Interview du Général Mahamat Nouri, dirigeant de l’Alliance Nationale (AN), réalisée par Mr Mohammed Soufi de la chaîne deTélévision Qatarie Aljazeera.Territoires libérés le 17 Août 2008.
Soufi Mohammed: Chers Honorables téléspectateurs. Que la paix et le Tout-Puissant, le miséricordieux Dieu soit avec vous. Bienvenue à cette rencontre avec le Général Mohamed Nouri, Chef de l'opposition et président de l'Alliance Nationale (AN) du Tchad. Bienvenue Général Mahamat Nouri,après votre entrée dans la capitale N'Djamena et après avoir combattu deux fois autour du palais présidentiel, pourriez-vous nous dire quelles sont les véritables raisons de votre incapacité à vaincre le régime tchadien?
Soufi Mohammed: Chers Honorables téléspectateurs. Que la paix et le Tout-Puissant, le miséricordieux Dieu soit avec vous. Bienvenue à cette rencontre avec le Général Mohamed Nouri, Chef de l'opposition et président de l'Alliance Nationale (AN) du Tchad. Bienvenue Général Mahamat Nouri,après votre entrée dans la capitale N'Djamena et après avoir combattu deux fois autour du palais présidentiel, pourriez-vous nous dire quelles sont les véritables raisons de votre incapacité à vaincre le régime tchadien?
Mahamat Nouri: La principale raison de notre retrait de N'Djamena est le manque de cohésion entre les différents chefs des trois factions à savoir l'UFDD, l'UFDD-F et le RFC. Nous sommes partis à l'assaut de N'djamena au nom d'une Alliance militaire, mais nous ne sommes pas parvenus parce que nous n'avons pas eu un programme politique clair et précis, c'est la raison pour laquelle nous avons échoué.
Aljazeera: Pendant votre dernière offensive, vous avez pris un certain nombre de villes, puis vous vous êtes retirés. Quelles en sont les raisons?
Mahamat Nouri: Comme nous l'avons dit pendant un certain temps, notre stratégie n'est pas de contrôler les villes, mais la destruction des potentiels militaires de l'ennemi en l'affaiblissant progressivement. Notre stratégie consiste donc à frapper l'ennemi puis se retirer des localités investies par nos Forces de résistances nationales.
Aljazeera: Pensez-vous que, si l’Alliance Nationale venait à contrôler une seconde fois N’Djaména, ne va-t-elle pas réitérer ce qui s’était passé ?
Mahamat Nouri: Notre expérience au cours de ces deux dernières années, a confirmé que les Alliances militaires sont importantes; mais les questions politiques doivent être préalablement résolues avant toute action militaire. Nous avons tiré des leçons de ce passé, après notre retrait de N’Djamena, où nous avons subi deux échecs consécutifs.
L’Alliance Nationale constituée de l’UFDD, du FSR, de l’UFDDF, de l’UDC, a résolu un certain nombre de problèmes politiques internes. Certes, tout n’est pas parfait mais nous pouvons affirmer qu’un pas décisif a été franchi dans le renforcement de note unité.
L’Union de l’AN avant la prise de pouvoir à N’Djaména permettrait d’initier efficacement et rapidement un règlement politique pérenne du conflit tchadien.
Aljazeera : Les troupes européennes et particulièrement françaises sont déployées à l'est du Tchad. Entravent-elles les mouvements de l’Alliance Nationale ? Il semble que le Président Idriss Deby a accusé les troupes de l’Eufor de coopérer avec l’AN, alors, quels rapports entretenez-vous avec l’Eufor ?
Mahamat Nouri: La présence de troupes européennes ne pose pas de problème tant que l’Eufor observe une stricte neutralité dans le conflit interne tchadien. Nous saluons la disposition des puissances européennes qui voudraient se limiter à la mission de l’Eufor en l’occurrence celle de la protection des camps de réfugiés. Cependant, nous déplorons le soutien du Président Déby par les Forces françaises lors des derniers événements.
Aljazeera: Mais Mr Kouchner, ministre des Affaires étrangères a déclaré à Abidjan que les troupes françaises resteraient neutres. Confirmerez ou infirmerez-vous ces propos ?
Mahamat Nouri: Nous saluons ces déclarations et, depuis lors, il n'y avait pas de grands mouvements des troupes françaises. C’est une bonne chose pour l'avenir du Tchad et des relations franco tchadiennes.
Aljazeera: La France joue un rôle important au Tchad à travers les accords de coopération entre les deux pays. Comment perçoit-elle l’Opposition armée tchadienne ?
Mahamat Nouri: La réponse est difficile et il appartient aux Français de répondre à cette question. Cependant, j’affirme que la France n’a aucun intérêt à s'ingérer dans les affaires intérieures du Tchad. Nos deux pays doivent entretenir des relations normales de coopération, de non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures.
La France commet l’erreur de soutenir Déby. Elle devrait être neutre et laisser les Tchadiens régler leurs problèmes ou si besoin est, elle devrait plutôt nous aider à trouver une solution politique au conflit. Nous déplorons que la France et d’autres puissances soient encore opposées au départ de Déby malgré les drames que ce régime dictatorial impose à notre Peuple. L’Opposition armée est une réaction à cette oppression du peuple par ce régime tyrannique. Nous osons espérer que le peuple français reconnaîtrait la quintessence de notre lutte contre la dictature pour instaurer une véritable démocratie au Tchad. Nous attirons l’attention de la Communauté internationale sur la situation dramatique du Tchad et d’œuvrer pour instaurer une solution de paix pérenne.
Aljazeera: La France est le pays le plus influent au Tchad mais aussi dans les pays voisins ?
Mahamat Nouri: C’est exact, mais cela ne lui donne aucun droit de porter atteinte à la souveraineté du Tchad. La France devrait plutôt contribuer à résoudre le conflit endémique tchadien.
Aljazeera: Une bonne occasion pour parler de vos relations avec les États. Idriss Deby vous accuse constamment d’utiliser le Soudan comme base arrière pour déstabiliser le Tchad. Quelle est donc la nature de vos relations avec le Soudan ?
Mahamat Nouri: Il serait judicieux au préalable de faire la différence entre le conflit interne au Tchad, une révolution de notre peuple contre l'injustice et la question du Darfour. Nous reconnaissons l'existence et la complexité de ces problèmes. La France soutient Idriss Déby et l'Opposition soudanaise. Le Soudan soutient à son tour l'Opposition tchadienne. Lors des derniers combats de N’Djaména, nous nous sommes battus contre la coalition des troupes de Déby et celles des Rebelles soudanais. Ces derniers étaient très bien équipés voire mieux que nous. Déby ne doit pas continuer indéfiniment à accuser le Soudan de nous soutenir comme il le fait avec les rebelles soudanais, qui, grâce à son soutien ont lancé un raid sur Omdurman.
Aljazeera: Idriss Déby accable le Soudan, l'Arabie Saoudite, les États du Moyen-Orient de vous soutenir. Quelle est votre réponse à ces accusations?
Mahamat Nouri : Ma réponse est la suivante : le Tchad est un pays africain de culture arabo-musulmane, nous avons des traditions et des relations très anciennes avec le Soudan et les autres États arabes. Ces relations ne datent pas d’aujourd'hui et sont profondément enracinées dans l'histoire. Les accusations de Déby contre nous s’appuient sur ces relations séculaires d’une part et d’autre part sur les prétendues conséquences des effervescences politiques du monde islamo-arabe sur la géopolitique tchadienne voire la sous-région africaine.
La communauté internationale doit comprendre la justesse de notre lutte contre l'injustice afin de rétablir la justice, la paix et la démocratie au Tchad pour un avenir meilleur pour notre peuple.
Nous sommes aussi sensibles aux préoccupations des pays arabes voisins de ce qui se passe à leurs frontières. Le Tchad est un pays africain de traditions Arabo-musulmanes. Nous souhaitons que la synergie des efforts diplomatiques de l’Afrique, d’Europe et du monde Arabe puisse permettre de trouver une solution pérenne de paix au Tchad.
Aljazeera: Déby vous accuse de recevoir le soutien des pays arabes du Golf et de l'Arabie Saoudite en particulier où vous étiez Ambassadeur. Que dites-vous à ce sujet ?
Mahamat Nouri: Je serais heureux de recevoir l’aide des pays arabes que vous citez. Cependant, malheureusement ce n’est pas le cas car les pays arabes manifestent peu d’intérêt pour le Tchad. Je souhaiterais que les Arabes prêtent plus d’attention à ce qui se passe au Tchad, pays africain de traditions Arabo-musulmanes. La langue Arabe est la principale langue de communication dans le pays. Nous ne pouvons pas ignorer le Monde Arabe, le Moyen-Orient, l’Arabie Saoudite, les pays arabes voisins qui ont aussi une influence dans le monde. Nous devons entretenir des bonnes relations avec cette importante partie du monde. Si nous pouvons bénéficier de leur assistance pourquoi ferions-nous la fine bouche ?
Aljazeera: Quel rôle joue la Libye dans la crise tchadienne ?
Mahamat Nouri: Je suis allé deux fois en Libye avec l’ensemble de l’opposition tchadienne. Nous avons clarifié notre position sur le conflit aux frères libyens. Ces derniers ont, à leur tour, affirmé l’intérêt que le monde arabe et particulièrement la Jamahiriya, manifeste à l’égard du Tchad.La Libye souhaite entretenir de bonnes relations avec le Tchad et constate la nécessité de trouver une solution à la crise tchadienne plutôt que s’attarder sur la question d’Idriss Deby. L’Union africaine a confié le dossier tchadien à la Libye. La balle est dans son camp. Nous espérons qu’elle nous aidera à trouver une solution pacifique.
Aljazeera: La médiation de la communauté internationale, de l'Union africaine entre le Soudan et le Tchad d'une part, et d’autre part entre certains mouvements armés qui ont conclu des accords de paix, pourrait-elle conduire à l’instauration de la paix avec la formation d'un gouvernement d'union nationale avec Idriss Deby ?
Mahamat Nouri: Nous remercions l'Union africaine et les Chefs d'États africains qui déploient des efforts pour résoudre le problème tchadien. Cependant, ils devraient fondamentalement dissocier, le conflit interne spécifiquement tchadien de celui du Darfour qui est soudanais. Cette confusion entre le problème du Darfour et celui du Tchad occulte la crise interne tchadienne en faveur de la tension entre le Soudan et le Tchad, laquelle est issue de la crise du Darfour.
Le Tchad a connu de nombreuses guerres dans le passé. Mais celle-ci est singulière car notre pays n’a jamais été un État voyou comme il l’est aujourd’hui sous Idriss Déby avec ses agressions militaires des pays frères voisins comme le Soudan. Notre lutte contre Idriss Deby est une révolution de notre peuple contre la tyrannie, pour l’instauration de la justice sociale et de la démocratie. L’Union Africaine et les différents médiateurs ne pourraient jamais résoudre le problème tchadien en ignorant cette vérité en l’occurrence celle de reconnaître la dimension du problème strictement interne tchadien.
Aljazeera: Participeriez-vous ou seriez-vous à la tête d’un Gouvernement d’union nationale ?
Mahamat Nouri:Cette question n’est pas fondamentale. En effet, l’Alliance Nationale a maintes fois réitéré sa proposition d’un Forum inclusif de paix regroupant le gouvernement d’Idriss Deby, les Partis politiques, les Mouvements politico-militaires, les organisations de la Société civile. Mais, malheureusement, Idriss Deby rejette à ce jour cette proposition.
L’Alliance Nationale n’a pas d’autre alternative que celle de prendre N’Djaména et d’organiser ce Forum national de paix qui formera un Gouvernement de transition.Ce dernier élaborera une nouvelle constitution et organisera des élections libres et véritablement démocratiques.
Aljazeera: Quelle sera la durée du Gouvernement de transition ?
Mahamat Nouri : La période transitoire comprend plusieurs phases : la pré-phase est une période qui s’étalera sur deux à six mois, puis la transition proprement dite où les six premiers mois seront consacrés à organiser le Forum national.
Lors du Forum national, les partis politiques, les politico-militaires présideront cette étape, mais la présidence du gouvernement de transition devrait avoir le consensus de toute la classe politique, une sorte de « Président de l'Opposition nationale».Ce qui permettrait l’implication de tous dans la phase transitoire, laquelle est capitale pour le développement futur du Tchad.
L’histoire des 48 années d’indépendance du Tchad a suffisamment prouvé qu’aucune famille ou tribu ne pourrait à elle seule résoudre le problème tchadien. C’est pourquoi l’Alliance Nationale s’efforce d’impliquer tout le Peuple dans cette lutte pour la démocratie. Nous souhaitons la participation de tous les Tchadiens sans exception aucune.
Aljazeera: Que pensez-vous des rebelles du Sud du Tchad ? Seraient-ils inclus dans le Forum ? La lutte pour le contrôle des ressources pétrolières ne se poserait-elle pas après le Forum ?
Mahamat Nouri: Cette question est importante et vous m’offrez l’opportunité d'y répondre. Les Révolutions sont toujours parties du nord par conséquent la plupart des membres de l'Opposition tchadienne d’aujourd'hui sont issus de cette partie septentrionale du pays. C’est une réalité incontestable. Il existe une Opposition armée au Sud, certes moins importante que celle de l’Est. Il faudrait aussi en tenir compte.
Le Tchad compte plusieurs Partis politiques du Nord et du Sud. L’Alliance Nationale n’en exclut aucun, elle est ouverte à tous, elle souhaite la participation effective de tous les composants de la nation pour le développement du pays et le contrôle de nos ressources. Le Forum national sera inclusif comme nous l’avons dit antérieurement. Tous les citoyens tchadiens ont les mêmes droits et devoirs. Ils peuvent participer à la gestion du pays même s’ils n’ont pas participé à la lutte armée.
Aljazeera : Quand et comment entendez-vous instaurer une véritable démocratie au Tchad ?
Mahamat Nouri: Nous ne pouvons pas préciser les dates exactes de cette longue marche vers la démocratie. Cependant, nous affirmons qu’à l’issu du Forum national inclusif, un gouvernement de transition d’une durée très courte sera formé. Ce gouvernement exécutera le programme précis élaboré par le Forum national dont l’apothéose sera l’organisation des élections véritablement démocratiques.
Aljazeera: Le Tchad et le Soudan s’accusent mutuellement de soutenir leurs oppositions armées respectives. Etant donné l’imbrication des populations identiques aux frontières des deux états, comment pensez-vous traiter ce conflit si l’Alliance Nationale arrive au pouvoir ?
Mahamat Nouri: Il est un secret de polichinelle que le conflit du Darfour est l’œuvre d’Idriss Deby. C’est lui qui a crée, financé, armé et entretenu l’opposition soudanaise, les rebelles du Darfour. Le raid des Rebelles sur Omdurman a été piloté par Idriss Deby qui continue de les réarmer après leur cuisant échec. Idriss Deby a agressé non seulement le Soudan mais d’autres États voisins telle que la République Centrafricaine où il a renversé le gouvernement démocratiquement élu. Déby organise le pillage en Centrafrique par exemple les matériels médicaux de l’hôpital de Bangui ont été volés puis vendus au grand jour sur le marché de N’Djaména. Idriss Deby est à l’origine de l’instabilité en Centrafrique et au Darfour. Ces guerres ne prendront fin qu’avec la fin de son régime.
Aljazeera: Dans le cas où un nouveau gouvernement issu du Forum national verrait le jour au Tchad, le MJE, mouvement rebelle soudanais, qui a appuyé militairement Idriss Deby, disparaîtrait-il ?
Mahamat Nouri: Nous disons et réitérons notre affirmation : l’Opposition rebelle soudanaise est une création d’Idriss Deby. Tout le monde veut la paix, l’Opposition soudanaise se doit de reconnaître qu’elle ne gagnera pas la paix, ni la guerre sur des fondements d’inspiration tribale initiée par Idriss Deby au Darfour.
Aljazeera: Général Mahamat Nouri, Merci beaucoup pour cette entrevue.
Mahamat Nouri: Merci à Vous
Aljazeera: Pendant votre dernière offensive, vous avez pris un certain nombre de villes, puis vous vous êtes retirés. Quelles en sont les raisons?
Mahamat Nouri: Comme nous l'avons dit pendant un certain temps, notre stratégie n'est pas de contrôler les villes, mais la destruction des potentiels militaires de l'ennemi en l'affaiblissant progressivement. Notre stratégie consiste donc à frapper l'ennemi puis se retirer des localités investies par nos Forces de résistances nationales.
Aljazeera: Pensez-vous que, si l’Alliance Nationale venait à contrôler une seconde fois N’Djaména, ne va-t-elle pas réitérer ce qui s’était passé ?
Mahamat Nouri: Notre expérience au cours de ces deux dernières années, a confirmé que les Alliances militaires sont importantes; mais les questions politiques doivent être préalablement résolues avant toute action militaire. Nous avons tiré des leçons de ce passé, après notre retrait de N’Djamena, où nous avons subi deux échecs consécutifs.
L’Alliance Nationale constituée de l’UFDD, du FSR, de l’UFDDF, de l’UDC, a résolu un certain nombre de problèmes politiques internes. Certes, tout n’est pas parfait mais nous pouvons affirmer qu’un pas décisif a été franchi dans le renforcement de note unité.
L’Union de l’AN avant la prise de pouvoir à N’Djaména permettrait d’initier efficacement et rapidement un règlement politique pérenne du conflit tchadien.
Aljazeera : Les troupes européennes et particulièrement françaises sont déployées à l'est du Tchad. Entravent-elles les mouvements de l’Alliance Nationale ? Il semble que le Président Idriss Deby a accusé les troupes de l’Eufor de coopérer avec l’AN, alors, quels rapports entretenez-vous avec l’Eufor ?
Mahamat Nouri: La présence de troupes européennes ne pose pas de problème tant que l’Eufor observe une stricte neutralité dans le conflit interne tchadien. Nous saluons la disposition des puissances européennes qui voudraient se limiter à la mission de l’Eufor en l’occurrence celle de la protection des camps de réfugiés. Cependant, nous déplorons le soutien du Président Déby par les Forces françaises lors des derniers événements.
Aljazeera: Mais Mr Kouchner, ministre des Affaires étrangères a déclaré à Abidjan que les troupes françaises resteraient neutres. Confirmerez ou infirmerez-vous ces propos ?
Mahamat Nouri: Nous saluons ces déclarations et, depuis lors, il n'y avait pas de grands mouvements des troupes françaises. C’est une bonne chose pour l'avenir du Tchad et des relations franco tchadiennes.
Aljazeera: La France joue un rôle important au Tchad à travers les accords de coopération entre les deux pays. Comment perçoit-elle l’Opposition armée tchadienne ?
Mahamat Nouri: La réponse est difficile et il appartient aux Français de répondre à cette question. Cependant, j’affirme que la France n’a aucun intérêt à s'ingérer dans les affaires intérieures du Tchad. Nos deux pays doivent entretenir des relations normales de coopération, de non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures.
La France commet l’erreur de soutenir Déby. Elle devrait être neutre et laisser les Tchadiens régler leurs problèmes ou si besoin est, elle devrait plutôt nous aider à trouver une solution politique au conflit. Nous déplorons que la France et d’autres puissances soient encore opposées au départ de Déby malgré les drames que ce régime dictatorial impose à notre Peuple. L’Opposition armée est une réaction à cette oppression du peuple par ce régime tyrannique. Nous osons espérer que le peuple français reconnaîtrait la quintessence de notre lutte contre la dictature pour instaurer une véritable démocratie au Tchad. Nous attirons l’attention de la Communauté internationale sur la situation dramatique du Tchad et d’œuvrer pour instaurer une solution de paix pérenne.
Aljazeera: La France est le pays le plus influent au Tchad mais aussi dans les pays voisins ?
Mahamat Nouri: C’est exact, mais cela ne lui donne aucun droit de porter atteinte à la souveraineté du Tchad. La France devrait plutôt contribuer à résoudre le conflit endémique tchadien.
Aljazeera: Une bonne occasion pour parler de vos relations avec les États. Idriss Deby vous accuse constamment d’utiliser le Soudan comme base arrière pour déstabiliser le Tchad. Quelle est donc la nature de vos relations avec le Soudan ?
Mahamat Nouri: Il serait judicieux au préalable de faire la différence entre le conflit interne au Tchad, une révolution de notre peuple contre l'injustice et la question du Darfour. Nous reconnaissons l'existence et la complexité de ces problèmes. La France soutient Idriss Déby et l'Opposition soudanaise. Le Soudan soutient à son tour l'Opposition tchadienne. Lors des derniers combats de N’Djaména, nous nous sommes battus contre la coalition des troupes de Déby et celles des Rebelles soudanais. Ces derniers étaient très bien équipés voire mieux que nous. Déby ne doit pas continuer indéfiniment à accuser le Soudan de nous soutenir comme il le fait avec les rebelles soudanais, qui, grâce à son soutien ont lancé un raid sur Omdurman.
Aljazeera: Idriss Déby accable le Soudan, l'Arabie Saoudite, les États du Moyen-Orient de vous soutenir. Quelle est votre réponse à ces accusations?
Mahamat Nouri : Ma réponse est la suivante : le Tchad est un pays africain de culture arabo-musulmane, nous avons des traditions et des relations très anciennes avec le Soudan et les autres États arabes. Ces relations ne datent pas d’aujourd'hui et sont profondément enracinées dans l'histoire. Les accusations de Déby contre nous s’appuient sur ces relations séculaires d’une part et d’autre part sur les prétendues conséquences des effervescences politiques du monde islamo-arabe sur la géopolitique tchadienne voire la sous-région africaine.
La communauté internationale doit comprendre la justesse de notre lutte contre l'injustice afin de rétablir la justice, la paix et la démocratie au Tchad pour un avenir meilleur pour notre peuple.
Nous sommes aussi sensibles aux préoccupations des pays arabes voisins de ce qui se passe à leurs frontières. Le Tchad est un pays africain de traditions Arabo-musulmanes. Nous souhaitons que la synergie des efforts diplomatiques de l’Afrique, d’Europe et du monde Arabe puisse permettre de trouver une solution pérenne de paix au Tchad.
Aljazeera: Déby vous accuse de recevoir le soutien des pays arabes du Golf et de l'Arabie Saoudite en particulier où vous étiez Ambassadeur. Que dites-vous à ce sujet ?
Mahamat Nouri: Je serais heureux de recevoir l’aide des pays arabes que vous citez. Cependant, malheureusement ce n’est pas le cas car les pays arabes manifestent peu d’intérêt pour le Tchad. Je souhaiterais que les Arabes prêtent plus d’attention à ce qui se passe au Tchad, pays africain de traditions Arabo-musulmanes. La langue Arabe est la principale langue de communication dans le pays. Nous ne pouvons pas ignorer le Monde Arabe, le Moyen-Orient, l’Arabie Saoudite, les pays arabes voisins qui ont aussi une influence dans le monde. Nous devons entretenir des bonnes relations avec cette importante partie du monde. Si nous pouvons bénéficier de leur assistance pourquoi ferions-nous la fine bouche ?
Aljazeera: Quel rôle joue la Libye dans la crise tchadienne ?
Mahamat Nouri: Je suis allé deux fois en Libye avec l’ensemble de l’opposition tchadienne. Nous avons clarifié notre position sur le conflit aux frères libyens. Ces derniers ont, à leur tour, affirmé l’intérêt que le monde arabe et particulièrement la Jamahiriya, manifeste à l’égard du Tchad.La Libye souhaite entretenir de bonnes relations avec le Tchad et constate la nécessité de trouver une solution à la crise tchadienne plutôt que s’attarder sur la question d’Idriss Deby. L’Union africaine a confié le dossier tchadien à la Libye. La balle est dans son camp. Nous espérons qu’elle nous aidera à trouver une solution pacifique.
Aljazeera: La médiation de la communauté internationale, de l'Union africaine entre le Soudan et le Tchad d'une part, et d’autre part entre certains mouvements armés qui ont conclu des accords de paix, pourrait-elle conduire à l’instauration de la paix avec la formation d'un gouvernement d'union nationale avec Idriss Deby ?
Mahamat Nouri: Nous remercions l'Union africaine et les Chefs d'États africains qui déploient des efforts pour résoudre le problème tchadien. Cependant, ils devraient fondamentalement dissocier, le conflit interne spécifiquement tchadien de celui du Darfour qui est soudanais. Cette confusion entre le problème du Darfour et celui du Tchad occulte la crise interne tchadienne en faveur de la tension entre le Soudan et le Tchad, laquelle est issue de la crise du Darfour.
Le Tchad a connu de nombreuses guerres dans le passé. Mais celle-ci est singulière car notre pays n’a jamais été un État voyou comme il l’est aujourd’hui sous Idriss Déby avec ses agressions militaires des pays frères voisins comme le Soudan. Notre lutte contre Idriss Deby est une révolution de notre peuple contre la tyrannie, pour l’instauration de la justice sociale et de la démocratie. L’Union Africaine et les différents médiateurs ne pourraient jamais résoudre le problème tchadien en ignorant cette vérité en l’occurrence celle de reconnaître la dimension du problème strictement interne tchadien.
Aljazeera: Participeriez-vous ou seriez-vous à la tête d’un Gouvernement d’union nationale ?
Mahamat Nouri:Cette question n’est pas fondamentale. En effet, l’Alliance Nationale a maintes fois réitéré sa proposition d’un Forum inclusif de paix regroupant le gouvernement d’Idriss Deby, les Partis politiques, les Mouvements politico-militaires, les organisations de la Société civile. Mais, malheureusement, Idriss Deby rejette à ce jour cette proposition.
L’Alliance Nationale n’a pas d’autre alternative que celle de prendre N’Djaména et d’organiser ce Forum national de paix qui formera un Gouvernement de transition.Ce dernier élaborera une nouvelle constitution et organisera des élections libres et véritablement démocratiques.
Aljazeera: Quelle sera la durée du Gouvernement de transition ?
Mahamat Nouri : La période transitoire comprend plusieurs phases : la pré-phase est une période qui s’étalera sur deux à six mois, puis la transition proprement dite où les six premiers mois seront consacrés à organiser le Forum national.
Lors du Forum national, les partis politiques, les politico-militaires présideront cette étape, mais la présidence du gouvernement de transition devrait avoir le consensus de toute la classe politique, une sorte de « Président de l'Opposition nationale».Ce qui permettrait l’implication de tous dans la phase transitoire, laquelle est capitale pour le développement futur du Tchad.
L’histoire des 48 années d’indépendance du Tchad a suffisamment prouvé qu’aucune famille ou tribu ne pourrait à elle seule résoudre le problème tchadien. C’est pourquoi l’Alliance Nationale s’efforce d’impliquer tout le Peuple dans cette lutte pour la démocratie. Nous souhaitons la participation de tous les Tchadiens sans exception aucune.
Aljazeera: Que pensez-vous des rebelles du Sud du Tchad ? Seraient-ils inclus dans le Forum ? La lutte pour le contrôle des ressources pétrolières ne se poserait-elle pas après le Forum ?
Mahamat Nouri: Cette question est importante et vous m’offrez l’opportunité d'y répondre. Les Révolutions sont toujours parties du nord par conséquent la plupart des membres de l'Opposition tchadienne d’aujourd'hui sont issus de cette partie septentrionale du pays. C’est une réalité incontestable. Il existe une Opposition armée au Sud, certes moins importante que celle de l’Est. Il faudrait aussi en tenir compte.
Le Tchad compte plusieurs Partis politiques du Nord et du Sud. L’Alliance Nationale n’en exclut aucun, elle est ouverte à tous, elle souhaite la participation effective de tous les composants de la nation pour le développement du pays et le contrôle de nos ressources. Le Forum national sera inclusif comme nous l’avons dit antérieurement. Tous les citoyens tchadiens ont les mêmes droits et devoirs. Ils peuvent participer à la gestion du pays même s’ils n’ont pas participé à la lutte armée.
Aljazeera : Quand et comment entendez-vous instaurer une véritable démocratie au Tchad ?
Mahamat Nouri: Nous ne pouvons pas préciser les dates exactes de cette longue marche vers la démocratie. Cependant, nous affirmons qu’à l’issu du Forum national inclusif, un gouvernement de transition d’une durée très courte sera formé. Ce gouvernement exécutera le programme précis élaboré par le Forum national dont l’apothéose sera l’organisation des élections véritablement démocratiques.
Aljazeera: Le Tchad et le Soudan s’accusent mutuellement de soutenir leurs oppositions armées respectives. Etant donné l’imbrication des populations identiques aux frontières des deux états, comment pensez-vous traiter ce conflit si l’Alliance Nationale arrive au pouvoir ?
Mahamat Nouri: Il est un secret de polichinelle que le conflit du Darfour est l’œuvre d’Idriss Deby. C’est lui qui a crée, financé, armé et entretenu l’opposition soudanaise, les rebelles du Darfour. Le raid des Rebelles sur Omdurman a été piloté par Idriss Deby qui continue de les réarmer après leur cuisant échec. Idriss Deby a agressé non seulement le Soudan mais d’autres États voisins telle que la République Centrafricaine où il a renversé le gouvernement démocratiquement élu. Déby organise le pillage en Centrafrique par exemple les matériels médicaux de l’hôpital de Bangui ont été volés puis vendus au grand jour sur le marché de N’Djaména. Idriss Deby est à l’origine de l’instabilité en Centrafrique et au Darfour. Ces guerres ne prendront fin qu’avec la fin de son régime.
Aljazeera: Dans le cas où un nouveau gouvernement issu du Forum national verrait le jour au Tchad, le MJE, mouvement rebelle soudanais, qui a appuyé militairement Idriss Deby, disparaîtrait-il ?
Mahamat Nouri: Nous disons et réitérons notre affirmation : l’Opposition rebelle soudanaise est une création d’Idriss Deby. Tout le monde veut la paix, l’Opposition soudanaise se doit de reconnaître qu’elle ne gagnera pas la paix, ni la guerre sur des fondements d’inspiration tribale initiée par Idriss Deby au Darfour.
Aljazeera: Général Mahamat Nouri, Merci beaucoup pour cette entrevue.
Mahamat Nouri: Merci à Vous