Par Dr MOUKADAS-NOURE Aboubakar
Un amalgame réel est constaté entre les déplacés qui fuient le Centrafrique pour trouver refuge dans les pays voisins. Et, comme pour accentuer cet amalgame, les organismes humanitaires ainsi que les agences Onusiennes se prêtent à ce « jeu » conceptuel ambiguë en utilisant officiellement le terme de « retourné (es) » pour désigner toutes les personnes internées dans des sites de la capitale Tchadienne. Est- ce à dire que pour ces honorables agences, toutes les personnes qui fuient le Centrafrique sont des étrangers qui regagnent leur pays d’origine ? Je suis tenté de le croire en observant la lenteur avec laquelle, les fonctionnaires de ces organisations considèrent et gèrent les différents cas qui se présentent à eux. Cela se traduit par des rendez-vous à n’en plus finir ainsi que le manque d’engouement pour traiter des cas urgents de certaines personnalités qui ont occupées des postes de responsabilités à des différents degrés en Centrafrique.
A propos des « retournés », une analyse des différentes strates sociales qui les composent s’impose dans la mesure où des individus qui ne sont Tchadiens que de « titre » ou de nom n’ont jamais foulé le sol tchadien. Alors, sont-ils des retournés ou on veut les forcer au retour ? Nonobstant le traumatisme psychologique dû à la perte de certains de leur proche, de leurs biens meubles et immeubles, ils sont victimes des railleries voire, du « regard des autres » pour qui connait un tant soit peu l’Afrique et ses mystères. A long terme, ces retournés pour échapper justement au regard des autres, lorgneront du coté des certaines préfectures situées dans les parties septentrionales de la RCA concrétisant du coup, cette idée de « partition » que je taxerai d’embryonnaire à partir du moment où elle couve encore dans l’imaginaire des victimes et qu’elle n’a pas encore pris corps. Au demeurant, n’oublions jamais qu’elles ont quitté le pays parce qu’ils sont persécutées, pourchassées personnellement ; qu’elles ne peuvent plus exercer librement leur culte du moment où les mosquées sont systématiquement détruites et pire encore, leurs morts sont enterrés dans des fosses communes ce qui, pour un Africain même s’il est de confession musulmane, constitue un affront. Notre pays a connu des mutineries, des coups d’Etat suivis des pertes en vie humaine à des échelles spatiales pour ne pas dire territoriales variées mais jamais, la pratique des fosses communes ne fut « instituée » pour ensevelir nos morts. Même en Bosnie, les victimes musulmanes ont eu droit à une sépulture normale autrement dit, il a été permis dans le pire de cas, aux survivants d’enterrer dignement leurs morts.
Quand aux « réfugiés » sur titre c’est-à- dire ces Centrafricains désemparés qui ont fui leur pays pour échapper au massacre, leur situation n’est guère mieux car, à l’allure où la situation sociale et économique se dégrade en Centrafrique, il leur faudra encore attendre longtemps pour revoir les eaux de l’Oubangui ainsi que les collines des bas-Oubangui…..Et entretemps, resteraient-ils les mêmes ? C’est- à - dire, ces commis de l’Etat centrafricain ayant bon gré mal gré servis leur pays mais, dont le tort fut d’être nés musulmans ou encore, le malheur d’avoir embrassé l’Islam comme religion.
Et la France dans tout cela ? Je connais la réponse officielle : « C’est aux Centrafricains de résoudre par eux-mêmes leurs problèmes ». Bien dit. Mais comment résoudre ces problèmes quand ceux là même qui les créent sont à l’origine de leur cause efficiente. La France, c’est comme ce père qui a posé son pied sur une « aiguille » et demande à ses fils de la retrouver coûte que coûte. Pour autant, les fils à force de chercher la fameuse aiguille arriveront un jour ou du moins, pour les plus entreprenant d’entre eux à « soulever » le respectable pied et là patatras, Papa pourra tomber. Suivez mon regard…
Dr MOUKADAS-NOURE Aboubakar
Enseignant-chercheur (Université de Bangui).
Conseiller au C.N.T (Conseil National de Transition)
Propos recueillis par Mahamat Ramadane