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Sénégal: Des écoles coraniques "modernes" pour en finir avec la mendicité infantile


Alwihda Info | Par AA - 15 Septembre 2015


La mendicité des Talibés a terni l'image des écoles coraniques "classiques" au Sénégal.


Credits Photo:Sources
Credits Photo:Sources

Le Sénégal entreprend, jusqu'en 2018, la construction d'écoles coraniques "modernes" pour éradiquer, une fois pour toutes, le phénomène de la mendicité  infantile, préjudiciable aussi bien pour l'image du pays que pour celle des écoles coraniques classiques dont ces enfants sont issus.

Cet important projet gouvernemental a notamment été permis grâce au financement de la Banque Islamique de Développement (BID). 64 écoles, répartis sur tout le pays arriveront, peu à peu à supplanter les écoles coraniques vétustes, dont les Talibés (élèves de ces écoles) ont pris, depuis de nombreuses années, l'habitude de sillonner les rues en quémandant.

« J’ai amené mon fils dans un Daara [Ecole coranique, en wolof, ndlr] moderne. Je paie chaque mois 30. 000 Fcfa [circa 52 USD, ndlr] et au moins, mon fils n’est pas exposé à la mendicité  » confie à Anadolu Bineta Lô, une femme rencontrée à Dakar.

Estimé à à 20 millions USD, le Projet d’Appui à la Modernisation des Daara au Sénégal (PAMOD) voit, depuis 2014, des promoteurs privés construire et équiper des écoles coraniques modernes où des enfants sont accueillis pour apprendre le Coran sans être exposés à la mendicité.

Ce fléau avait été indexé par de nombreux rapports, associatifs comme étatiques, comme responsable de la dégradation de la situation de pas moins de 30.000 Talibés , selon une étude du gouvernement réalisée en 2014.

Mais la bataille n'est pas gagnée pour autant. Dans un rapport publié en avril 2015 à Dakar, intitulé  « Une décennie d’abus dans les écoles coraniques », l'Organisation non gouvernementale Human Right watch estimait que les autorités sénégalaises ont "failli" à leurs responsabilités dans la poursuite des auteurs et de réglementation des écoles.

« Notre recherche a montré qu’il y a des abus systématiques et des exploitations dans certaines écoles coraniques aussi bien à Dakar qu’à Saint-Louis. Sans compter le manque de soins, les sévices physiques et psychologiques subis et  même des cas de décès enregistrés et non signalés aux autorités étatiques », selon Felicity Thompson, chercheuse à Human Rights Watch.

«La preuve, les enquêtes suivies de poursuites sont rares, les écoles coraniques abusives ont été rarement fermées. Depuis 2014 nous n’avons enregistré que trois maîtres coraniques condamnés », a ajouté Félicity Thommson lors de la présentation du rapport.

Pourtant, une loi interdit, depuis 2005, la mendicité  forcée des enfants. Les Ong ont, depuis, sonné la mobilisation pour pousser le gouvernement à prendre des mesures fermes, et ne pas s'en tenir à des textes non suivis d'application.

C'est que, malgré l’existence de cette loi, et les dénonciations des Ong, des marabouts continuent toujours d’envoyer les enfants de leurs écoles mendier.

Dans les rues de Dakar, le phénomène est très visible.

Mamadou Boireau a 12 ans. Des pièces de monnaies dans sa main droite, il se faufile entre les véhicules sur la Corniche Est de Dakar. Le maillot bleu qu’il porte est noirci par la saleté. Les pieds nus, il s’arrête à l’ombre du petit mur qui sépare les deux voies de la route pour échapper à la chaleur qui commence à s’installer. Mamadou Boireau est sur les lieux depuis 7 heures du matin.

«Nous habitons les Parcelles assainies, un quartier de la banlieue dakaroise. Nous quittons chaque jour notre maison à 6 heures pour chercher l’aumône. Nous rentrons vers 19 heures », a déclaré à Anadolu l’enfant mendiant. 

Mamadou Boireau exerce cette tâche quotidiennement. « Notre marabout nous exige 500 fcfa (1 dollar) par jour », confie-t-il. A côté de lui, cinq autres enfants mendiants cherchent des pièces de monnaie chez les usagers de la route. Aucun de ces enfants ne s’aventure à réciter quelques versets du Coran. « Nous apprenons entre 5 heures du matin et 6 heures. Quand nous rentrons le soir, nous lisons nos cours avant de nous coucher », confie Assane Bâ, un autre jeune enfant mendiant.

Partout dans les rues de Dakar, les enfants mendiants sont visibles. Ils sont pensionnaires d’écoles coraniques créées par des marabouts. Ce sont ces marabouts qui envoient les enfants mendier de l’argent. «  Si nous ne parvenons pas à avoir la somme exigée, nous risquons des sanctions. Nous faisons tout pour rassembler l’argent réclamé par le marabout », explique Assane Bâ, les yeux hagards. «Nous demandons de l’argent, du riz ou tout autre produit qu’une bonne volonté peut nous donner. Nous venons ici tôt le matin », confie de son côté Idrissa Kandé, un enfant originaire de la Guinée.

La majeure partie des enfants mendiants viennent des pays voisins du Sénégal. Ils sont convoyés à Dakar sous prétexte de l’apprentissage du Coran. Une fois dans la capitale sénégalaise, ils sont contraints à lamendicité  au profit de leurs maîtres qui disent que cette somme est destinée à l'entretien des élèves. 

Ceux-ci sont néanmoins exposés à tous les risques. En mars  2013, un incendie a tué 7 enfants mendiants à la Médina, un quartier populaire de Dakar. Le gouvernement avait alors pris des mesures fermes d’interdiction de la mendicité.  Mais la mesure n’a pas été respectée.

En août 2015, un autre enfant pensionnaire d’une école coranique a été tué. D’autres sont souvent victimes d’accidents de la circulation ou d’abus sexuels.




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