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ANALYSE

Tchad : Les ménages tchadiens face à la pauvreté, état des lieux et perspectives d'amélioration


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 19 Février 2025


Malgré une croissance économique de 4,3 % en 2023, les ménages tchadiens continuent de faire face à une précarité croissante, alimentée par une inflation alimentaire galopante, une crise énergétique persistante et une insécurité humanitaire exacerbée. Avec 42,3 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et une augmentation du taux d’extrême pauvreté atteignant 35,4 % en 2023, la question du pouvoir d’achat reste centrale.


Une inflation alimentaire incontrôlable

Dans les marchés publics de N’Djamena, la flambée des prix atteint des niveaux alarmants. Le prix du koro d’ail est passé de 6 000 F CFA à 10 000 F CFA (+66,7 %), tandis que celui du gingembre a doublé, passant de 7 500 F CFA à 15 000 F CFA (+100 %). Cette envolée s’explique par une baisse de la production au Cameroun, principal fournisseur du Tchad, et par l’augmentation des coûts du carburant, qui renchérit le transport des marchandises. Cette dynamique impacte lourdement le pouvoir d’achat des ménages, déjà éprouvés par la hausse généralisée des prix des denrées alimentaires, qui a atteint 18,8 % en décembre 2023.

Dans ce contexte, l’accès aux produits de première nécessité devient de plus en plus difficile pour les foyers les plus vulnérables, notamment en raison du manque d’infrastructures adaptées pour acheminer les produits agricoles locaux vers les marchés. Laï, surnommée la "capitale de l’or blanc (riz)", reste enclavée, compliquant l’acheminement du riz tchadien alors que le pays continue d’importer massivement cette denrée. Résoudre ces problèmes logistiques permettrait non seulement d'améliorer l’approvisionnement intérieur mais aussi de stabiliser les prix.


Une crise humanitaire multidimensionnelle qui aggrave la pauvreté

OCHA
OCHA
Selon l’OCHA, plus d’un tiers de la population tchadienne a aujourd’hui besoin d’une assistance humanitaire d’urgence. Le pays fait face à une crise humanitaire complexe et prolongée, caractérisée par :
  • L’afflux de plus de 700 000 réfugiés et retournés du Soudan (dont 164 000 Tchadiens), augmentant la pression sur les ressources et les infrastructures.
  • La persistance des conflits au Lac Tchad, où 28,7 % des habitants sont des déplacés internes, fuyant les attaques de Boko Haram et de l'État islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP).
  • Les déplacements en raison des inondations, affectant chaque année des milliers de personnes et limitant leur accès à la nourriture et aux services de base.
 
Dans le sud du pays, la situation est également préoccupante. Plus de 77 000 Tchadiens retournés de Centrafrique s’ajoutent aux 124 000 réfugiés centrafricains, mettant sous pression les infrastructures locales. L'insécurité alimentaire touche actuellement 2,9 millions de personnes en situation de crise sévère.

Un secteur énergétique défaillant qui renforce la précarité

Tchad : Les ménages tchadiens face à la pauvreté, état des lieux et perspectives d'amélioration
Le Pacte National de l’Énergie pour le Tchad, adopté en décembre 2024, ambitionne d’améliorer l’accès à l’énergie pour 14 millions de personnes supplémentaires d’ici 2030. Actuellement, seulement 11 % de la population a accès à l’électricité, avec des disparités criantes entre les zones urbaines et rurales.
Les objectifs du pacte incluent :
  • 90 % de couverture électrique d’ici 2030.
  • 30 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique.
  • Mobilisation de 1,95 milliard de dollars, dont 650,3 millions en investissements privés.
 
L’accès limité à l’énergie affecte directement la productivité économique et aggrave la pauvreté. L’électricité reste trop chère et la majorité des ménages dépend encore du bois et du charbon, exacerbant la déforestation et les problèmes de santé liés à la pollution domestique.

Des perspectives encourageantes mais incertaines

Malgré ces défis, la Banque Africaine de Développement anticipe une croissance de 5,2 % en 2024 et de 5,3 % en 2025, principalement portée par le secteur pétrolier. L’inflation devrait ralentir à 3,4 % en 2024, mais restera au-dessus de l’objectif de 3 % fixé par la CEEAC.
Cependant, plusieurs risques menacent cette dynamique :
  • Les fluctuations des prix du pétrole, influençant directement les recettes publiques ; et
  • Les effets du changement climatique, qui aggravent la précarité des ménages agricoles et pastoraux.
 
Le Tchad pourrait mobiliser davantage de financements pour accélérer sa transformation structurelle. L’exploitation de son capital naturel estimé à 75,4 milliards de dollars, ainsi que des instruments comme les obligations vertes et les partenariats public-privé, pourraient aider à financer son développement.

Une relance dépendant d'une meilleure gouvernance et d'un engagement réel

Ministre des Finances et du Budget
Ministre des Finances et du Budget

Alors que des réformes structurelles sont en cours, la question clé demeure : ces initiatives parviendront-elles à améliorer réellement les conditions de vie des ménages tchadiens ? La diversification économique, la modernisation des infrastructures et l’accès élargi à l’énergie sont des éléments essentiels pour sortir de la précarité.

Si les mesures annoncées dans le Pacte National de l’Énergie et les réformes économiques sont effectivement mises en œuvre, elles pourraient amorcer une transformation durable et inclusive. Cependant, leur succès dépendra de l’engagement du gouvernement et du secteur privé, ainsi que du soutien de la communauté internationale pour surmonter les défis structurels et humanitaires.

Les ménages tchadiens attendent désormais que ces promesses se concrétisent en améliorations tangibles de leur quotidien. Le défi pour le gouvernement sera non seulement de stabiliser les prix et de sécuriser l’accès aux biens essentiels, mais aussi d’investir dans une croissance inclusive et durable.




Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)