(RCN J&D-InfoSud/Syfia/PML) A Baraka, au Sud-Kivu, des jeunes diplômés d’Etat utilisent de faux titres universitaires pour se faire embaucher. Une pratique illégale et dangereuse, en particulier dans le domaine de la santé. Le Code pénal sanctionne le faux en écriture jusqu’à 5 ans de prison ferme. Jusqu’ici, poursuites et condamnations sont rares.
"Avec ce faux diplôme, peut-être aurais-je enfin un emploi ?" Lassé de demander sans succès du travail dans des organisations humanitaires, un jeune de Baraka (Sud-Kivu) a dernièrement décidé de faire faire par des informaticiens locaux un faux titre. L. D, lui, a pendant trois ans été tour à tour mobilisateur, assistant logistique et responsable du charroi automobile d’une organisation locale en utilisant de faux diplômes et de fausses attestations de services rendus. Ces documents certifiaient qu’il était gradué en sciences de la communication, alors qu'il n'a que le diplôme d’Etat du baccalauréat. Il a finalement été démasqué, car il était incapable de fournir un travail de qualité. Aucune poursuite n’a cependant été ouverte contre lui.
A Baraka, nombreuses sont les organisations venues vers 2004 faire de l'assistance humanitaire aux victimes de la guerre dans le territoire de Fizi. Une quinzaine d’ONG y sont encore présentes. Elles demandent désormais aux postulants d’être gradués ou licenciés. Les jeunes bacheliers utilisent donc des documents universitaires frauduleux pour répondre aux offres d’emplois. Sur place, les informaticiens locaux disposent de matériels appropriés pour fabriquer de faux diplômes quasi identiques aux originaux.
Le Code pénal (article 124) punit le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire "d'une servitude pénale de six mois à cinq ans et d'une amende de 25 à 2 000 zaïres (dollars, Ndlr) ou d'une de ces peines seulement." L’article 126 de ce même Code ajoute que : "Celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, aura fait usage de l'acte faux ou de la pièce fausse, sera puni comme s'il était l'auteur du faux."
Rares recours en justice
Devant le peu d'opportunités d'emplois, des jeunes sont prêts à risquer une condamnation. Il y a peu, un diplôme d’Etat suffisait pour être embauché comme gardien ou logisticien. "La majorité des cadres universitaires était partie se réfugier en Tanzanie en 1997 lors de la guerre. Il était alors impérieux d’aider tous les autres jeunes désœuvrés restés au pays", tente de justifier l'administrateur d’une de ces ONG. Mais, depuis 2007, avec la multiplication des humanitaires dans cette zone post-conflit, certains jeunes universitaires d’Uvira, de Bukavu ou de Goma cherchent eux aussi de l’emploi à Baraka. Ils y rencontrent de nombreux chômeurs auxquels se sont ajoutés, depuis 2006, les rapatriés de Tanzanie.
Malgré les nombreuses fraudes, personne ne dépose plainte. "A quoi bon amener en Justice un faussaire ? Dans leur majorité, ce sont des chômeurs qui ne peuvent payer ni des frais de Justice, encore moins les frais d’indemnisation", explique l’administrateur d’une ONG. Responsable adjoint de la police à Fizi, Isaac Mongali n’a jamais traité, en tant qu’OPJ, ce genre de dossier depuis maintenant deux ans : "Les responsables de ces organisations favorisent ainsi l’impunité." Il oublie qu’en tant qu’OPJ et en vertu du Code d’organisation et de compétences judiciaires de 1982 il doit se saisir d’office, sans attendre de plainte, de ces violations de la Loi. Rocambert Fariala, coordonnateur du Groupe d’études et d’actions d’anti-corruption à Baraka constate, lui aussi, bon nombre d’arrangements à l’amiable dans ce genre d’affaires. Par ailleurs, l’Inspection de travail, chargée de contrôler et d’approuver les dossiers des candidats aux nouveaux emplois, n’est pas présente à Baraka.
Quelques faussaires attrapés
Quelques faussaires sont néanmoins attrapés et écartés de leurs postes. Début 2010, un agent de pharmacie a par exemple été congédié de l’hôpital de Baraka. "Il avait utilisé pendant quatre ans un faux diplôme", explique Jérôme Kalume, administrateur de cet établissement sanitaire. "Nous voulions le traduire en Justice, mais il s’est enfui. Dans le domaine de la santé, les malades risquent de perdre leur vie au contact d’employés sous qualifiés aux compétences trop limitées !", conclut-il.
Gradués ou licenciés estiment que ceux qui méritent des postes importants ne les occupent pas. Sur place, l’organisation Jeunes intellectuels de Fizi dénonce cela. A travers de multiples lettres, le Groupe d’études et d’actions d’anti-corruption à Baraka, Agora des Jeunes et d’autres membres de la Société civile interpellent l’administrateur du territoire, les chefs de secteurs et les ONG à ce sujet. Leur appel commence à être entendu. En septembre dernier, le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) a engagé une graduée comme magasinière. Une société minière a elle récemment recruté un licencié en tant que chargé des relations communautaires.
Jonas Seba Mkyabela
syfia