Affaire Belgique c/(contre) Sénégal : qui a contraint le Sénégal à juger l’ancien Président de la République Hissein Habré ? Comment le droit a-t-il primé sur les volontés politiques régionales? (par Sadam Ahmat Yacoub - Analyse juridique)
Tout commence par une plainte déposée le 11 décembre 2001 devant les autorités belges par un belge d’origine tchadienne et des ressortissants tchadiens accusant l’ancien président Hissein Habré de crimes contre l’humanité, tortures, traitements cruels, inhumains et dégradants perpétrés entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990 (réprimés par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).
Après étude de la requête interne, le juge d’instruction belge en charge du dossier décerne à l’encontre d’Hissein Habré un mandat d’arrêt international. En parallèle, plusieurs plaintes ont été déposés au Sénégal par des ressortissants tchadiens pour les mêmes chefs d’accusations mais la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar les a toutes rejeté le 4 juillet 2000 au motif que le « crime contre l’humanité » ne faisait pas partie du droit pénal sénégalais et que s’agissant du crime de torture, la loi sénégalaise ne permettait pas au juge sénégalais d’exercer sa compétence pour des faits commis à l’étranger par un étranger. Effectivement Hissein Habré a été accusé d’avoir commis ces faits au Tchad et il n’était détenteur de la nationalité sénégalaise. La décision du 4 juillet 2000 était donc légitime et acceptable ayant autorité de chose jugée.
Toutefois, la Belgique ne s’arrêtera pas là et se fonde ingénieusement tel en bon avocat sur la Convention des Nations Unis contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 encore appelé populairement « convention contre la torture » non ratifié par les Etats-Unis mais qui aurait une valeur coutumière discutable…
Le Sénégal tout comme la Belgique ont été signataires de ce traité et l’ont ratifié. Comme l’affirmait si bien l’arrêt « Lotus » rendu par la Cour permanente internationale de Justice en 1927 : une règle de droit internationale n’a d’obligations qu’à celui qui y consent. Le Sénégal tout comme la Belgique s’oblige à respecter les termes et conditions de cette convention.
C’est en vertu de cette convention que la Belgique introduit une requête et demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) d’indiquer des mesures conservatoires le 19 février 2009 en reprochant officiellement au Sénégal d’avoir violé sont obligation de poursuivre ou d’extrader Hissein Habré.
La CIJ a été saisie afin de statuer dans le cadre du contentieux de l’urgence. Qu’ont fait les juges de la Cour internationale de Justice ? Ils ont apprécié dans un premier temps l’opposabilité de ladite convention aux deux parties respectives, l’existence d’un différend, vérifier l’existence ou non de clauses compromissoires et la compétence prima facie, mais aussi et surtout vérifier l’existence cumulative des conditions préalables à l’indication de mesures conservatoires à savoir l’existence de droits plausibles, le lien entre l’existence de ces droits plausibles et les mesures invoquées et enfin l’existence d’un risque de préjudice irréparable et urgence.
C’est en ce sens que la Belgique a brandit comme droit plausible « le départ éventuel de M. Habré du territoire sénégalais ». Ce départ aurait donc pu affecter les droits que la Belgique pouvait se voir reconnaître au fond. Les juges internationaux ont eu tendance à reconnaître facilement l’existence de droits plausibles. La CIJ a reconnu la qualité de la Belgique à faire valoir ses droits. Pourtant la Belgique a appuyé ses fondements sur des propos tenus par l’ancien Président Wade dans les lignes médiatiques de certains organes (RFI, Publicio, la Croix, AFP) affirmant « qu’il ne comptait pas garder indéfiniment M. Habré au Sénégal si le financement nécessaire à l’organisation de son procès n’était pas assuré par la communauté internationale ». L’inquiétude de Bruxelles était donc de voir Hissein Habré libéré de sa mise en résidence surveillée. Il a fallu quelques propos tenus par un Président de la République pour saisir légitimement la Cour Internationale de Justice. Au cours de l’affaire pendante devant la Cour, l’un des agents du Sénégal a affirmé que « Le Sénégal ne permettra pas à M. Habré de quitter le Sénégal aussi longtemps que la présente affaire sera pendante devant la Cour. Le Sénégal n’a pas l’intention de permettre à M. Habré de quitter le territoire alors que cette affaire est pendante devant la cour » (propos affirmés en 2009).
C’est suite à cette acte d’assurances pris en compte par la Cour internationale de justice, que les juges ont rendu une ordonnance affirmant qu’il n’existe plus à ce moment précis de risque d’un préjudice irréparable et urgent qu’Hissein Habré soit libéré du territoire et par déduction logique et juridique, l’une des conditions cumulatives n’étant plus présente, la Cour internationale de Justice n’a pas indiqué de mesures conservatoires comme le demandait la Belgique.
Néanmoins la Belgique ressort victorieuse de ce litige juridique devant la CIJ car elle a réussi à obtenir une garantie judiciaire du maintien sur le territoire sénégalais de l’ancien Président. Si le Sénégal aurait maintenu sa volonté de libérer Hissein Habré, la décision des juges aurait été autre, et aurait mené jusqu’à l’indication certaine de mesures conservatoires contraignant Habré de quitter le territoire sénégalais.
L’affaire Habré est alors réellement née le 28 mai 2009 suite à l’ordonnance rendue par la CIJ. Quelques années après, les puissances politiques africaines concernés de près ou de loin par cette affaire se sont vus contraints de réunir les moyens matériels pour organiser le jugement d’Hissein Habré.
Ce dernier fut jugé en 2016 soit 16 ans après la saisine de la justice belge.
Tout commence par une plainte déposée le 11 décembre 2001 devant les autorités belges par un belge d’origine tchadienne et des ressortissants tchadiens accusant l’ancien président Hissein Habré de crimes contre l’humanité, tortures, traitements cruels, inhumains et dégradants perpétrés entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990 (réprimés par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).
Après étude de la requête interne, le juge d’instruction belge en charge du dossier décerne à l’encontre d’Hissein Habré un mandat d’arrêt international. En parallèle, plusieurs plaintes ont été déposés au Sénégal par des ressortissants tchadiens pour les mêmes chefs d’accusations mais la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar les a toutes rejeté le 4 juillet 2000 au motif que le « crime contre l’humanité » ne faisait pas partie du droit pénal sénégalais et que s’agissant du crime de torture, la loi sénégalaise ne permettait pas au juge sénégalais d’exercer sa compétence pour des faits commis à l’étranger par un étranger. Effectivement Hissein Habré a été accusé d’avoir commis ces faits au Tchad et il n’était détenteur de la nationalité sénégalaise. La décision du 4 juillet 2000 était donc légitime et acceptable ayant autorité de chose jugée.
Toutefois, la Belgique ne s’arrêtera pas là et se fonde ingénieusement tel en bon avocat sur la Convention des Nations Unis contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 encore appelé populairement « convention contre la torture » non ratifié par les Etats-Unis mais qui aurait une valeur coutumière discutable…
Le Sénégal tout comme la Belgique ont été signataires de ce traité et l’ont ratifié. Comme l’affirmait si bien l’arrêt « Lotus » rendu par la Cour permanente internationale de Justice en 1927 : une règle de droit internationale n’a d’obligations qu’à celui qui y consent. Le Sénégal tout comme la Belgique s’oblige à respecter les termes et conditions de cette convention.
C’est en vertu de cette convention que la Belgique introduit une requête et demande à la Cour internationale de Justice (CIJ) d’indiquer des mesures conservatoires le 19 février 2009 en reprochant officiellement au Sénégal d’avoir violé sont obligation de poursuivre ou d’extrader Hissein Habré.
La CIJ a été saisie afin de statuer dans le cadre du contentieux de l’urgence. Qu’ont fait les juges de la Cour internationale de Justice ? Ils ont apprécié dans un premier temps l’opposabilité de ladite convention aux deux parties respectives, l’existence d’un différend, vérifier l’existence ou non de clauses compromissoires et la compétence prima facie, mais aussi et surtout vérifier l’existence cumulative des conditions préalables à l’indication de mesures conservatoires à savoir l’existence de droits plausibles, le lien entre l’existence de ces droits plausibles et les mesures invoquées et enfin l’existence d’un risque de préjudice irréparable et urgence.
C’est en ce sens que la Belgique a brandit comme droit plausible « le départ éventuel de M. Habré du territoire sénégalais ». Ce départ aurait donc pu affecter les droits que la Belgique pouvait se voir reconnaître au fond. Les juges internationaux ont eu tendance à reconnaître facilement l’existence de droits plausibles. La CIJ a reconnu la qualité de la Belgique à faire valoir ses droits. Pourtant la Belgique a appuyé ses fondements sur des propos tenus par l’ancien Président Wade dans les lignes médiatiques de certains organes (RFI, Publicio, la Croix, AFP) affirmant « qu’il ne comptait pas garder indéfiniment M. Habré au Sénégal si le financement nécessaire à l’organisation de son procès n’était pas assuré par la communauté internationale ». L’inquiétude de Bruxelles était donc de voir Hissein Habré libéré de sa mise en résidence surveillée. Il a fallu quelques propos tenus par un Président de la République pour saisir légitimement la Cour Internationale de Justice. Au cours de l’affaire pendante devant la Cour, l’un des agents du Sénégal a affirmé que « Le Sénégal ne permettra pas à M. Habré de quitter le Sénégal aussi longtemps que la présente affaire sera pendante devant la Cour. Le Sénégal n’a pas l’intention de permettre à M. Habré de quitter le territoire alors que cette affaire est pendante devant la cour » (propos affirmés en 2009).
C’est suite à cette acte d’assurances pris en compte par la Cour internationale de justice, que les juges ont rendu une ordonnance affirmant qu’il n’existe plus à ce moment précis de risque d’un préjudice irréparable et urgent qu’Hissein Habré soit libéré du territoire et par déduction logique et juridique, l’une des conditions cumulatives n’étant plus présente, la Cour internationale de Justice n’a pas indiqué de mesures conservatoires comme le demandait la Belgique.
Néanmoins la Belgique ressort victorieuse de ce litige juridique devant la CIJ car elle a réussi à obtenir une garantie judiciaire du maintien sur le territoire sénégalais de l’ancien Président. Si le Sénégal aurait maintenu sa volonté de libérer Hissein Habré, la décision des juges aurait été autre, et aurait mené jusqu’à l’indication certaine de mesures conservatoires contraignant Habré de quitter le territoire sénégalais.
L’affaire Habré est alors réellement née le 28 mai 2009 suite à l’ordonnance rendue par la CIJ. Quelques années après, les puissances politiques africaines concernés de près ou de loin par cette affaire se sont vus contraints de réunir les moyens matériels pour organiser le jugement d’Hissein Habré.
Ce dernier fut jugé en 2016 soit 16 ans après la saisine de la justice belge.