Pour lever toute équivoque et prévenir les quiproquos, je tiens à signifier d’entrée de jeu que j’écris les lignes qui suivent non pas comme membre du Cabinet du Premier Ministre, Chef du Gouvernement de Transition, tant s’en faut, mais plutôt en ma double qualité de citoyen centrafricain (fier de l’être) et d’observateur privilégié de la scène politique locale, sous-régionale, africaine, pour ne pas dire internationale.
Inutile de forcer l’évidence en précisant que le sujet évoqué ici est sensible. D’autant plus polémique que nos détracteurs dont la mauvaise foi et la vilenie ne sont plus à démontrer n’hésiteront pas, préoccupés qu’ils sont par leur dessein funeste, de se servir de cette tribune pour crier au scandale. Seulement, au lieu de perdre leur précieux temps à vitupérer le « messager », je les invite et les encourage vivement à démonter ce point de vue, le mien, arguments contre arguments. Cela participe de ce que l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr appelle le « langage démocratique » dont les signes sont, entre autres, « une attention prêtée à la notion du débat, une vitalité du parlementarisme, une constante vigilance éthique ». Un « langage démocratique » dont le vote ne serait selon lui qu’une « expression » , un « moyen » parmi tant d’autres.
Or, malgré notre prétention à nous considérer comme d’authentiques démocrates (antienne que certains répètent à chaque fois que l’occasion s’offre à eux), ce « langage démocratique », avec ces exigences (les joutes oratoires sans complaisance en font partie), me semble encore, visiblement, faire défaut dans notre pays. Parce que nos élites politiques, universitaires, économiques ne l’encouragent pas (par manque de volonté ou simplement par paraisse intellectuelle?). Et ce ne sont pas les dirigeants, frileux à l’idée même d’une conscience politique des masses, qui auront le courage de le promouvoir.
Puisque le débat sur l’organisation ou non des élections en 2015 est sensible et qu’il figure en tête de liste des problématiques que je pourrais qualifier, empruntant l’expression à mon ami et frère le président du PATRIE, Maître Crépin Mboli Goumba, de « nécessité nationale », nous sommes tenus, par devoir de responsabilité, de l’évoquer sous toutes les coutures.
D’ailleurs, pour peu que je sache, les plus hautes autorités de la Transition, Madame le Chef de l’État de la Transition en tête, travaillent inlassablement, avec les moyens qui sont les leurs (c’est-à-dire avec pratiquement rien) à la mise en oeuvre de la feuille de route de la Transition décidée (imposée?) par la communauté internationale dont le point culminant est l’organisation des élections exemplaires et saluées afin de doter notre pays des institutions ayant l’onction du suffrage universel.
Des élections à pas forcé ?
Ainsi, les Chefs d’État et de Gouvernement de la CEEAC (Communauté économique des États d’Afrique centrale) ont-ils donc, après un brillant plaidoyer de Madame Catherine Samba-Panza, prorogé la Transition en cours jusqu’en décembre 2015. Et ce, il faut le relever pour le saluer, en dépit de l’absence de saisine formelle (au mépris de la Charte Constitutionnelle de Transition?) de la Conférence des Chefs d’État de la CEEAC par les autorités de la Transition.
On polémiquera longtemps sur le bien-fondé de la tenue des élections dans le nouveau délai imparti à la Transition en cours ou de leur renvoi sine die. Il existe plusieurs écoles sur la question et c’est précisément cela qui m’intéresse, indépendamment du reste.
Il y a ceux qui estiment, à juste titre, qu’une Transition, fût-elle consensuelle et apaisée, n’a pas vocation à s’éterniser et qu’il faille bon an mal an, en compressant les délais si l’on veut, en bâclant certaines opérations électorales si l’on préfère, organiser ces scrutins en temps et en heures afin d’installer un régime démocratique qui sera en fait un régime transitoire, avant la normalisation définitive de la situation. D’autant que l’État, grâce aux efforts du Premier ministre Mahamat Kamoun, finance déjà sur fonds propres, les travaux de réhabilitation des bâtiments administratifs en province pour faciliter la restauration de l’autorité de l’État à travers le redéploiement de l’Administration.
Il y a, une seconde école qui considère que, tant que l’État n’aura pas repris le contrôle de l’ensemble de son territoire souverain, ce serait illusoire voire carrément utopique de parler des élections. Que le désarmement/démobilisation des groupes armés serait un préalable non négociable avant la tenue de toute élection.
Il y a, ceux peu nombreux, il faut le reconnaitre, forcément en mal de pouvoir qui, sans même se raser, rêvent d’en découdre avec l’actuelle Transition afin d’installer une troisième transition aux contours artistiquement inquiétants qui serait plus légitime, clament-ils, et qui aura la charge d’organiser les futures élections.
Or, rien n’est plus désespérant que l’incertitude. C’est pourquoi, j’estime pour ma part, et très modestement, que si nous ne voulons pas avoir la sensation que le monde qui s’effondre à nos pieds finira par engloutir nos rêves de bien-être et de développement, nous devons organiser les scrutins référendaires, législatifs et présidentielle avant le début de l’année prochaine. Et ce, pour des contingences d’ordre géopolitique et géostratégique.
Car, il se trouve que 2016 sera une année charnière pour certains pays de la sous-région. Nombreuses, seraient les situations où les régimes en place seront amener à remettre en jeu leur mandat, avec ce que cela comporte de risque d’embrasement et d’instabilité :
Je pense notamment aux deux Congo qui devront organiser des présidentielles à très haut risque.
Je m’inquiète de la résurgence des contradictions armées au Tchad qui devra également organiser une élection présidentielle en 2016.
Je crains la réaction, forcément imprévisible, des Camerounais à la fin du consensus national autour de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram. Ce posera alors probablement, peut-être même avec violence, la question de la succession du président Paul Biya qui aura 85 ans d’ici-là.
Tous ces ingrédients, plus ou moins détonnants, sont de nature à nous encourager à stabiliser la situation dans notre pays le plus tôt, afin d’éviter le risque réel de nous retrouver, en 2016, entre nous, à nous massacrer à nouveau dans une indifférence royale de la communauté internationale qui nous aura abandonné à notre triste sort d’emmerdeurs devant l’éternel pour s’occuper d’autres pays.
D’ailleurs, cela devient proprement pressant lorsque l’on sait que c’est grâce au leadership de la CÉMAC d’abord, ensuite de la CEEAC et en plus de l’Union africaine que la communauté internationale s’intéresse un temps soit peu à la tragédie que vit le peuple centrafricain depuis deux années.
On me rétorquera - et on aura raison en partie - que les élections ne dépendent pas exclusivement de nous (comprendre des autorités centrafricaines); que son budget reste à boucler parce qu’un gap de 49% manque; que pour des raisons de logistique il serait impossible de tenir le délai de décembre etc. Certes. Mais je répondrai ceci à tout cela : il existe ou doit exister, au sein du génie centrafricain, assez de ressources et de bon sens pour savoir que la non tenue des élections d’ici décembre 2015 fournirait le prétexte inespéré à ceux qui, tapis dans l’ombre, attendent l’occasion de mettre le pays à nouveau à feu et à sang. On devrait plutôt éviter d’en arriver là.
Comme pour le Forum National de Bangui, un consensus national devait être trouvé autour de la question des élections. À preuve, alors que personne ne pouvait parier un kopeck sur l’organisation à bonne date du Forum et sa réussite, le Gouvernement a pris ses responsabilités et à financer ce rendez-vous historique sur les maigres deniers de l’État. Cela va sans dire que l’argutie sur le manque de ressources financières qui empêcherait la tenue de ces élections ne résiste pas à l’analyse. Si nous voulons de ces élections nous les aurions, simplement. Toutes les énergies et les bonnes volontés qui pourraient être mobilisées ne seraient pas superflues.
C’est en cela que la question de l'efficacité des forces internationales déployées chez nous m’interpèle à un haut point. Je voudrais ici exhorter les représentants de la communauté internationale à Bangui à changer radicalement de paradigme et d’approche face à ceux qui menacent gravement la paix sociale et la cohésion nationale en République Centrafricaine. Je crois, de nombreux Centrafricains avec moi, qu’elles ont tort (ces forces internationales) à ne pas procéder au désarmement forcé, c’est-à-dire, à la neutralisation des fauteurs de troubles. Au regard des agissements de ces mystiques sanguinaires et grands criminels contre l’humanité qui, sous des prétextes aussi loufoques que peu crédibles, prennent le peuple en otage, l’urgence est de muscler davantage la réponse militaire. Il ne s’agit pas, pour moi, de stigmatiser un groupe quel qu’il soit. Il s’agit pour moi de défendre une certaine idée de la Centrafrique. Car être Centrafricain, c’est défendre certaines valeurs d’humanisme et de solidarité.
Adrien Poussou
Inutile de forcer l’évidence en précisant que le sujet évoqué ici est sensible. D’autant plus polémique que nos détracteurs dont la mauvaise foi et la vilenie ne sont plus à démontrer n’hésiteront pas, préoccupés qu’ils sont par leur dessein funeste, de se servir de cette tribune pour crier au scandale. Seulement, au lieu de perdre leur précieux temps à vitupérer le « messager », je les invite et les encourage vivement à démonter ce point de vue, le mien, arguments contre arguments. Cela participe de ce que l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr appelle le « langage démocratique » dont les signes sont, entre autres, « une attention prêtée à la notion du débat, une vitalité du parlementarisme, une constante vigilance éthique ». Un « langage démocratique » dont le vote ne serait selon lui qu’une « expression » , un « moyen » parmi tant d’autres.
Or, malgré notre prétention à nous considérer comme d’authentiques démocrates (antienne que certains répètent à chaque fois que l’occasion s’offre à eux), ce « langage démocratique », avec ces exigences (les joutes oratoires sans complaisance en font partie), me semble encore, visiblement, faire défaut dans notre pays. Parce que nos élites politiques, universitaires, économiques ne l’encouragent pas (par manque de volonté ou simplement par paraisse intellectuelle?). Et ce ne sont pas les dirigeants, frileux à l’idée même d’une conscience politique des masses, qui auront le courage de le promouvoir.
Puisque le débat sur l’organisation ou non des élections en 2015 est sensible et qu’il figure en tête de liste des problématiques que je pourrais qualifier, empruntant l’expression à mon ami et frère le président du PATRIE, Maître Crépin Mboli Goumba, de « nécessité nationale », nous sommes tenus, par devoir de responsabilité, de l’évoquer sous toutes les coutures.
D’ailleurs, pour peu que je sache, les plus hautes autorités de la Transition, Madame le Chef de l’État de la Transition en tête, travaillent inlassablement, avec les moyens qui sont les leurs (c’est-à-dire avec pratiquement rien) à la mise en oeuvre de la feuille de route de la Transition décidée (imposée?) par la communauté internationale dont le point culminant est l’organisation des élections exemplaires et saluées afin de doter notre pays des institutions ayant l’onction du suffrage universel.
Des élections à pas forcé ?
Ainsi, les Chefs d’État et de Gouvernement de la CEEAC (Communauté économique des États d’Afrique centrale) ont-ils donc, après un brillant plaidoyer de Madame Catherine Samba-Panza, prorogé la Transition en cours jusqu’en décembre 2015. Et ce, il faut le relever pour le saluer, en dépit de l’absence de saisine formelle (au mépris de la Charte Constitutionnelle de Transition?) de la Conférence des Chefs d’État de la CEEAC par les autorités de la Transition.
On polémiquera longtemps sur le bien-fondé de la tenue des élections dans le nouveau délai imparti à la Transition en cours ou de leur renvoi sine die. Il existe plusieurs écoles sur la question et c’est précisément cela qui m’intéresse, indépendamment du reste.
Il y a ceux qui estiment, à juste titre, qu’une Transition, fût-elle consensuelle et apaisée, n’a pas vocation à s’éterniser et qu’il faille bon an mal an, en compressant les délais si l’on veut, en bâclant certaines opérations électorales si l’on préfère, organiser ces scrutins en temps et en heures afin d’installer un régime démocratique qui sera en fait un régime transitoire, avant la normalisation définitive de la situation. D’autant que l’État, grâce aux efforts du Premier ministre Mahamat Kamoun, finance déjà sur fonds propres, les travaux de réhabilitation des bâtiments administratifs en province pour faciliter la restauration de l’autorité de l’État à travers le redéploiement de l’Administration.
Il y a, une seconde école qui considère que, tant que l’État n’aura pas repris le contrôle de l’ensemble de son territoire souverain, ce serait illusoire voire carrément utopique de parler des élections. Que le désarmement/démobilisation des groupes armés serait un préalable non négociable avant la tenue de toute élection.
Il y a, ceux peu nombreux, il faut le reconnaitre, forcément en mal de pouvoir qui, sans même se raser, rêvent d’en découdre avec l’actuelle Transition afin d’installer une troisième transition aux contours artistiquement inquiétants qui serait plus légitime, clament-ils, et qui aura la charge d’organiser les futures élections.
Or, rien n’est plus désespérant que l’incertitude. C’est pourquoi, j’estime pour ma part, et très modestement, que si nous ne voulons pas avoir la sensation que le monde qui s’effondre à nos pieds finira par engloutir nos rêves de bien-être et de développement, nous devons organiser les scrutins référendaires, législatifs et présidentielle avant le début de l’année prochaine. Et ce, pour des contingences d’ordre géopolitique et géostratégique.
Car, il se trouve que 2016 sera une année charnière pour certains pays de la sous-région. Nombreuses, seraient les situations où les régimes en place seront amener à remettre en jeu leur mandat, avec ce que cela comporte de risque d’embrasement et d’instabilité :
Je pense notamment aux deux Congo qui devront organiser des présidentielles à très haut risque.
Je m’inquiète de la résurgence des contradictions armées au Tchad qui devra également organiser une élection présidentielle en 2016.
Je crains la réaction, forcément imprévisible, des Camerounais à la fin du consensus national autour de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram. Ce posera alors probablement, peut-être même avec violence, la question de la succession du président Paul Biya qui aura 85 ans d’ici-là.
Tous ces ingrédients, plus ou moins détonnants, sont de nature à nous encourager à stabiliser la situation dans notre pays le plus tôt, afin d’éviter le risque réel de nous retrouver, en 2016, entre nous, à nous massacrer à nouveau dans une indifférence royale de la communauté internationale qui nous aura abandonné à notre triste sort d’emmerdeurs devant l’éternel pour s’occuper d’autres pays.
D’ailleurs, cela devient proprement pressant lorsque l’on sait que c’est grâce au leadership de la CÉMAC d’abord, ensuite de la CEEAC et en plus de l’Union africaine que la communauté internationale s’intéresse un temps soit peu à la tragédie que vit le peuple centrafricain depuis deux années.
On me rétorquera - et on aura raison en partie - que les élections ne dépendent pas exclusivement de nous (comprendre des autorités centrafricaines); que son budget reste à boucler parce qu’un gap de 49% manque; que pour des raisons de logistique il serait impossible de tenir le délai de décembre etc. Certes. Mais je répondrai ceci à tout cela : il existe ou doit exister, au sein du génie centrafricain, assez de ressources et de bon sens pour savoir que la non tenue des élections d’ici décembre 2015 fournirait le prétexte inespéré à ceux qui, tapis dans l’ombre, attendent l’occasion de mettre le pays à nouveau à feu et à sang. On devrait plutôt éviter d’en arriver là.
Comme pour le Forum National de Bangui, un consensus national devait être trouvé autour de la question des élections. À preuve, alors que personne ne pouvait parier un kopeck sur l’organisation à bonne date du Forum et sa réussite, le Gouvernement a pris ses responsabilités et à financer ce rendez-vous historique sur les maigres deniers de l’État. Cela va sans dire que l’argutie sur le manque de ressources financières qui empêcherait la tenue de ces élections ne résiste pas à l’analyse. Si nous voulons de ces élections nous les aurions, simplement. Toutes les énergies et les bonnes volontés qui pourraient être mobilisées ne seraient pas superflues.
C’est en cela que la question de l'efficacité des forces internationales déployées chez nous m’interpèle à un haut point. Je voudrais ici exhorter les représentants de la communauté internationale à Bangui à changer radicalement de paradigme et d’approche face à ceux qui menacent gravement la paix sociale et la cohésion nationale en République Centrafricaine. Je crois, de nombreux Centrafricains avec moi, qu’elles ont tort (ces forces internationales) à ne pas procéder au désarmement forcé, c’est-à-dire, à la neutralisation des fauteurs de troubles. Au regard des agissements de ces mystiques sanguinaires et grands criminels contre l’humanité qui, sous des prétextes aussi loufoques que peu crédibles, prennent le peuple en otage, l’urgence est de muscler davantage la réponse militaire. Il ne s’agit pas, pour moi, de stigmatiser un groupe quel qu’il soit. Il s’agit pour moi de défendre une certaine idée de la Centrafrique. Car être Centrafricain, c’est défendre certaines valeurs d’humanisme et de solidarité.
Adrien Poussou