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ANALYSE

Tchad: comprendre la victoire du MPS aux législatives 2024


Alwihda Info | Par Olivier Noudjalbaye Dedingar, Expert-consultant international, humanitaire et journaliste indépendant. - 16 Janvier 2025



Les électeurs à l’occasion des législatives du 29 décembre 2024, pour la première fois depuis une décennie.
Les électeurs à l’occasion des législatives du 29 décembre 2024, pour la première fois depuis une décennie.
Moment décisif pour le Tchad, ce pays d'Afrique centrale a organisé ses premières élections parlementaires, régionales et municipales depuis plus d'une décennie. Cet événement très attendu, qui s'est tenu le 29 décembre, a marqué la fin d'une période de transition de trois ans, après le décès de l'ancien président Idriss Deby Itno en 2021.

Malgré les aspirations pour un changement démocratique, la méfiance des partis d’opposition et leurs inquiétudes quant à l’inclusivité, ont entravé le processus électoral.

Une décennie de démocratie retardée
Les élections ont eu des années de retard, non pas à cause de l'instabilité politique du pays, avec des reports répétés imputés à des préoccupations politiques et sécuritaires. Le Tchad, l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, est confronté à plusieurs défis, notamment un conflit régional, une insurrection et une instabilité politique.

Après la mort d'Idriss Deby Itno, son fils, Mahamat Idriss Deby, est devenu président lors d'une prise de pouvoir militaire controversée. Initialement positionné comme leader de la transition, la présidence de Mahamat Deby s’est solidifiée après l’élection présidentielle de mai 2024. Les élections législatives du 29 décembre ont été présentées comme une étape cruciale vers la réalisation des promesses de réforme démocratique.

Un paysage politique divisé
Les élections étaient très attendues, mais tous les Tchadiens ne les souhaitaient pas. Elles ont vu 8,3 millions d’électeurs inscrits sur les 18 millions d’habitants du Tchad, voter pour élire les représentants de l’Assemblée nationale qui compte 188 sièges.

Avec 95 sièges requis pour obtenir une majorité, plus de 100 partis politiques ont présenté environ 1 100 candidats. Cependant, le processus a été entaché par le boycott des principaux groupes d'opposition, notamment le parti Les Transformateurs, qui a qualifié les élections de ni libres ni équitables.

Le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), dirigé par Mahamat Zen Bada Abbas, est la force politique dominante au Tchad depuis 1996. Le MPS, qui compte désormais le président Mahamat Deby comme président d'honneur, contrôle le Parlement depuis des décennies.

Sa coalition avec des partis alliés comme le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès (RDP) a assuré une forte emprise sur le corps législatif. Parmi les autres partis notables présents aux élections, figuraient l'Union Nationale pour la Démocratie et le Renouveau (UNDR) et le Rassemblement National des Démocrates Tchadiens (RNDT). Même si les deux partis ont joué un rôle important dans l’histoire politique du Tchad, leur influence a été limitée par les divisions internes et la domination globale du MPS.

Les élections au Tchad se sont déroulées dans un contexte de graves problèmes de sécurité. La frontière orientale du pays reste instable en raison de la guerre en cours au Soudan, tandis que l’insurrection de Boko Haram continue de menacer les zones autour du lac Tchad. En outre, la décision du Tchad de mettre fin à un accord militaire avec la France a ajouté aux complexités du maintien de la stabilité.

Les groupes de défense des droits ont souligné que l'exclusion des principaux partis d'opposition mine la crédibilité du processus électoral. Le directeur national d’Amnesty International pour le Nigeria, Isa Sanusi, a fait remarquer qu’« il sera difficile d’organiser des élections crédibles sans inclusivité ».

Les élections législatives de décembre 2024 faisaient suite au référendum de décembre 2023, qui avait approuvé une nouvelle Constitution et ouvert la voie à de nouvelles élections. Les critiques ont alors accusé le gouvernement d’utiliser le référendum pour légitimer le maintien au pouvoir de Mahamat Deby.

La méfiance de l'opposition découle d'incidents antérieurs, tels que l'assassinat de l'opposant Yaya Dillo, membre du Parti socialiste sans frontières (PSF), en février 2023. La mort de Dillo, ainsi que la détention d'autres membres de l'opposition, ont alimenté les accusations de comportement répression politique. Les organisations de défense des droits humains ont également évoqué des abus dans la tristement célèbre prison de Koro Toro, au Tchad, où de nombreux membres de l’opposition sont toujours incarcérés.

La victoire du président Deby à l’élection présidentielle de mai 2024 a encore approfondi les divisions. Ayant obtenu 61,3 % des voix, malgré des allégations de fraude électorale, la victoire de Deby s’est heurtée à des allégations de fraude électorale et de répression de la dissidence. Son principal adversaire, Succes Masra, du parti Les Transformateurs, a accusé le gouvernement de saper les efforts de l'opposition et a démissionné de son poste de Premier ministre, pour reprendre son rôle de leader de l'opposition.

Résultats provisoires et réactions
Les résultats provisoires annoncés par la Commission électorale tchadienne le samedi 11 janvier, indiquent une victoire décisive du MPS, qui a remporté 124 des 188 sièges de l’Assemblée nationale.

Bien que le MPS considère les élections comme une étape vers la démocratie, le taux de participation de 51,56 % et les boycotts généralisés de l’opposition, ont soulevé des questions sur la légitimité du processus.

Les partis d'opposition ont rejeté les résultats, invoquant le caractère exclusif des élections et des irrégularités présumées. Les critiques affirment que les élections ont renforcé la perception d’une dynastie politique dirigée par la famille Deby, plutôt que de signifier un véritable progrès démocratique.

Des membres des tribus nomades tchadiennes de la région d'Ati dans un bureau de vote à Mandelia. Photo : Joris Bolomey/AFP
Des membres des tribus nomades tchadiennes de la région d'Ati dans un bureau de vote à Mandelia. Photo : Joris Bolomey/AFP



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