C’est parce que l’Oubangui Chari était crédible, admiré et aimé, que l’un des pères de l’indépendance du Congo, le Vice-Président Jacques Opangault, leader du Mouvement socialiste africain, après les élections gagnées par l’Abbé Fulbert Youlou, avait demandé le rattachement du nord du Congo Brazzaville à la République centrafricaine. Pendant ce temps, Barthélémy Boganda peinait à rallier les autres leaders de l’Afrique centrale à la sublime idée de la création des Etats unis d’Afrique latine. Ces deux idées n’ont pas prospéré. Le nord du Congo n’a jamais été rattaché à l’Oubangui Chari et Boganda n’a jamais réussi le projet de la République centrafricaine rassemblant tous les Etats de l’Afrique Equatoriale Française.
Par inculture ou par inhibition intellectuelle ? Peu importe, le constat est le même : Nombre de centrafricains semblent à jamais oublier les bonnes paroles de Barthélémy Boganda : « Parlons peu mais travaillons beaucoup. Travaillons pour bâtir la République centrafricaine ». Cette parole pour autant qu’elle soit pleine de bon sens est aujourd’hui devenue un vœu pieux tant un grand nombre de centrafricains aiment non seulement bavasser mais surtout déconstruire systématiquement leur propre pays.
La République centrafricaine serait-elle devenue une marre de batraciens ?
Les sciences de la vie et de la terre (la biologie) nous apprennent que les batraciens coassent nuit et jour pendant la saison de l’amour. Les mâles, rivalisant de prouesses vocales, coassent très fort dans le but d’intimider les rivaux et d’attirer les femelles. Poétiques au début, ces coassements deviennent très vite des vacarmes d’autant plus intempestifs qu’ils empêchent les hommes de dormir tranquillement. Enfants, nous lancions des cailloux dans les marres pour faire taire ces batraciens. Peine perdue. Après seulement quelques secondes de silence, les coassements des amphibiens reprennent de plus belle.
Dans un article paru en 2011 dans L’AGORA, je faisais remarquer : « Des compatriotes sincères appellent au dialogue entre les acteurs politiques. Cet appel est pertinemment relayé par des partenaires au développement qui font le pari de la paix en République Centrafricaine. Mais entre nous, soit dit : La République centrafricaine, est certainement le pays d’Afrique où on l’on a le plus dialogué ces trente dernières années : Séminaire national en 1980, Grand Débat National en 1992, Protocole d’accord politique en 1996, Comité de concertation et de dialogue en 1997, Conférence de réconciliation nationale en 1998, Dialogue national en 2003, Accord global de paix en juin 2008, Dialogue politique inclusif en décembre 2008. Sans oublier les nombreux états généraux et autres séminaires qui sont supposés apporter de solutions concrètes aux problématiques des secteurs vitaux nationaux.
Tous ces fora n’ont malheureusement pas abouti aux résultats escomptés parce que la méfiance reste encore le sentiment le plus partagé en Centrafrique ». Depuis la parution de cet article, il y a eu entre-temps les accords de Libreville et la déclaration de Ndjamena.
Qui ne se souvient encore des accolades historiques entre le Président David Dacko et le Pr Abel Goumba ? Qui ne se souvient de cette effusion mémorable entre le Président André Kolingba et le Président Ange Félix Patassé ? Qui ne se souvient de chaleureuses poignées de mains entre le Président Bozizé et le Président Patassé ? Qui ne souvient encore de cette cérémonie de lavage des pieds organisée sur le perron du Palais de l’Assemblée nationale par le Pasteur Dr Isaac Zokoé ?
Nous pouvons toujours organiser une, deux ou trois conférences nationales par année et même plus, cela resterait œuvre stérile tant qu’on n’aura pas fait la catharsis collective pour sublimer les tares centrafricaines caractérisées par l’intransigeance, l’intolérance, la haine, le mépris de l’adversaire politique et le manque du sens de compromis.
La conférence nationale n’est pas la panacée
Dans la foulée de la chute du mur de Berlin, la conférence nationale souveraine s’est imposée, dans les années 1990, comme une messe incontournable dans les pays d’Afrique noire francophone. Elle a bousculé les dictatures de tout acabit. Tantôt défouloir ou exutoire, tantôt lieu des règlements de comptes, tantôt point de départ de nouvelles aventures démocratiques, elle a souvent suscité beaucoup d’espoirs et parfois impulsé une dynamique nouvelle.
Maître Robert Dossou, grand défenseur des droits de l’homme devant l’Eternel, sera reconnu par la postérité comme l’inventeur de cet espace de liberté et de démocratie appelé Conférence nationale souveraine. Il l’avait fait dans l’objectif de décrisper une situation politique bloquée par la faillite de l’Etat et l’antagonisme crispé de l’opposition et du pouvoir dans son Bénin natal. Elle a porté des fruits dont le Bénin savoure encore les délices aujourd’hui. Comme une tâche d’huile, elle s’est répandue partout en Afrique francophone : Benin, Congo, Gabon, Niger, Mali, Tchad, Togo, Zaïre.
La vérité ne doit pas être mise sous le boisseau : la Conférence nationale souveraine n’est pas la panacée universelle. Force est d’admettre que les résultats auxquels elle a abouti sont loin d’être identiques et positifs dans tous les pays où elle a été initiée. Si au Benin, ce fut une réussite éclatante, au Togo à côté ce fut un échec cuisant. Par ailleurs, on a de la peine à retrouver les traces de ce qu’il en reste au Tchad, le même Président Idriss Déby est toujours là, plus fort que jamais. Le Cameroun à côté s’y est obstinément refusé, il ne s’en porte pas si mal. Au Congo Brazzaville la conférence nationale souveraine a débouché sur l’élection du Président Pascal Lissouba. Cela n’a pas empêché, quatre années plus tard, que la guerre civile n’éclate entre les Ninjas, les Cobras et les Cocoyes avec pour conséquence l’éviction
du Président Pascal Lissouba et le retour triomphal au pouvoir du Président Denis Sassou Nguésso. Il y est resté jusqu’au jour d’hui. On retrouve le même scénario au Zaïre avec une guerre civile qui éclate quatre années, jour pour jour, après la conférence nationale souveraine qui a débouché sur la chute du Maréchal Mobutu et l’accession au pouvoir de Joseph Désiré Kabila qui, lui-même, est assassiné deux années plus tard. Et le mali ? Et le Niger ? Et le Gabon ? Il est difficile de dire que la démocratie y ait fait un grand bond en avant.
La conférence nationale suit toujours le même schéma: un parti unique au pouvoir qui verrouille tout. L’opposition et la société civile contestent ce pouvoir et demandent l’ouverture du régime. Un dialogue est instauré par la CNS. Le Président de la République est dépouillé de tous les pouvoirs. On nomme un nouveau gouvernement regroupant majorité, opposition et société civile qui prépare les élections. Une nouvelle majorité arrive au pouvoir. C’est un véritable coup d’état civil.
Une conférence nationale est inopportune aujourd’hui en République centrafricaine parce que la transition est en marche : le gouvernement d’union nationale de transition est à pied d’œuvre, le conseil national de transition est opérationnel, la cour constitutionnelle de transition est mise en place, la charte de transition et la feuille de route sont adoptées, le code électoral est ficelé, le programme d’urgence du GUNT est adopté et son coût global vient d’être validé par consensus, le code électoral est voté, les dates des élections présidentielle et législatives, sont connues. Au cas où certains l’ignoraient, le compte à rebours a déjà commencé.
La conférence nationale est doublement inopportune dans la mesure où la classe politique est déjà de façon étrangement prématurée en précampagne. Certaines candidatures à la prochaine élection présidentielle sont officialisées de façon tonitruante. Cette nouvelle tribune ne serait-elle pas l’occasion rêvée de dénigrements, d’injures et de la mauvaise foi dont certains en sont coutumiers ?
Les tenants de la Conférence nationale visent peu ou prou les deux objectifs suivants même s’ils ne le disent pas : Amener les anti-balaka à déposer les armes en réintroduisant le Général Bozizé dans le jeu politique par une loi d’amnistie qui s’étendrait à tous dirigeants de la Séléka. Ensuite, organiser une troisième mi-temps pour permettre aux recalés de Libreville et de Ndjamena qui tambourinent à la porte de la primature, de rentrer au gouvernement. Ces points peuvent bien sûr être débattus par le CNT tout en faisant l’économie de la fameuse conférence nationale.
Mises à part ces objections de bon sens, le dialogue politique inclusif est de loin préférable à toute la violence d’enfer que la Séléka inflige au peuple centrafricain chaque jour que Dieu fait depuis le 23 décembre 2012. Mais il faut que ce soit un vrai dialogue au lieu de plusieurs monologues qui se télescopent au gré des égoïsmes des uns et des autres car comme dit le proverbe : « Les coassements des grenouilles n’empêchent pas l’éléphant de boire ».
Que Dieu bénisse la République centrafricaine !
Par inculture ou par inhibition intellectuelle ? Peu importe, le constat est le même : Nombre de centrafricains semblent à jamais oublier les bonnes paroles de Barthélémy Boganda : « Parlons peu mais travaillons beaucoup. Travaillons pour bâtir la République centrafricaine ». Cette parole pour autant qu’elle soit pleine de bon sens est aujourd’hui devenue un vœu pieux tant un grand nombre de centrafricains aiment non seulement bavasser mais surtout déconstruire systématiquement leur propre pays.
La République centrafricaine serait-elle devenue une marre de batraciens ?
Les sciences de la vie et de la terre (la biologie) nous apprennent que les batraciens coassent nuit et jour pendant la saison de l’amour. Les mâles, rivalisant de prouesses vocales, coassent très fort dans le but d’intimider les rivaux et d’attirer les femelles. Poétiques au début, ces coassements deviennent très vite des vacarmes d’autant plus intempestifs qu’ils empêchent les hommes de dormir tranquillement. Enfants, nous lancions des cailloux dans les marres pour faire taire ces batraciens. Peine perdue. Après seulement quelques secondes de silence, les coassements des amphibiens reprennent de plus belle.
Dans un article paru en 2011 dans L’AGORA, je faisais remarquer : « Des compatriotes sincères appellent au dialogue entre les acteurs politiques. Cet appel est pertinemment relayé par des partenaires au développement qui font le pari de la paix en République Centrafricaine. Mais entre nous, soit dit : La République centrafricaine, est certainement le pays d’Afrique où on l’on a le plus dialogué ces trente dernières années : Séminaire national en 1980, Grand Débat National en 1992, Protocole d’accord politique en 1996, Comité de concertation et de dialogue en 1997, Conférence de réconciliation nationale en 1998, Dialogue national en 2003, Accord global de paix en juin 2008, Dialogue politique inclusif en décembre 2008. Sans oublier les nombreux états généraux et autres séminaires qui sont supposés apporter de solutions concrètes aux problématiques des secteurs vitaux nationaux.
Tous ces fora n’ont malheureusement pas abouti aux résultats escomptés parce que la méfiance reste encore le sentiment le plus partagé en Centrafrique ». Depuis la parution de cet article, il y a eu entre-temps les accords de Libreville et la déclaration de Ndjamena.
Qui ne se souvient encore des accolades historiques entre le Président David Dacko et le Pr Abel Goumba ? Qui ne se souvient de cette effusion mémorable entre le Président André Kolingba et le Président Ange Félix Patassé ? Qui ne se souvient de chaleureuses poignées de mains entre le Président Bozizé et le Président Patassé ? Qui ne souvient encore de cette cérémonie de lavage des pieds organisée sur le perron du Palais de l’Assemblée nationale par le Pasteur Dr Isaac Zokoé ?
Nous pouvons toujours organiser une, deux ou trois conférences nationales par année et même plus, cela resterait œuvre stérile tant qu’on n’aura pas fait la catharsis collective pour sublimer les tares centrafricaines caractérisées par l’intransigeance, l’intolérance, la haine, le mépris de l’adversaire politique et le manque du sens de compromis.
La conférence nationale n’est pas la panacée
Dans la foulée de la chute du mur de Berlin, la conférence nationale souveraine s’est imposée, dans les années 1990, comme une messe incontournable dans les pays d’Afrique noire francophone. Elle a bousculé les dictatures de tout acabit. Tantôt défouloir ou exutoire, tantôt lieu des règlements de comptes, tantôt point de départ de nouvelles aventures démocratiques, elle a souvent suscité beaucoup d’espoirs et parfois impulsé une dynamique nouvelle.
Maître Robert Dossou, grand défenseur des droits de l’homme devant l’Eternel, sera reconnu par la postérité comme l’inventeur de cet espace de liberté et de démocratie appelé Conférence nationale souveraine. Il l’avait fait dans l’objectif de décrisper une situation politique bloquée par la faillite de l’Etat et l’antagonisme crispé de l’opposition et du pouvoir dans son Bénin natal. Elle a porté des fruits dont le Bénin savoure encore les délices aujourd’hui. Comme une tâche d’huile, elle s’est répandue partout en Afrique francophone : Benin, Congo, Gabon, Niger, Mali, Tchad, Togo, Zaïre.
La vérité ne doit pas être mise sous le boisseau : la Conférence nationale souveraine n’est pas la panacée universelle. Force est d’admettre que les résultats auxquels elle a abouti sont loin d’être identiques et positifs dans tous les pays où elle a été initiée. Si au Benin, ce fut une réussite éclatante, au Togo à côté ce fut un échec cuisant. Par ailleurs, on a de la peine à retrouver les traces de ce qu’il en reste au Tchad, le même Président Idriss Déby est toujours là, plus fort que jamais. Le Cameroun à côté s’y est obstinément refusé, il ne s’en porte pas si mal. Au Congo Brazzaville la conférence nationale souveraine a débouché sur l’élection du Président Pascal Lissouba. Cela n’a pas empêché, quatre années plus tard, que la guerre civile n’éclate entre les Ninjas, les Cobras et les Cocoyes avec pour conséquence l’éviction
du Président Pascal Lissouba et le retour triomphal au pouvoir du Président Denis Sassou Nguésso. Il y est resté jusqu’au jour d’hui. On retrouve le même scénario au Zaïre avec une guerre civile qui éclate quatre années, jour pour jour, après la conférence nationale souveraine qui a débouché sur la chute du Maréchal Mobutu et l’accession au pouvoir de Joseph Désiré Kabila qui, lui-même, est assassiné deux années plus tard. Et le mali ? Et le Niger ? Et le Gabon ? Il est difficile de dire que la démocratie y ait fait un grand bond en avant.
La conférence nationale suit toujours le même schéma: un parti unique au pouvoir qui verrouille tout. L’opposition et la société civile contestent ce pouvoir et demandent l’ouverture du régime. Un dialogue est instauré par la CNS. Le Président de la République est dépouillé de tous les pouvoirs. On nomme un nouveau gouvernement regroupant majorité, opposition et société civile qui prépare les élections. Une nouvelle majorité arrive au pouvoir. C’est un véritable coup d’état civil.
Une conférence nationale est inopportune aujourd’hui en République centrafricaine parce que la transition est en marche : le gouvernement d’union nationale de transition est à pied d’œuvre, le conseil national de transition est opérationnel, la cour constitutionnelle de transition est mise en place, la charte de transition et la feuille de route sont adoptées, le code électoral est ficelé, le programme d’urgence du GUNT est adopté et son coût global vient d’être validé par consensus, le code électoral est voté, les dates des élections présidentielle et législatives, sont connues. Au cas où certains l’ignoraient, le compte à rebours a déjà commencé.
La conférence nationale est doublement inopportune dans la mesure où la classe politique est déjà de façon étrangement prématurée en précampagne. Certaines candidatures à la prochaine élection présidentielle sont officialisées de façon tonitruante. Cette nouvelle tribune ne serait-elle pas l’occasion rêvée de dénigrements, d’injures et de la mauvaise foi dont certains en sont coutumiers ?
Les tenants de la Conférence nationale visent peu ou prou les deux objectifs suivants même s’ils ne le disent pas : Amener les anti-balaka à déposer les armes en réintroduisant le Général Bozizé dans le jeu politique par une loi d’amnistie qui s’étendrait à tous dirigeants de la Séléka. Ensuite, organiser une troisième mi-temps pour permettre aux recalés de Libreville et de Ndjamena qui tambourinent à la porte de la primature, de rentrer au gouvernement. Ces points peuvent bien sûr être débattus par le CNT tout en faisant l’économie de la fameuse conférence nationale.
Mises à part ces objections de bon sens, le dialogue politique inclusif est de loin préférable à toute la violence d’enfer que la Séléka inflige au peuple centrafricain chaque jour que Dieu fait depuis le 23 décembre 2012. Mais il faut que ce soit un vrai dialogue au lieu de plusieurs monologues qui se télescopent au gré des égoïsmes des uns et des autres car comme dit le proverbe : « Les coassements des grenouilles n’empêchent pas l’éléphant de boire ».
Que Dieu bénisse la République centrafricaine !
Alain LAMESSI