si la requérante soutient qu'elle était à jour du paiement de ses loyers à la date de la décision contestée, elle n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en établir le bien fondé ; qu'en particulier, la légalité d'une décision s'appréciant à la date de son édiction, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'attestation de son bailleur du 10 avril 2017 selon laquelle elle est à jour dans le règlement de ses loyers et charges à la date de cette attestation ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur, dans l'exercice du large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, était en droit, pour ce motif, et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, d'ajourner la demande de naturalisation présentée par Mme D..., sans que cette dernière puisse utilement invoquer, eu égard à ce motif, la circonstance qu'elle vit, en France, depuis l'âge de trois mois et sa bonne intégration personnelle et professionnelle en France ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif. »
Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris
E-mail : [email protected]
Site web : www.faycalmegherbi.com
C’est aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ", que Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mai 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 7 février 2013 par laquelle le préfet a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation. Le 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes avait rejeté sa demande aux fins d’annulation.
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2016, Mme C...D..., a demandé à la cour administrative d’appel de Nantes d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2016 qui confirmait la décision du ministre de l'intérieur du 15 mai 2013.
Pour ajourner à deux ans la demande de Mme D..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que la postulante, malgré une précédente demande ajournée en 1998 pour des faits de travail clandestin commis en 1996, avait persisté dans son comportement en faisant l'objet des procédures pour violences volontaires avec arme blanche et d’une autre procédure pour violences volontaires et menaces d'atteinte aux personnes et, d'autre part, de ce qu'elle n'établissait pas avoir régularisé une dette locative d'un montant de 1 099 euros.
L'article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure alors en vigueur indique que les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des applications automatisées d'informations nominatives recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publique ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l'État, afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Ces applications ont également pour objet l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques.
Ces traitements peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d'âge, à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions mentionnées ci-dessus.
Il est à rappeler que le traitement des informations nominatives est opéré sous le contrôle du Procureur de la République compétent qui peut demander qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire.
L'article 25 de la même loi dans sa rédaction alors en vigueur prévoit que la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 21 s'effectue, notamment, lors de l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française ; que, dans sa décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, le conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n'étaient pas remises en cause par l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 selon lequel " aucune décision administrative ou privée impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ", de sorte que les données recueillies dans les fichiers ne constitueront, dans chaque cas, qu'un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l'autorité administrative.
La cour a donc considéré que pour opposer les faits de violence à la demande de Mme D..., dont cette dernière conteste soit la matérialité des faits qui lui sont reprochés, soit leur imputabilité, le ministre s'est exclusivement fondé sur les mentions contenues dans le fichier de police dénommé " Système de traitement des infractions constatées " (STIC) ; que, dans ces conditions, alors que le ministre n'apporte aucune précision sur l'issue de ces procédures, il ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se fonder sur les seuls faits ayant donné lieu aux procédures enregistrées dans ce fichier.
Il a, toutefois, considéré ainsi « qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... était redevable au 26 décembre 2012 d'une dette locative de 1 099 euros envers son bailleur, la société " L'Immobilière Acl Pme " ; que si la requérante soutient qu'elle était à jour du paiement de ses loyers à la date de la décision contestée, elle n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en établir le bien fondé ; qu'en particulier, la légalité d'une décision s'appréciant à la date de son édiction, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'attestation de son bailleur du 10 avril 2017 selon laquelle elle est à jour dans le règlement de ses loyers et charges à la date de cette attestation ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur, dans l'exercice du large pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, était en droit, pour ce motif, et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, d'ajourner la demande de naturalisation présentée par Mme D..., sans que cette dernière puisse utilement invoquer, eu égard à ce motif, la circonstance qu'elle vit, en France, depuis l'âge de trois mois et sa bonne intégration personnelle et professionnelle en France ; qu'il résulte de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif. »
Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris
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