Samba Panza vient de passer la semaine la plus agitée de sa Transition, une
semaine horrible, funeste qui a vu les combats, les pillages et les incendies se rapprocher dangereusement de son domicile sanctuarisé par la MINUSCA.
Il n'est pas impossible que les cendres des habitations incendiées aient atterri
sur sa toiture, histoire de lui rappeler que les forces apocalyptiques qui ravagent
son pays depuis bientôt deux ans ne sont pas des enfants de chœur.
Cette énième flambée de violence qui a vu les Antibalaka s'attaquer à la population qu'ils étaient censés protéger apporte la preuve que tous les remèdes appliqués au cancer centrafricain ne sont que des palliatifs. Qui ont laissé le mal proliférer dans tous les tissus et tenter maintenant de gagner les organes vitaux de la République.
Défendre ses compatriotes était de loin la première mission de Samba Panza. Or depuis deux semaines, tous les maux, toutes les rancoeurs et toutes les frustrations du pays se sont cristallisés sur sa personne. L'affaire du don angolais a provoqué des haussements d'épaules, des ricanements mais aussi des interrogations, des critiques et des condamnations dont la présidente a beaucoup de mal à se dépêtrer.
Elle a beau se démener, de Luanda à New York et à Washington, elle a beau se prévaloir de l'affection de son peuple et promettre de révéler les noms de tous ceux qui ont profité du milliard angolais, le divorce, à moins d'un retournement spectaculaire, semble irrévocable. Entre la mère de la Nation et une Nation qui part en lambeaux. Préoccupée par la dégradation de son image, la présidente se défend et est défendue par le Premier ministre et par tout le gouvernement.
Mahamat Kamoun, le nouveau général en chef, croule sous les critiques. On lui reproche entre autres son inexpérience, sa liaison avec la Séléka. Mais il peut compter sur des amazones aguerries venues de Paris.
Sa première confrontation avec le CNT a tourné à l'avantage de ce dernier, qui a dégainé son arme secrète : une commission d'enquête.
Cette tragi-comédie, qui pourrait encore durer et même se transformer en feuilleton d'un goût douteux, a complètement éclipsé tous les autres problèmes du pays. Comment arrêter sa représentation ? Par la simple vérité.
La meilleure défense pour Samba Panza consisterait à développer et à compléter le tableau récapitulatif de Mabingui par des chiffres et des factures détaillées. C'est peut-être ce à quoi elle pensait quand elle a promis de publier la liste de ceux qui ont bénéficié du milliard angolais. En attendant, tous ceux qui se sont improvisé avocat pour la défendre feraient mieux de se taire. Car leur principal argument qui consiste à exhumer des détournements du passé pour allumer des contre-feux, argument que j'ai entendu naguère dans la bouche d'un compatriote parisien, cet argument donc, loin d'apporter de l'eau au moulin de Samba Panza, ne fait que confirmer l'existence d'une culture de détournements dans le pays.
SUR LA CORDE RAIDE
Je rappelle que tout accusé est présumé innocent. Et nos amazones venues de France le savent. Mais alors pourquoi cette stratégie de défense tous azimuts ? Pourquoi avoir rameuté la rue pour manifester devant le CNT au moment de l'audition du Premier ministre ? Chacun sait que Jeune Afrique, l'hebdomadaire qui a révélé l'affaire du don angolais, peut être poursuivi et condamné en cas de diffamation avérée. Pourquoi ne lui a-t-on pas intenté un procès ? Pourquoi avoir mobilisé contre le seul CNT les vocalises de la rue ?
Samba Panza n'est pas le premier chef d'Etat centrafricain accusé de détournement de deniers publics. Mais elle est la première à en parler publiquement, elle est la première à briser l'omerta présidentielle qui a longtemps couvert ce genre de pratique. En soi, c'est déjà un début d'élégance.
Il y a de cela quelques décennies, l'hebdomadaire Jeune Afrique, encore lui, avait révélé un autre détournement de subside sans susciter de la part du président centrafricain de l'époque le moindre démenti. Il faut préciser qu'il avait été pris la main dans le sac. C'était sous Mitterrand, Bérégovoy étant grand argentier. Les dirigeants centrafricains, qui n'ont jamais su gérer la misère, s'étaient retrouvés une fois de plus désargentés. Or il leur fallait payer les fonctionnaires. Ils envoient une délégation crier famine au ministère français des Finances. Monsieur Bérégovoy accepte de payer un mois de salaires aux fonctionnaires et demande à son homologue centrafricain de << mettre de l'ordre dans ses Finances >>. Les fonds sont remis à nos autorités qui s'empressent de les diviser par deux ( charité bien ordonnée commence par soi-même) et de déposer toute une moitié sur leurs comptes en France. Les Français, qui connaissaient probablement leur passion du lucre et qui avaient pris soin de relever les numéros des billets, ont été tout surpris de les retrouver dans les banques hexagonales.
Samba Panza n'est pas la seule présidente africaine accusée de détournement de fonds publics. Ellen Johnson Sirleaf, son homologue libérienne est, elle aussi, sur la corde raide. Son peuple l'accuse d'avoir détourné des milliards envoyés au pays pour l'aider à combattre Ebola. Pour un Prix Nobel de la Paix, c'est un comble ! Mais cette accusation n'a pas fait long feu contrairement à celle portée contre CSP. Pourquoi donc s'acharner contre celle-ci et épargner celle-là ? Les médias seraient-ils partiaux ? La réponse est non. Tous les articles qui évoquent l'accusation portée contre EJS ajoutent immédiatement qu'elle est sans fondement, que les Occidentaux ont effectivement beaucoup promis mais qu'ils ont peu donné. La preuve : Obama continue d'exhorter les Européens à accroître leurs aides aux pays affectés par Ebola. Les journalistes n'ont pas eu à chercher longtemps pour innocenter le Prix Nobel de la Paix libérien. Je leur fais confiance. Ce sont des censeurs impartiaux, qui savent blâmer le vice et encenser la vertu. Je ne doute pas un seul instant qu'ils changeront de ton avec CSP, le jour où celle-ci aura renseigné leur questionnaire.
GBANDI Anatole