Tchad Info : Abel Aziz Kodok bonjour.
Abdel Aziz Kodok : Bonjour.
Tchad Info : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Abdel Aziz Kodok : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’accordez aujourd’hui pour exprimer la douleur qui me hante depuis quatorze longues années. Mon nom est Abdel Aziz Abdallah Mohamed Kodok. Je suis né en 1961 à Tiné, dans la sous-préfecture d’Iriba. Je suis diplômé de la Faculté de Médecine de l’université de Juba au sud Soudan en 1989 et suis médecin de profession. J'ai débuté ma carrière à l'hôpital militaire d'Omdurman au Soudan, puis en 1993, j’ai travaillé à l’hôpital général de référence nationale de N’djamena jusqu’au 14 juillet 1994. J’ai été pendant deux ans professeur d’anglais dans une école militaire (Camp du 27) à N’djamena. Je suis arrivé en France en juin 1995.Titulaire de plusieurs diplômes universitaires en médecine (échographie générale, gériatrie, épidémiologie/sida) à Paris V-René Descartes, DESS en Droit international humanitaire et droits de l’homme (Evry-Val-d’Essonne) et en Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS- diplôme de 3ème cycle). Je suis Président fondateur du Forum de Coopération pour le Développement Humain (FCDH) ; cofondateur de la structure « Réseau d’Appui aux Etats-Unis d’Afrique » ; Ancien Secrétaire Exécutif de la CMAP ; ancien membre du Bureau Politique du CNR et Président fondateur de la Convention Populaire de Résistance (CPR). Médecin contractuel dans plusieurs hôpitaux et cliniques de Paris, je suis, par ailleurs, consultant dans le domaine d’analyses stratégiques de plusieurs instituts spécialisés, gouvernements et personnalités politiques. Autrement, je suis entrepreneur dans les domaines de télécommunications, d’informatique et de reprographie. Passionné de musique, de théâtre, supporteur de l’équipe de foot de Liverpool en Angleterre. Enfin, je suis marié.
Tchad Info : Le 14 juillet 1994, vous avez été enlevé vers 1h30 du matin alors que vous dormiez dans votre maison à N’djamena. Expliquez-nous comment ça s’est passé.
Abdel Aziz Kodok : Cela fait 14 ans aujourd’hui. J’ai passé normalement la journée du 14 juillet 1994 à l’hôpital. Depuis plusieurs jours déjà, je recevais des visites anormales. Des personnes peu connues voire inconnues venaient me voir chez moi, parlant des maladies ou celles de leurs parents. Certaines accompagnaient leurs parents. Des anciens militants du CNR passaient me voir et se plaignaient de la situation politique du pays. Je croisais également des visages bizarres dans les rues ou dans des manifestations à caractère social. Je me sentais donc poursuivi ou surveillé sans être pour autant sur mes gardes. Vers 16h00 ce jour-là, je suis sorti avec un ami dans ma voiture R4 blanche bien connue à N'Djamena. Tout d’abord, on est allé vers l’aéroport à l’autre bout de la piste d’atterrissage dans le faubourg Est mais par l’extérieur jouxtant la forêt, juste pour voir les gens jouer au foot. Un motard avec une casquette nous a avait suivis jusqu’au terrain de foot. Je ne le connaissais pas mais mon ami le connaissait superficiellement. Le motard a bavardé un peu avec nous et puis est reparti avant nous. En route, vers 19h00, on a vu d'un peu loin quatre personnes en civil, peu connues des habitants du quartier, juste en face de ma maison.
Avant de repartir vers 21h pour rendre visite à un parent, nous avons été hélés par une voisine qui nous a dit de faire attention, car elle pensait que les militaires voulaient tuer quelqu'un d’important dans notre quartier. J’ai pris cette remarque au sérieux ayant en mémoire la suite de faits insolites et étranges des jours précédents, mais j’ai tout de même décidé d'aller voir ce parent. Celui-ci a été plus naïf que moi, car il a catégoriquement exclu toute hypothèse d'arrestation ou d'assassinat. Il est militaire mais n’a cependant pas du tout le sens de la sécurité.
Je suis rentré chez moi à 00h47 exactement. Il pleuvait fortement. Les quatre personnes étaient toujours là, assises, mais, cette fois-ci, il y avait deux véhicules Renault tout neufs stationnés tout près. En réfléchissant un peu, je me suis dit que quelque chose ne pouvait quand même pas se produire cette nuit-là. En France, cette journée de la fête nationale du 14 juillet est toute autre chose ! Vers 1h20, un bruit de bottes m'a réveillé. Regardant par les fenêtres, j'ai vu des militaires sauter par-dessus le mur extérieur pour entrer chez moi. J'ai réveillé mes trois frères qui étaient alors avec moi, en leur disant, pour ne pas trop les effrayer, que des voleurs pénétraient dans la maison. Puis, j'ai allumé la lumière à l'extérieur, et une forte lumière qui exposait les militaires au danger direct d'être des cibles. Ils s’étaient mis à terre tout en criant qu'ils n'étaient pas des voleurs mais des militaires sous ordre du gouvernement pour une mission ordinaire et pacifique. A ce moment là, il y a eu des mouvements et murmures à l'extérieur, ceux des autres militaires qui étaient restés dehors et qui étaient effrayés eux aussi par les cris de leurs camarades chargés de m'arrêter. J'ai aussitôt éteint la lumière extérieure et allumé celle de l'intérieur puis j'ai dit à mes frères que les militaires étaient venus me chercher mais qu'ils devaient garder leur calme. J’ai alors ouvert la porte et ils sont entrés avec une terrible violence, je suis sorti les mains levées et ils m'ont demandé de me mettre à terre.
Tchad Info : Quel est le nombre des soldats qui étaient venus vous enlever ?
Abdel Aziz Kodok : Ils étaient, m'a-t-il semblé, à plus de soixante à bord d'une quinzaine de véhicules militaires de type Toyota. Il y avait aussi trois véhicules Renault de l'ANS et deux chars blindés aux deux bouts de la rue. Plusieurs hommes étaient postés sur le mur et gardaient tous les axes du quartier.
Tchad Info : Quel quartier ?
Abdel Aziz Kodok : Le quartier Goudji.
Tchad Info : Avez-vous reconnu certains d’entre eux ?
Abdel Aziz Kodok : Certainement ! J’ai reconnu le Commandant de Bataillon Sebi Aguid, commandant de la Garde Républicaine (GR) ; le Commandant de Bataillon Kérim Nassour, commandant de la Sécurité Rapprochée du Président (SR). Ces deux officiers sont morts. J’ai reconnu également Abdel Kérim Abdallah, Directeur adjoint de l’ANS et son chauffeur Mahjoub. Ces deux-là sont des anciens de la DDS d’Hissène Habré. Il y avait le Capitaine Tahir Chogar ; le Commissaire Abdoulaye, chef de service à l’ANS, etc.
Abdel Aziz Kodok : Bonjour.
Tchad Info : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Abdel Aziz Kodok : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’accordez aujourd’hui pour exprimer la douleur qui me hante depuis quatorze longues années. Mon nom est Abdel Aziz Abdallah Mohamed Kodok. Je suis né en 1961 à Tiné, dans la sous-préfecture d’Iriba. Je suis diplômé de la Faculté de Médecine de l’université de Juba au sud Soudan en 1989 et suis médecin de profession. J'ai débuté ma carrière à l'hôpital militaire d'Omdurman au Soudan, puis en 1993, j’ai travaillé à l’hôpital général de référence nationale de N’djamena jusqu’au 14 juillet 1994. J’ai été pendant deux ans professeur d’anglais dans une école militaire (Camp du 27) à N’djamena. Je suis arrivé en France en juin 1995.Titulaire de plusieurs diplômes universitaires en médecine (échographie générale, gériatrie, épidémiologie/sida) à Paris V-René Descartes, DESS en Droit international humanitaire et droits de l’homme (Evry-Val-d’Essonne) et en Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS- diplôme de 3ème cycle). Je suis Président fondateur du Forum de Coopération pour le Développement Humain (FCDH) ; cofondateur de la structure « Réseau d’Appui aux Etats-Unis d’Afrique » ; Ancien Secrétaire Exécutif de la CMAP ; ancien membre du Bureau Politique du CNR et Président fondateur de la Convention Populaire de Résistance (CPR). Médecin contractuel dans plusieurs hôpitaux et cliniques de Paris, je suis, par ailleurs, consultant dans le domaine d’analyses stratégiques de plusieurs instituts spécialisés, gouvernements et personnalités politiques. Autrement, je suis entrepreneur dans les domaines de télécommunications, d’informatique et de reprographie. Passionné de musique, de théâtre, supporteur de l’équipe de foot de Liverpool en Angleterre. Enfin, je suis marié.
Tchad Info : Le 14 juillet 1994, vous avez été enlevé vers 1h30 du matin alors que vous dormiez dans votre maison à N’djamena. Expliquez-nous comment ça s’est passé.
Abdel Aziz Kodok : Cela fait 14 ans aujourd’hui. J’ai passé normalement la journée du 14 juillet 1994 à l’hôpital. Depuis plusieurs jours déjà, je recevais des visites anormales. Des personnes peu connues voire inconnues venaient me voir chez moi, parlant des maladies ou celles de leurs parents. Certaines accompagnaient leurs parents. Des anciens militants du CNR passaient me voir et se plaignaient de la situation politique du pays. Je croisais également des visages bizarres dans les rues ou dans des manifestations à caractère social. Je me sentais donc poursuivi ou surveillé sans être pour autant sur mes gardes. Vers 16h00 ce jour-là, je suis sorti avec un ami dans ma voiture R4 blanche bien connue à N'Djamena. Tout d’abord, on est allé vers l’aéroport à l’autre bout de la piste d’atterrissage dans le faubourg Est mais par l’extérieur jouxtant la forêt, juste pour voir les gens jouer au foot. Un motard avec une casquette nous a avait suivis jusqu’au terrain de foot. Je ne le connaissais pas mais mon ami le connaissait superficiellement. Le motard a bavardé un peu avec nous et puis est reparti avant nous. En route, vers 19h00, on a vu d'un peu loin quatre personnes en civil, peu connues des habitants du quartier, juste en face de ma maison.
Avant de repartir vers 21h pour rendre visite à un parent, nous avons été hélés par une voisine qui nous a dit de faire attention, car elle pensait que les militaires voulaient tuer quelqu'un d’important dans notre quartier. J’ai pris cette remarque au sérieux ayant en mémoire la suite de faits insolites et étranges des jours précédents, mais j’ai tout de même décidé d'aller voir ce parent. Celui-ci a été plus naïf que moi, car il a catégoriquement exclu toute hypothèse d'arrestation ou d'assassinat. Il est militaire mais n’a cependant pas du tout le sens de la sécurité.
Je suis rentré chez moi à 00h47 exactement. Il pleuvait fortement. Les quatre personnes étaient toujours là, assises, mais, cette fois-ci, il y avait deux véhicules Renault tout neufs stationnés tout près. En réfléchissant un peu, je me suis dit que quelque chose ne pouvait quand même pas se produire cette nuit-là. En France, cette journée de la fête nationale du 14 juillet est toute autre chose ! Vers 1h20, un bruit de bottes m'a réveillé. Regardant par les fenêtres, j'ai vu des militaires sauter par-dessus le mur extérieur pour entrer chez moi. J'ai réveillé mes trois frères qui étaient alors avec moi, en leur disant, pour ne pas trop les effrayer, que des voleurs pénétraient dans la maison. Puis, j'ai allumé la lumière à l'extérieur, et une forte lumière qui exposait les militaires au danger direct d'être des cibles. Ils s’étaient mis à terre tout en criant qu'ils n'étaient pas des voleurs mais des militaires sous ordre du gouvernement pour une mission ordinaire et pacifique. A ce moment là, il y a eu des mouvements et murmures à l'extérieur, ceux des autres militaires qui étaient restés dehors et qui étaient effrayés eux aussi par les cris de leurs camarades chargés de m'arrêter. J'ai aussitôt éteint la lumière extérieure et allumé celle de l'intérieur puis j'ai dit à mes frères que les militaires étaient venus me chercher mais qu'ils devaient garder leur calme. J’ai alors ouvert la porte et ils sont entrés avec une terrible violence, je suis sorti les mains levées et ils m'ont demandé de me mettre à terre.
Tchad Info : Quel est le nombre des soldats qui étaient venus vous enlever ?
Abdel Aziz Kodok : Ils étaient, m'a-t-il semblé, à plus de soixante à bord d'une quinzaine de véhicules militaires de type Toyota. Il y avait aussi trois véhicules Renault de l'ANS et deux chars blindés aux deux bouts de la rue. Plusieurs hommes étaient postés sur le mur et gardaient tous les axes du quartier.
Tchad Info : Quel quartier ?
Abdel Aziz Kodok : Le quartier Goudji.
Tchad Info : Avez-vous reconnu certains d’entre eux ?
Abdel Aziz Kodok : Certainement ! J’ai reconnu le Commandant de Bataillon Sebi Aguid, commandant de la Garde Républicaine (GR) ; le Commandant de Bataillon Kérim Nassour, commandant de la Sécurité Rapprochée du Président (SR). Ces deux officiers sont morts. J’ai reconnu également Abdel Kérim Abdallah, Directeur adjoint de l’ANS et son chauffeur Mahjoub. Ces deux-là sont des anciens de la DDS d’Hissène Habré. Il y avait le Capitaine Tahir Chogar ; le Commissaire Abdoulaye, chef de service à l’ANS, etc.
Tchad Info : Quel était le climat politique au Tchad à l'époque?
Abdel Aziz Kodok : Contrairement à l'atmosphère qui régnait lors de l'enlèvement de Ibni Oumar Mahamat Saleh en février 2008, N’djamena était, en 1994, très calme et très paisible quand j’ai été enlevé. C’était la période post-Conférence Nationale Souveraine (CNS) tenue en 1993. Beaucoup espéraient à un changement ou une alternance pacifique. Il n'y avait pas de troubles dans l’Est où le CNR opérait ni dans le lac avec le MDD ou dans le Sud où le CSNPD de Keité Moise qui participait à la Conférence Nationale n'avait fait de bruit. Sur un souhait explicite de la France, le Soudan, la Libye, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et la RCA interdisaient formellement toute action hostile à l’égard du régime de N’Djamena.
Tchad Info : Vous a-t-on brutalisé au moment de votre interpellation?
Abdel Aziz Kodok : A part quelques gestes d'intimidation, je peux dire que non. J'ai vu le Commandant Sebi Aguid très inquiet, qui allait et venait, faisant des aller-retours en parlant sur son Talkie Walkie. Il disait : "Pas d’armes, pas d'armes", …"Il est seul" ; "Non, tout seul" en langue Zaghawa.
Tchad Info : Que vous a-t-on dit sur-le-champ ?
Abdel Aziz Kodok : « Où est le Docteur ? » « Et les armes? » « Où sont les armes ? » « Où sont les rebelles? » « Et Hachim? » Ils fouillaient partout en cassant les placards et jetant les matelas. Je répondis : "C'est moi le Docteur Abdel Aziz". Ils avaient tellement peur qu'ils ne me voyaient pas alors que j'étais debout devant eux. Certains me connaissaient parfaitement. Ils faisaient partie de ceux qui venaient pour des consultations bidons. Ils ne me voyaient pas!!! Je crois qu’ils avaient pour mission de m’assassiner, mais le commandant Sebi Aguid n’avait pas été mis au courant alors qu’il commandait la force de protection de mon arrestation. Quant au Commandant Kérim Nassour, il était très tendu et agité. J’ai vu la déception sur son visage. L’entrée de la maison lui avait été interdite par Sebi Aguid. La mission de m’assassiner avait-elle été formellement confiée à Kérim Nassour ? Oui, je crois que le pire lui avait été confié. Les agents de l'ANS ont pris tous mes biens, surtout, les documents.
Tchad Info : Lesquels documents?
Abdel Aziz Kodok : Des Diplômes, une somme importante d'argent, des chèques, des certificats, des livres, des cahiers, des ordonnances, des documents d'accession à la propriété d'une de mes maisons, des cassettes, des sacs appartenant aux autres personnes déposés chez moi, dont j’ignorais le contenu. Ils cherchaient tout justificatif ou toute preuve qui pourrait me lier aux rebelles. Ils ont pris des vêtements, de nombreux objets de valeur. Ils ont vidé toute la maison. A ma libération, j'ai beaucoup insisté auprès des services de l'ANS et des RG afin de récupérer au moins les diplômes, mais en vain. Seule ma voiture R4 m'a été remise. En France, en raison de la perte de ces documents, j'ai eu beaucoup de difficultés à me retrouver.
Tchad Info : Est-ce que vos ravisseurs vous ont bandé les yeux au moment de vous embarquer ?
Abdel Aziz Kodok : Non. Après une brève conversation au Talkie Walkie, le défunt Sebi Aguid m’a demandé de me lever et de le suivre. A la sortie de l’enceinte de la maison, c’était Abdel Kérim Abdallah, le Directeur général adjoint de l’ANS, qui m’attendait avec Kérim Nassour. On m'a tout de suite passé les menottes et fait monter dans la voiture de l’ANS, une Renault 405 toute neuve.
Tchad Info : Où vous a-t-on emmené ?
Abdel Aziz Kodok : Aux locaux de la GR (Garde Républicaine) puis à l’ANS (Agence Nationale de Sécurité).
Tchad Info : Avez-vous vu d’autres personnes maintenues en détention ?
Abdel Aziz Kodok : Une seule personne, c'était dans la salle de torture de l’ANS, vers 4h00 du matin. C’était Mahamat Koti Yacoub, le frère de feu le Colonel Abbas Koty Yacoub, assassiné le 22 octobre 1993 à N'Djamena par une force mixte composée de la GR et de la SR. Mahamat Koti est mon oncle maternel. Il a été brutalement torturé et a failli perdre un œil et une main. En fait, Mahamat Koti venait du Maquis dans l'Est afin de passer discrètement par N'Djamena pour rejoindre la ville de Kousseri au Cameroun. Les services de l'ANS l'ont attrapé cette nuit-là vers 22h00 dans une maison située à Diguel. Idriss Deby a trouvé que cette occasion était bonne pour me supprimer, faisant ainsi d'une pierre deux coups. C'est toute l’histoire.
Abdel Aziz Kodok : Contrairement à l'atmosphère qui régnait lors de l'enlèvement de Ibni Oumar Mahamat Saleh en février 2008, N’djamena était, en 1994, très calme et très paisible quand j’ai été enlevé. C’était la période post-Conférence Nationale Souveraine (CNS) tenue en 1993. Beaucoup espéraient à un changement ou une alternance pacifique. Il n'y avait pas de troubles dans l’Est où le CNR opérait ni dans le lac avec le MDD ou dans le Sud où le CSNPD de Keité Moise qui participait à la Conférence Nationale n'avait fait de bruit. Sur un souhait explicite de la France, le Soudan, la Libye, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et la RCA interdisaient formellement toute action hostile à l’égard du régime de N’Djamena.
Tchad Info : Vous a-t-on brutalisé au moment de votre interpellation?
Abdel Aziz Kodok : A part quelques gestes d'intimidation, je peux dire que non. J'ai vu le Commandant Sebi Aguid très inquiet, qui allait et venait, faisant des aller-retours en parlant sur son Talkie Walkie. Il disait : "Pas d’armes, pas d'armes", …"Il est seul" ; "Non, tout seul" en langue Zaghawa.
Tchad Info : Que vous a-t-on dit sur-le-champ ?
Abdel Aziz Kodok : « Où est le Docteur ? » « Et les armes? » « Où sont les armes ? » « Où sont les rebelles? » « Et Hachim? » Ils fouillaient partout en cassant les placards et jetant les matelas. Je répondis : "C'est moi le Docteur Abdel Aziz". Ils avaient tellement peur qu'ils ne me voyaient pas alors que j'étais debout devant eux. Certains me connaissaient parfaitement. Ils faisaient partie de ceux qui venaient pour des consultations bidons. Ils ne me voyaient pas!!! Je crois qu’ils avaient pour mission de m’assassiner, mais le commandant Sebi Aguid n’avait pas été mis au courant alors qu’il commandait la force de protection de mon arrestation. Quant au Commandant Kérim Nassour, il était très tendu et agité. J’ai vu la déception sur son visage. L’entrée de la maison lui avait été interdite par Sebi Aguid. La mission de m’assassiner avait-elle été formellement confiée à Kérim Nassour ? Oui, je crois que le pire lui avait été confié. Les agents de l'ANS ont pris tous mes biens, surtout, les documents.
Tchad Info : Lesquels documents?
Abdel Aziz Kodok : Des Diplômes, une somme importante d'argent, des chèques, des certificats, des livres, des cahiers, des ordonnances, des documents d'accession à la propriété d'une de mes maisons, des cassettes, des sacs appartenant aux autres personnes déposés chez moi, dont j’ignorais le contenu. Ils cherchaient tout justificatif ou toute preuve qui pourrait me lier aux rebelles. Ils ont pris des vêtements, de nombreux objets de valeur. Ils ont vidé toute la maison. A ma libération, j'ai beaucoup insisté auprès des services de l'ANS et des RG afin de récupérer au moins les diplômes, mais en vain. Seule ma voiture R4 m'a été remise. En France, en raison de la perte de ces documents, j'ai eu beaucoup de difficultés à me retrouver.
Tchad Info : Est-ce que vos ravisseurs vous ont bandé les yeux au moment de vous embarquer ?
Abdel Aziz Kodok : Non. Après une brève conversation au Talkie Walkie, le défunt Sebi Aguid m’a demandé de me lever et de le suivre. A la sortie de l’enceinte de la maison, c’était Abdel Kérim Abdallah, le Directeur général adjoint de l’ANS, qui m’attendait avec Kérim Nassour. On m'a tout de suite passé les menottes et fait monter dans la voiture de l’ANS, une Renault 405 toute neuve.
Tchad Info : Où vous a-t-on emmené ?
Abdel Aziz Kodok : Aux locaux de la GR (Garde Républicaine) puis à l’ANS (Agence Nationale de Sécurité).
Tchad Info : Avez-vous vu d’autres personnes maintenues en détention ?
Abdel Aziz Kodok : Une seule personne, c'était dans la salle de torture de l’ANS, vers 4h00 du matin. C’était Mahamat Koti Yacoub, le frère de feu le Colonel Abbas Koty Yacoub, assassiné le 22 octobre 1993 à N'Djamena par une force mixte composée de la GR et de la SR. Mahamat Koti est mon oncle maternel. Il a été brutalement torturé et a failli perdre un œil et une main. En fait, Mahamat Koti venait du Maquis dans l'Est afin de passer discrètement par N'Djamena pour rejoindre la ville de Kousseri au Cameroun. Les services de l'ANS l'ont attrapé cette nuit-là vers 22h00 dans une maison située à Diguel. Idriss Deby a trouvé que cette occasion était bonne pour me supprimer, faisant ainsi d'une pierre deux coups. C'est toute l’histoire.
Tchad Info : Que vous reprochait-on ?
Abdel Aziz Kodok : L’interrogatoire s’est déroulé en Arabe local et en langue Béri (Zaghawa). Dans des termes bidons mais que je peux résumer en termes juridiques, on m'a reproché les faits suivants :
- Atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat ;
- Tentative de déstabilisation des institutions légales de la République ;
- Troubles exceptionnels de l’ordre public ;
- Tentative d’élimination de certaines hautes personnalités de l’Etat pour venger le Colonel Abbas Koty ;
- Association avec une organisation illégale, en l’occurrence le CNR ;
- Détention illégale d’armes !!! Ils n'ont trouvé que des papiers, des livres, des stylos, des documents personnels et administratifs qui sont encore en leur possession ;
- Hébergement des rebelles !!! Accusation étrange car ceux qui m'ont enlevé n'ont vu que des membres de ma famille. C’était de pures affabulations.
- Intelligence avec de chancelleries étrangères, en l’occurrence les ambassades de France, des Etats-Unis d’Amérique, du Soudan et de l’Egypte. J’étais donc censé être la tête pensante et l'instigateur de la rébellion.
- Enfin, l’officier de l’ANS m’a dit : « Sache que le pays est bien gardé. » Et puis : « Nous ne dormons pas la nuit comme tu faisais !!! » C’est vrai qu’ils ne dormaient pas la nuit mais ils n’arrivaient quand même pas à arrêter les rebelles entrant dans la capitale à deux reprises.
Tchad Info : Quelle était votre attitude ?
Abdel Aziz Kodok : J’étais sincèrement sûr et serein. J’ai vite compris que c'était un coup monté contre moi. J’ai rapidement repassé le film de la journée et des jours précédents, et j'ai pensé alors qu'il ne servirait à rien de paniquer et que ce qui devait se passer se passerait, un point c'est tout.
Tchad Info : Comment votre interrogatoire s’est-il déroulé ?
Abdel Aziz Kodok : Arrivé aux locaux de l’ANS, on était déjà vers 03h00 du matin. J’étais enfermé dans un petit bureau jusqu’à 04h00 du matin. Les yeux bandés, j’ai été poussé dans une grande salle de torture. Il y avait beaucoup d’objets et appareils de torture. Une fois le bandeau enlevé des yeux, j’ai vu trois agents de torture, le Directeur adjoint et un officier de la garde républicaine. Ils ont exposé plusieurs catégories d’armes de différents calibres. Il a fait un long exposé de faits en m’accusant d’être l’instigateur de plusieurs complots contre le régime, disant que leur patience avait atteint des limites et que je m’étais retrouvé en flagrant délit. J’ai nié catégoriquement ces accusations en disant que j’étais innocent. Puis j’ai dénoncé la façon dont j’avais été arrêté.
A partir de ce moment-là, la séance de la torture a commencé. Le Directeur adjoint nous a quittés. Après trente minutes de torture physique, j’ai été amené dans le bureau du Directeur adjoint. Mahamat Koti à terre, mouillé de sang partout. Il a organisé une confrontation avec Mahamat Koti après avoir autorisé qu’on me retire les menottes. Il m’a demandé si je le connaissais, sa mission et beaucoup d’autres choses. A la fin, il a jeté devant moi une copie d’un papier manuscrit sur lequel était écrit un accord entre le CNR et le MDD. Les signataires étaient Adam Yacoub (Koukou) et un certain Amin Moussa. Il a insisté sur le fait que ce papier a été retrouvé chez moi par ses services. C’est faux. D’ailleurs, ils ont pris tous mes biens, les documents essentiels, l’argent. Ils ont tout vidé. Il a ordonné de m’amener au dépôt (la cellule), c’était vers 06h30 du matin.
Tchad Info : Avez-vous subi d’autres formes d'actes de torture ?
Abdel Aziz Kodok : Oui. Tortures physiques : coups, menaces, injures, secousses électriques, bastonnade, avec une cagoule sur la tête, feu de cigarette sur la main. Le pire, c'était la cagoule. Car je ne savais pas d'où venait le prochain coup, de quel coté. C'était terrible. J'ai toujours des séquelles de cette épreuve. J'ai aussi subi la torture psychologique qui consistait en l’isolation dans une petite cellule en semi-sous-sol au mois d'août, période où la température est à plus de 42°C, mains et pieds ligotés jour et nuit et privé presque d'eau et de nourriture pendant quarante-cinq jours). A la suite de cette torture, j'ai été hospitalisé pendant quatre mois et puis évacué en France où j'ai subi une grosse opération chirurgicale.
Tchad Info : Combien de temps avez-vous passé en cellule ?
Abdel Aziz Kodok : 45 jours. Le reste du temps, je l'ai passé à la prison des Renseignements Généraux (RG) avec les autres détenus du CNR qui ont été détenus juste après l’assassinat du Colonel Koty. Nous étions 10 personnes au total. J’ai passé, comme je l'ai dit, un séjour prolongé à l’hôpital général de référence nationale de N’Djamena pendant la détention et après notre libération grâce à une loi d’amnistie présidentielle. En fait, je suis tombé malade juste après être sorti de cellule. Arrivé à la prison des RG, nous avons été signalés que nous deux n’avions aucun dossier en bonne et due forme. L’ANS a demandé de nous y faire séjourner comme ça. Ce n’est qu’après qu’ils ont monté un dossier de toutes pièces!!! Malgré l’insistance du Directeur des RG, la Présidence a refusé mon hospitalisation. C’était à la suite de fortes pressions que le Directeur de Cabinet Civile, en l’occurrence Timane Erdimi, a autorisé mon hospitalisation. Cette décision a été suivie par une mesure plus contraignante de sécurité. Dans ma chambre d’hôpital, il y avait deux lits dont un pour un militaire de la Sécurité Rapprochée de la Présidence !!! Un policier placé à l’extérieur pour empêcher les personnes susceptibles de venir me rendre visite.
Tchad Info : Votre arrestation a-t-elle été commanditée et par qui ?
Abdel Aziz Kodok : A votre avis, qui, à par le Président de la République, peut ordonner un tel mouvement de troupes à cette heure-là dans la capitale? Par ailleurs, les unités telles que la Garde Républicaine (GR), la Sécurité Rapprochée (SR) et l'Agence Nationale de Sécurité (ANS) étaient des organes non constitutionnels, placés directement sous l’autorité d’Idriss Deby. Ils n'agissaient que sur ses ordres. Mon arrestation était donc commanditée, à l'évidence, par le Président Idriss Deby.
Tchad Info : Idriss Deby vous a-t-il rendu visite quand vous étiez en cellule pour vous reprocher quelque chose?
Abdel Aziz Kodok : Non. En revanche, après presque deux semaines de détention au secret, trois officiers de la SR armés de pistolets, en tenue militaire propre et à visages découverts sont venus me voir dans ma cellule tard dans la nuit. Ils m’ont textuellement, toujours en langue Beri, dit ceci: "Docteur, après avoir analysé vos dires, nous n’avons pas pu établir une bonne corrélation avec ce dont vous avez été accusé. Tous ceux qui ont été arrêtés avec vous, ont été relâchés car ils n’ont protégé personne et ils ont dit la vérité. C’est dans votre intérêt de dire la vérité. Il vous sera très difficile de sortir de cette cellule si vous persistez dans votre position. Abbas Koty a été supprimé. Donc vous…"
C'est toujours le même qui parle. Un très jeune officier, apparemment poli et qui maîtrise bien langue de Béri que je parle également. Le Talkie Walkie de couleur rouge était toujours réglé de façon que d’autres personnes puissent entendre. Devine qui ? Un d’entre eux était très embêté, il répugnait à me voir dans cette situation. Mains et pieds ligotés, à terre, très sale. Mais ils ont compris que j'avais la détermination et le courage. Après à peu près une demi-heure d'interrogatoire, ils se sont levés, puis bien regardé la cellule. Je leur ai demandé de m'apporter un verre d’eau, mais ils m'ont quitté sans réponse. A ce moment-là, dans mon for intérieur, je me disais que je ne sortirai pas de cette pièce et qu'allais mourir.
Tchad Info : Quelle était à peu près la dimension de votre cellule ?
Abdel Aziz Kodok : Deux mètres sur un mètre et demi environ. La cellule était située dans un coin d’une maison habitée par un dignitaire proche du Président Deby. Pas très loin, il y avait une grande salle où plus de quarante marabouts faisaient des prières et des invocations (Douàà). Ils commençaient à partir de minuit. C'était des étrangers mais d'origine africaine. Je les ai vus le jour de mon transfert à la prison des RG, le 26 août 1994. J'entendais tout ce qui se passait à l’extérieur, les cris des enfants, les bruits de véhicules qui venaient et repartaient sans cesse toute la nuit, l'atmosphère était très calme pendant la journée dans cette résidence. Les activités commençaient à partir de minuit. Ma montre était la sirène du Premier Ministre Kassiré Coumakoye !!! Il commençait sa journée à 10h00 et finissait à 16h00. Donc, j’imaginais l’heure qu’il était en faisant une estimation horaire par rapport à ça !!! Parfois, je demandais l'heure à ma sentinelle. Il était gentil mais ferme. Dans la pièce, je sentais des odeurs de la viande hachée.
Abdel Aziz Kodok : L’interrogatoire s’est déroulé en Arabe local et en langue Béri (Zaghawa). Dans des termes bidons mais que je peux résumer en termes juridiques, on m'a reproché les faits suivants :
- Atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat ;
- Tentative de déstabilisation des institutions légales de la République ;
- Troubles exceptionnels de l’ordre public ;
- Tentative d’élimination de certaines hautes personnalités de l’Etat pour venger le Colonel Abbas Koty ;
- Association avec une organisation illégale, en l’occurrence le CNR ;
- Détention illégale d’armes !!! Ils n'ont trouvé que des papiers, des livres, des stylos, des documents personnels et administratifs qui sont encore en leur possession ;
- Hébergement des rebelles !!! Accusation étrange car ceux qui m'ont enlevé n'ont vu que des membres de ma famille. C’était de pures affabulations.
- Intelligence avec de chancelleries étrangères, en l’occurrence les ambassades de France, des Etats-Unis d’Amérique, du Soudan et de l’Egypte. J’étais donc censé être la tête pensante et l'instigateur de la rébellion.
- Enfin, l’officier de l’ANS m’a dit : « Sache que le pays est bien gardé. » Et puis : « Nous ne dormons pas la nuit comme tu faisais !!! » C’est vrai qu’ils ne dormaient pas la nuit mais ils n’arrivaient quand même pas à arrêter les rebelles entrant dans la capitale à deux reprises.
Tchad Info : Quelle était votre attitude ?
Abdel Aziz Kodok : J’étais sincèrement sûr et serein. J’ai vite compris que c'était un coup monté contre moi. J’ai rapidement repassé le film de la journée et des jours précédents, et j'ai pensé alors qu'il ne servirait à rien de paniquer et que ce qui devait se passer se passerait, un point c'est tout.
Tchad Info : Comment votre interrogatoire s’est-il déroulé ?
Abdel Aziz Kodok : Arrivé aux locaux de l’ANS, on était déjà vers 03h00 du matin. J’étais enfermé dans un petit bureau jusqu’à 04h00 du matin. Les yeux bandés, j’ai été poussé dans une grande salle de torture. Il y avait beaucoup d’objets et appareils de torture. Une fois le bandeau enlevé des yeux, j’ai vu trois agents de torture, le Directeur adjoint et un officier de la garde républicaine. Ils ont exposé plusieurs catégories d’armes de différents calibres. Il a fait un long exposé de faits en m’accusant d’être l’instigateur de plusieurs complots contre le régime, disant que leur patience avait atteint des limites et que je m’étais retrouvé en flagrant délit. J’ai nié catégoriquement ces accusations en disant que j’étais innocent. Puis j’ai dénoncé la façon dont j’avais été arrêté.
A partir de ce moment-là, la séance de la torture a commencé. Le Directeur adjoint nous a quittés. Après trente minutes de torture physique, j’ai été amené dans le bureau du Directeur adjoint. Mahamat Koti à terre, mouillé de sang partout. Il a organisé une confrontation avec Mahamat Koti après avoir autorisé qu’on me retire les menottes. Il m’a demandé si je le connaissais, sa mission et beaucoup d’autres choses. A la fin, il a jeté devant moi une copie d’un papier manuscrit sur lequel était écrit un accord entre le CNR et le MDD. Les signataires étaient Adam Yacoub (Koukou) et un certain Amin Moussa. Il a insisté sur le fait que ce papier a été retrouvé chez moi par ses services. C’est faux. D’ailleurs, ils ont pris tous mes biens, les documents essentiels, l’argent. Ils ont tout vidé. Il a ordonné de m’amener au dépôt (la cellule), c’était vers 06h30 du matin.
Tchad Info : Avez-vous subi d’autres formes d'actes de torture ?
Abdel Aziz Kodok : Oui. Tortures physiques : coups, menaces, injures, secousses électriques, bastonnade, avec une cagoule sur la tête, feu de cigarette sur la main. Le pire, c'était la cagoule. Car je ne savais pas d'où venait le prochain coup, de quel coté. C'était terrible. J'ai toujours des séquelles de cette épreuve. J'ai aussi subi la torture psychologique qui consistait en l’isolation dans une petite cellule en semi-sous-sol au mois d'août, période où la température est à plus de 42°C, mains et pieds ligotés jour et nuit et privé presque d'eau et de nourriture pendant quarante-cinq jours). A la suite de cette torture, j'ai été hospitalisé pendant quatre mois et puis évacué en France où j'ai subi une grosse opération chirurgicale.
Tchad Info : Combien de temps avez-vous passé en cellule ?
Abdel Aziz Kodok : 45 jours. Le reste du temps, je l'ai passé à la prison des Renseignements Généraux (RG) avec les autres détenus du CNR qui ont été détenus juste après l’assassinat du Colonel Koty. Nous étions 10 personnes au total. J’ai passé, comme je l'ai dit, un séjour prolongé à l’hôpital général de référence nationale de N’Djamena pendant la détention et après notre libération grâce à une loi d’amnistie présidentielle. En fait, je suis tombé malade juste après être sorti de cellule. Arrivé à la prison des RG, nous avons été signalés que nous deux n’avions aucun dossier en bonne et due forme. L’ANS a demandé de nous y faire séjourner comme ça. Ce n’est qu’après qu’ils ont monté un dossier de toutes pièces!!! Malgré l’insistance du Directeur des RG, la Présidence a refusé mon hospitalisation. C’était à la suite de fortes pressions que le Directeur de Cabinet Civile, en l’occurrence Timane Erdimi, a autorisé mon hospitalisation. Cette décision a été suivie par une mesure plus contraignante de sécurité. Dans ma chambre d’hôpital, il y avait deux lits dont un pour un militaire de la Sécurité Rapprochée de la Présidence !!! Un policier placé à l’extérieur pour empêcher les personnes susceptibles de venir me rendre visite.
Tchad Info : Votre arrestation a-t-elle été commanditée et par qui ?
Abdel Aziz Kodok : A votre avis, qui, à par le Président de la République, peut ordonner un tel mouvement de troupes à cette heure-là dans la capitale? Par ailleurs, les unités telles que la Garde Républicaine (GR), la Sécurité Rapprochée (SR) et l'Agence Nationale de Sécurité (ANS) étaient des organes non constitutionnels, placés directement sous l’autorité d’Idriss Deby. Ils n'agissaient que sur ses ordres. Mon arrestation était donc commanditée, à l'évidence, par le Président Idriss Deby.
Tchad Info : Idriss Deby vous a-t-il rendu visite quand vous étiez en cellule pour vous reprocher quelque chose?
Abdel Aziz Kodok : Non. En revanche, après presque deux semaines de détention au secret, trois officiers de la SR armés de pistolets, en tenue militaire propre et à visages découverts sont venus me voir dans ma cellule tard dans la nuit. Ils m’ont textuellement, toujours en langue Beri, dit ceci: "Docteur, après avoir analysé vos dires, nous n’avons pas pu établir une bonne corrélation avec ce dont vous avez été accusé. Tous ceux qui ont été arrêtés avec vous, ont été relâchés car ils n’ont protégé personne et ils ont dit la vérité. C’est dans votre intérêt de dire la vérité. Il vous sera très difficile de sortir de cette cellule si vous persistez dans votre position. Abbas Koty a été supprimé. Donc vous…"
C'est toujours le même qui parle. Un très jeune officier, apparemment poli et qui maîtrise bien langue de Béri que je parle également. Le Talkie Walkie de couleur rouge était toujours réglé de façon que d’autres personnes puissent entendre. Devine qui ? Un d’entre eux était très embêté, il répugnait à me voir dans cette situation. Mains et pieds ligotés, à terre, très sale. Mais ils ont compris que j'avais la détermination et le courage. Après à peu près une demi-heure d'interrogatoire, ils se sont levés, puis bien regardé la cellule. Je leur ai demandé de m'apporter un verre d’eau, mais ils m'ont quitté sans réponse. A ce moment-là, dans mon for intérieur, je me disais que je ne sortirai pas de cette pièce et qu'allais mourir.
Tchad Info : Quelle était à peu près la dimension de votre cellule ?
Abdel Aziz Kodok : Deux mètres sur un mètre et demi environ. La cellule était située dans un coin d’une maison habitée par un dignitaire proche du Président Deby. Pas très loin, il y avait une grande salle où plus de quarante marabouts faisaient des prières et des invocations (Douàà). Ils commençaient à partir de minuit. C'était des étrangers mais d'origine africaine. Je les ai vus le jour de mon transfert à la prison des RG, le 26 août 1994. J'entendais tout ce qui se passait à l’extérieur, les cris des enfants, les bruits de véhicules qui venaient et repartaient sans cesse toute la nuit, l'atmosphère était très calme pendant la journée dans cette résidence. Les activités commençaient à partir de minuit. Ma montre était la sirène du Premier Ministre Kassiré Coumakoye !!! Il commençait sa journée à 10h00 et finissait à 16h00. Donc, j’imaginais l’heure qu’il était en faisant une estimation horaire par rapport à ça !!! Parfois, je demandais l'heure à ma sentinelle. Il était gentil mais ferme. Dans la pièce, je sentais des odeurs de la viande hachée.
Tchad Info : Comment avez-vous pu survivre ?
Abdel Aziz Kodok : Pendant toute la durée de ma détention en cellule, c’est-à-dire 45 jours, Deby a subi de fortes pressions de la part d'organisations nationales de Défense des Droits de l’Homme, notamment l'ATPDH de Maître Delphine ; La LTDH ; l'Ordre des Médecins ; Des parents ; Des amis ; Des ambassades ; Des personnalités importantes tel que le Président Jimmy Carter et des ONG internationales à l’instar d’Amnesty International et surtout l'infatigable Gaîtan Mootoo et l'AVRE du Dr Hélène Jaffé. Cette dernière est intervenue sur RFI et Africa N°1 le 25 août 1994. Cette intervention a provoqué une réaction hostile immédiate à N'Djamena.
Il y avait Human Rights Watch ; Des journaux locaux et internationaux, notamment les presses algérienne, égyptienne et française ; Le journal Le Monde et la plupart des radios internationales. Mais le déclic réel s'est produit à la suite de la rencontre entre Deby et les ambassadeurs de France et des Etats-Unis. Ils lui ont transmis la demande de leurs gouvernements respectifs, qui disaient en substance : « soit vous libérez immédiatement le jeune médecin, soit nous considérons qu'il est exécuté ou mort sous la torture. » La réponse n’a pas tardé. Le soir même j'ai été, avec Mahamat Koty, transféré à la prison des RG. Le régime a voulu nous libérer immédiatement mais ça aurait été pire, car je ne pesais que 25kg et Mahamat avait partout des séquelles de torture et sa main droite était presque gangrenée.
Tchad Info : Comment vous nourrissait-on et combien de fois par jour ?
Abdel Aziz Kodok : Une bonne question. J’ai compris tout l’art de la torture réelle et que les vraies intentions d'Idriss Deby étaient de me liquider physiquement par une mort douce avec des tortures et un maximum de profit en termes de collecte des renseignements selon ma capacité de résistance. J’étais gardé par un jeune homme de 25 ans, très mince, peu expérimenté dans cette épreuve, brun et arabophone. Il n’était pas trop méchant, mais quand même, n’avait pas la pitié. En fait, il est le cousin du directeur adjoint de l’ANS. Au début et pendant dix jours, il venait tous les soirs vers minuit pour m’apporter un grand verre d’eau et un sandwich. Même si j’étais toujours attaché aux mains et aux pieds, il chargeait son pistolet avant de rentrer dans la cellule. Au lieu d’être ligotées dans le dos, au moment des repas, les mains étaient menottées devant et je prenais les repas comme ça. Imaginez à N’Djamena, au mois d’août 1994, un petit verre d’eau par jour. Il faisait très chaud et j’avais terriblement soif.
Après la deuxième semaine et le passage de trois officiers de la SR, le gardien ne passait que tous les deux jours, quelquefois trois jours et la portion d’eau n’était plus que d’un demi-verre et un demi-sandwich. Maintenant, l’heure de passage n’était plus minuit mais 1h00 ou 2h00 du matin. J’ai beaucoup contesté, mais, il disait qu’il obéissait à l’ordre de la hiérarchie. Je lui ai demandé de ne pas venir du tout au lieu de me réveiller pour donner un demi-verre d’eau. Il a répondu : "Docteur, moi je n’y suis pour rien, je n’agis que sur ordres". J’ai commencé à me sentir extrêmement faible et déshydraté. A noter au passage, qu’un jour, vers 4 h du matin, ce jeune homme est arrivé dans ma cellule très bien habillé (en costume et cravate, parfumé), et m’a raconté qu’il rentrait du mariage de la fille d’Idriss Deby !!!
Vers le 40e jour, j’étais très troublé. J’avais du mal à comprendre ce qu’il disait. Mais je me souviens qu’il me demandait sans cesse si je n’étais pas malade. Je ne répondais plus qu’avec un regard d’adieu. Le 43e jour, j’étais presque en état de semi-conscience et allongé de coté droit et ne pouvais bouger. Je récitais des versets du Coran sans cesse. Le 44e jour, il est venu accompagné du directeur adjoint de l’ANS dans ma cellule. Ils m’ont rafraîchi avec des linges mouillés avec de la glace et le gardien m’a donné un verre d’eau mélangé avec du lait fermenté. Au 45e jour, dans la nuit, ils m’ont transféré à nouveau dans les locaux de l’ANS. Je me suis retrouvé de nouveau avec Mahamat Koty déposé dans un petit magasin plus petit que ma cellule. Il était aussi dans une situation déplorable. Nous avons passé la nuit ensemble. Il m’a raconté comment ils l’ont attrapé et comment il a été torturé. Le lendemain, au 46e jour au soir, nous avons été transportés à la prison des RG. Je ne pesais que 25 kilogrammes au lieu de 72 lors de mon arrestation !
Abdel Aziz Kodok : Pendant toute la durée de ma détention en cellule, c’est-à-dire 45 jours, Deby a subi de fortes pressions de la part d'organisations nationales de Défense des Droits de l’Homme, notamment l'ATPDH de Maître Delphine ; La LTDH ; l'Ordre des Médecins ; Des parents ; Des amis ; Des ambassades ; Des personnalités importantes tel que le Président Jimmy Carter et des ONG internationales à l’instar d’Amnesty International et surtout l'infatigable Gaîtan Mootoo et l'AVRE du Dr Hélène Jaffé. Cette dernière est intervenue sur RFI et Africa N°1 le 25 août 1994. Cette intervention a provoqué une réaction hostile immédiate à N'Djamena.
Il y avait Human Rights Watch ; Des journaux locaux et internationaux, notamment les presses algérienne, égyptienne et française ; Le journal Le Monde et la plupart des radios internationales. Mais le déclic réel s'est produit à la suite de la rencontre entre Deby et les ambassadeurs de France et des Etats-Unis. Ils lui ont transmis la demande de leurs gouvernements respectifs, qui disaient en substance : « soit vous libérez immédiatement le jeune médecin, soit nous considérons qu'il est exécuté ou mort sous la torture. » La réponse n’a pas tardé. Le soir même j'ai été, avec Mahamat Koty, transféré à la prison des RG. Le régime a voulu nous libérer immédiatement mais ça aurait été pire, car je ne pesais que 25kg et Mahamat avait partout des séquelles de torture et sa main droite était presque gangrenée.
Tchad Info : Comment vous nourrissait-on et combien de fois par jour ?
Abdel Aziz Kodok : Une bonne question. J’ai compris tout l’art de la torture réelle et que les vraies intentions d'Idriss Deby étaient de me liquider physiquement par une mort douce avec des tortures et un maximum de profit en termes de collecte des renseignements selon ma capacité de résistance. J’étais gardé par un jeune homme de 25 ans, très mince, peu expérimenté dans cette épreuve, brun et arabophone. Il n’était pas trop méchant, mais quand même, n’avait pas la pitié. En fait, il est le cousin du directeur adjoint de l’ANS. Au début et pendant dix jours, il venait tous les soirs vers minuit pour m’apporter un grand verre d’eau et un sandwich. Même si j’étais toujours attaché aux mains et aux pieds, il chargeait son pistolet avant de rentrer dans la cellule. Au lieu d’être ligotées dans le dos, au moment des repas, les mains étaient menottées devant et je prenais les repas comme ça. Imaginez à N’Djamena, au mois d’août 1994, un petit verre d’eau par jour. Il faisait très chaud et j’avais terriblement soif.
Après la deuxième semaine et le passage de trois officiers de la SR, le gardien ne passait que tous les deux jours, quelquefois trois jours et la portion d’eau n’était plus que d’un demi-verre et un demi-sandwich. Maintenant, l’heure de passage n’était plus minuit mais 1h00 ou 2h00 du matin. J’ai beaucoup contesté, mais, il disait qu’il obéissait à l’ordre de la hiérarchie. Je lui ai demandé de ne pas venir du tout au lieu de me réveiller pour donner un demi-verre d’eau. Il a répondu : "Docteur, moi je n’y suis pour rien, je n’agis que sur ordres". J’ai commencé à me sentir extrêmement faible et déshydraté. A noter au passage, qu’un jour, vers 4 h du matin, ce jeune homme est arrivé dans ma cellule très bien habillé (en costume et cravate, parfumé), et m’a raconté qu’il rentrait du mariage de la fille d’Idriss Deby !!!
Vers le 40e jour, j’étais très troublé. J’avais du mal à comprendre ce qu’il disait. Mais je me souviens qu’il me demandait sans cesse si je n’étais pas malade. Je ne répondais plus qu’avec un regard d’adieu. Le 43e jour, j’étais presque en état de semi-conscience et allongé de coté droit et ne pouvais bouger. Je récitais des versets du Coran sans cesse. Le 44e jour, il est venu accompagné du directeur adjoint de l’ANS dans ma cellule. Ils m’ont rafraîchi avec des linges mouillés avec de la glace et le gardien m’a donné un verre d’eau mélangé avec du lait fermenté. Au 45e jour, dans la nuit, ils m’ont transféré à nouveau dans les locaux de l’ANS. Je me suis retrouvé de nouveau avec Mahamat Koty déposé dans un petit magasin plus petit que ma cellule. Il était aussi dans une situation déplorable. Nous avons passé la nuit ensemble. Il m’a raconté comment ils l’ont attrapé et comment il a été torturé. Le lendemain, au 46e jour au soir, nous avons été transportés à la prison des RG. Je ne pesais que 25 kilogrammes au lieu de 72 lors de mon arrestation !
Tchad Info : Dans quelles conditions vous a-t-on libéré ?
Abdel Aziz Kodok : Comme je l’ai précisé, j'ai été arrêté le 14 juillet 1994. Ensuite je suis resté au secret jusqu'à 26 août 1994 puis transféré à la prison des GR. Pendant notre séjour dans cette prison, le Colonel Mahamat Garfa, ancien chef d’Etat Major Général de l’Armée Nationale Tchadienne, a fui la capitale vers Kousseri au Cameroun. Il était ministre du Pétrole. Il est sorti par Kousseri mais des éléments militaires dirigés par le capitaine Mahamat Nour Abdelkrim ont pris le chemin de Melfi vers l'Est pour rejoindre le CNR. Cela a empoisonné la vie politique et déséquilibré la cohésion du pouvoir. Nous avons reçu un des parents de Mahamat Garfa, un certain Ousmane, on le torturait tous les soirs. Désormais il y a le CNR du Colonel Abbas Koty, dirigé par son frère Hissène Koty, le FNT du Dr El Haris et l’Armée Nationale Dissidente, dirigé par Mahamat Garfa. Ce climat a menacé la sécurité dans l'Est.
Donc, Deby a commencé des négociations avec nous dans la prison. Il a reçu Bichara Digui à plusieurs reprises tard dans la nuit à la présidence. Il n'a pas trouvé ce qu’il voulait, mais il y a eu quand même des pressions de la part des organisations de défense des droits de l'homme pour que nous soyons libérés ou traduits en justice. Alors comme c'était la période de la transition et que les élections s'approchaient, il ne fallait donc, normalement, qu’il n’y ait pas de prisonniers politiques, selon les résolutions de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). Deby a programmé notre libération au 1er décembre 1994 pour qu’elle coïncide avec la fête du MPS. Une loi d'amnistie a été décrétée et notre libération a été célébrée tard le 10 décembre 1994 aux locaux des Renseignements Généraux (RG), en présence du Ministre de l'Intérieur Abderamane Izzo Miskine. J'ai participé à cette cérémonie puis je suis retourné à l'hôpital.
Tchad Info : pensez-vous que Ibni Oumar Mahamat Saleh serait séquestré lui aussi dans les mêmes conditions et aux même lieux de détention que les votre ?
Abdel Aziz Kodok : Je ne le pense pas, car la donne a changé après le coup de force avorté du 16 mai 2005 tenté par des militaires proches des frères Erdimi. Certains de ces conjurés connaissaient parfaitement ces lieux et comme ils sont maintenant en guerre contre Deby, ces lieux ne sont plus secrets d’autant que Ibni Oumar est un ami et allié pacifique des conjurés.
Tchad Info : Trouvez-vous qu’il y a des similitudes entre l’enlèvement du Dr Ibni Oumar et le vôtre ?
Abdel Aziz Kodok : En apparence non. Mais quant au fond, je dirais oui. Car le mobile est le même : faire disparaître un adversaire potentiel gênant et la méthode utilisée est une sorte de terrorisme d’Etat. Je dis non d’abord, car la capitale N’Djamena a été envahie par les forces rebelles et était sous une pluie de feu. Ce jour-là et les jours précédents, Idriss Deby a vu la mort de ses propres yeux, comme je l’ai vue dans ma cellule les derniers trois jours. Loin de cette atmosphère, la nuit de mon arrestation, la capitale était très calme et paisible. Elle était sous la pluie, grâce de Dieu (Rahma d’Allah). Mon arrestation était sans cause réelle, injustifiée et le régime pouvait suivre la procédure normale d’une arrestation normale d’un fonctionnaire de l’Etat en service.
Tchad Info : Pensez-vous que les conditions d'enlèvement brutales peuvent être fatales pour quelqu'un de dépressif ou pour quelqu’un dont la santé est fragile?
Abdel Aziz Kodok : La réaction du corps humain d’une personne normale face à une situation anormale comme la violence ou la brutalité soudaine (torture, enlèvement) augmentera chez le dépressif les symptômes tels que l’irritabilité, l’insomnie, l’agressivité, la violence, l’anxiété ou des conduites pathologiques, etc. Et si la personne connaît déjà des troubles à l’état normal (dépression, hypertension, diabète, etc.) qui est soumise à une telle brutalité en absence des soins médicaux appropriés, cela peut avoir des conséquences dramatiques allant jusqu’à la mort subite. A long terme, la victime sera prisonnière de ce qu’on appelle le Syndrome du Stress Post-traumatique. En tout cas, la violence organisée (la torture) est l’arme la plus efficace contre la Démocratie. C’est pour cette raison que la communauté internationale a formellement interdit la torture. La ratification par les pays de la Convention contre la torture est une condition pour que soit accordée l’aide internationale. Le Tchad a ratifié cette convention en 1994 mais malgré cela ces violations restent impunies.
Tchad Info : Selon vous, qui aurait pu kidnapper le Dr Ibni Oumar Mahamat Saleh ?
Abdel Aziz Kodok : Logiquement, l’opposition n’avait pas intérêt à faire disparaître Ibni. Ils ont d’autres ennemis plus redoutables que cet universitaire pacifique. Ils n’ont même pas eu le temps de s’occuper de leurs ennemis. En tout cas, je n’accuserai que le régime. Toutefois, je qualifierai l’affaire d’Ibni d’affaire d'Etat nécessitant l’intervention de décideurs du monde entier et la mobilisation de l’élite et de la population tchadiennes pour qu’elle soit élucidée tôt ou tard.
Tchad Info : Comment jugez-vous l’entrée de quelques-uns de ses camarades de lutte dans le nouveau gouvernement ?
Abdel Aziz Kodok : C’est une trahison. C’est ce type de comportement qui a laissé le régime de Deby perdurer. Ibni est un homme de principes. Et sa position patriotique et anti-trahison a entraîné sa disparition. Pourquoi les autres ont-ils été relâchés ? Par ailleurs, j’ai lu un long article de 6 pages écrit par Ibni Oumar en janvier 2007, intitulé "Du Tchad vers un système de conflits Tchad/Darfour". Il résume, je cite : « Le soutien aveugle de la France aidant, aucun processus de sortie de crise durable n’est en vue. La France instrumentalise la communauté internationale pour sauver Deby à travers une force onusienne au Tchad. Les tentatives françaises, toujours sous couvert de la communauté internationale, d’amener l’opposition civile, la CPDC en particulier, à composer avec Deby pour des prébendes, semblent vouées à l’échec car la population ne pardonnera pas à ceux qui se prêteraient à ce jeu ». Regardez cet intellectuel éclairé et ce visionnaire, c’est non seulement un mathématicien mais aussi un magicien visionnaire, un homme d’Etat, un homme de principes. En politique on peut changer de stratégie et de tactique, mais si on relâche les principes c’est le suicide politique. J’espère qu’on le retrouvera vivant pour le Tchad.
Abdel Aziz Kodok : Comme je l’ai précisé, j'ai été arrêté le 14 juillet 1994. Ensuite je suis resté au secret jusqu'à 26 août 1994 puis transféré à la prison des GR. Pendant notre séjour dans cette prison, le Colonel Mahamat Garfa, ancien chef d’Etat Major Général de l’Armée Nationale Tchadienne, a fui la capitale vers Kousseri au Cameroun. Il était ministre du Pétrole. Il est sorti par Kousseri mais des éléments militaires dirigés par le capitaine Mahamat Nour Abdelkrim ont pris le chemin de Melfi vers l'Est pour rejoindre le CNR. Cela a empoisonné la vie politique et déséquilibré la cohésion du pouvoir. Nous avons reçu un des parents de Mahamat Garfa, un certain Ousmane, on le torturait tous les soirs. Désormais il y a le CNR du Colonel Abbas Koty, dirigé par son frère Hissène Koty, le FNT du Dr El Haris et l’Armée Nationale Dissidente, dirigé par Mahamat Garfa. Ce climat a menacé la sécurité dans l'Est.
Donc, Deby a commencé des négociations avec nous dans la prison. Il a reçu Bichara Digui à plusieurs reprises tard dans la nuit à la présidence. Il n'a pas trouvé ce qu’il voulait, mais il y a eu quand même des pressions de la part des organisations de défense des droits de l'homme pour que nous soyons libérés ou traduits en justice. Alors comme c'était la période de la transition et que les élections s'approchaient, il ne fallait donc, normalement, qu’il n’y ait pas de prisonniers politiques, selon les résolutions de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). Deby a programmé notre libération au 1er décembre 1994 pour qu’elle coïncide avec la fête du MPS. Une loi d'amnistie a été décrétée et notre libération a été célébrée tard le 10 décembre 1994 aux locaux des Renseignements Généraux (RG), en présence du Ministre de l'Intérieur Abderamane Izzo Miskine. J'ai participé à cette cérémonie puis je suis retourné à l'hôpital.
Tchad Info : pensez-vous que Ibni Oumar Mahamat Saleh serait séquestré lui aussi dans les mêmes conditions et aux même lieux de détention que les votre ?
Abdel Aziz Kodok : Je ne le pense pas, car la donne a changé après le coup de force avorté du 16 mai 2005 tenté par des militaires proches des frères Erdimi. Certains de ces conjurés connaissaient parfaitement ces lieux et comme ils sont maintenant en guerre contre Deby, ces lieux ne sont plus secrets d’autant que Ibni Oumar est un ami et allié pacifique des conjurés.
Tchad Info : Trouvez-vous qu’il y a des similitudes entre l’enlèvement du Dr Ibni Oumar et le vôtre ?
Abdel Aziz Kodok : En apparence non. Mais quant au fond, je dirais oui. Car le mobile est le même : faire disparaître un adversaire potentiel gênant et la méthode utilisée est une sorte de terrorisme d’Etat. Je dis non d’abord, car la capitale N’Djamena a été envahie par les forces rebelles et était sous une pluie de feu. Ce jour-là et les jours précédents, Idriss Deby a vu la mort de ses propres yeux, comme je l’ai vue dans ma cellule les derniers trois jours. Loin de cette atmosphère, la nuit de mon arrestation, la capitale était très calme et paisible. Elle était sous la pluie, grâce de Dieu (Rahma d’Allah). Mon arrestation était sans cause réelle, injustifiée et le régime pouvait suivre la procédure normale d’une arrestation normale d’un fonctionnaire de l’Etat en service.
Tchad Info : Pensez-vous que les conditions d'enlèvement brutales peuvent être fatales pour quelqu'un de dépressif ou pour quelqu’un dont la santé est fragile?
Abdel Aziz Kodok : La réaction du corps humain d’une personne normale face à une situation anormale comme la violence ou la brutalité soudaine (torture, enlèvement) augmentera chez le dépressif les symptômes tels que l’irritabilité, l’insomnie, l’agressivité, la violence, l’anxiété ou des conduites pathologiques, etc. Et si la personne connaît déjà des troubles à l’état normal (dépression, hypertension, diabète, etc.) qui est soumise à une telle brutalité en absence des soins médicaux appropriés, cela peut avoir des conséquences dramatiques allant jusqu’à la mort subite. A long terme, la victime sera prisonnière de ce qu’on appelle le Syndrome du Stress Post-traumatique. En tout cas, la violence organisée (la torture) est l’arme la plus efficace contre la Démocratie. C’est pour cette raison que la communauté internationale a formellement interdit la torture. La ratification par les pays de la Convention contre la torture est une condition pour que soit accordée l’aide internationale. Le Tchad a ratifié cette convention en 1994 mais malgré cela ces violations restent impunies.
Tchad Info : Selon vous, qui aurait pu kidnapper le Dr Ibni Oumar Mahamat Saleh ?
Abdel Aziz Kodok : Logiquement, l’opposition n’avait pas intérêt à faire disparaître Ibni. Ils ont d’autres ennemis plus redoutables que cet universitaire pacifique. Ils n’ont même pas eu le temps de s’occuper de leurs ennemis. En tout cas, je n’accuserai que le régime. Toutefois, je qualifierai l’affaire d’Ibni d’affaire d'Etat nécessitant l’intervention de décideurs du monde entier et la mobilisation de l’élite et de la population tchadiennes pour qu’elle soit élucidée tôt ou tard.
Tchad Info : Comment jugez-vous l’entrée de quelques-uns de ses camarades de lutte dans le nouveau gouvernement ?
Abdel Aziz Kodok : C’est une trahison. C’est ce type de comportement qui a laissé le régime de Deby perdurer. Ibni est un homme de principes. Et sa position patriotique et anti-trahison a entraîné sa disparition. Pourquoi les autres ont-ils été relâchés ? Par ailleurs, j’ai lu un long article de 6 pages écrit par Ibni Oumar en janvier 2007, intitulé "Du Tchad vers un système de conflits Tchad/Darfour". Il résume, je cite : « Le soutien aveugle de la France aidant, aucun processus de sortie de crise durable n’est en vue. La France instrumentalise la communauté internationale pour sauver Deby à travers une force onusienne au Tchad. Les tentatives françaises, toujours sous couvert de la communauté internationale, d’amener l’opposition civile, la CPDC en particulier, à composer avec Deby pour des prébendes, semblent vouées à l’échec car la population ne pardonnera pas à ceux qui se prêteraient à ce jeu ». Regardez cet intellectuel éclairé et ce visionnaire, c’est non seulement un mathématicien mais aussi un magicien visionnaire, un homme d’Etat, un homme de principes. En politique on peut changer de stratégie et de tactique, mais si on relâche les principes c’est le suicide politique. J’espère qu’on le retrouvera vivant pour le Tchad.
Tchad Info : Pensez-vous qu’Ibni Oumar Mahamat Saleh est encore en vie ?
Abdel Aziz Kodok : Je l’espère, mais j’en doute, surtout au cas où le régime serait son ravisseur, car Idriss Deby n’est pas le genre à regarder et patienter très longtemps devant son gibier ! Son cas est celui d’une disparition forcée. Donc, il a été enlevé sous contrainte physique. Seul Dieu et son ravisseur savent s’il est encore en vie et où il se trouve. Nous n’avons aucune preuve matérielle de vie ou de mort. Il y a des gens qui ont disparu au temps de Habré, jusqu’à ce jour on n’a aucune trace d’eux. Nous devons nous mobiliser d’avantage afin d’organiser une compagne nationale et internationale pour retrouver une trace de vie ou de mort d’Ibni. C’est une question d’éthique. Nous devons bénéficier des moyens modernes de recherche. Il faut débloquer de l’argent pour une éventuelle récompense pour toute personne qui pourrait nous indiquer ou révéler quelque chose. Mettre en place des lignes de téléphone, utiliser des e-mails sécurisés pour interroger toute personne pouvant donner un témoignage utile.
Tchad Info : Parlez-nous un peu de votre organisation, la CPR. Est-ce un mouvement armé, un parti ou une association ?
Abdel Aziz Kodok : La Convention Populaire de Résistance (CPR) est une organisation politique avec une branche armée, les Forces Populaires de Résistance (FPR), créée le 08/08/ 2001, jour de l’investiture d’Idriss Deby pour son second et logiquement dernier mandat. Son objectif est de renverser le régime actuel et de le remplacer par un autre système de pouvoir populaire qui se basera sur la justice, la paix, le respect des droits de l’homme, le bon voisinage et le développement équilibré. La CPR est dotée d’un bureau Exécutif et d’un Comite central populaire. Mon Mouvement est bien équilibré en termes de représentation ethnique, religieuse et de rapport Nord/Sud. La jeunesse tchadienne est notre centre d’intérêt et elle y est bien représentée. La CPR se projette vers l’avenir du pays et son projet est à long terme. Nous ne sommes pas trop pressés malgré l’agitation actuelle de la situation. Il vaut mieux trouver un remède efficace plutôt qu’un soin palliatif ou un calmant.
Tchad Info : Pourquoi n’avez-vous pas choisi, comme le font les autres, d’aller à l’Est pour prendre des armes ?
Abdel Aziz Kodok : J’avais un obstacle technique et cet obstacle est maintenant levé. La CPR s’est bien implantée dans l’Est. Elle était là bien avant tous ces mouvements. En novembre 2001, nous avons mené de violents combats contre le régime et lui avons infligé de lourdes pertes. Nous avons signé un accord militaire avec le SCUD le 06 avril 2006. A ce jour, un bon nombre de militants de la CPR combattent dans leur sein. Malheureusement, cet accord n’a pas été suivi d’un accord politique.
Tchad Info : Avez-vous des accointances avec des rebelles tchadiens et ou soudanais ?
Abdel Aziz Kodok : J’ai des relations normales avec tous les leaders de l’opposition tchadienne. Je connaissais également la plupart de dirigeants ou militants de la cause du Darfour. J’ai côtoyé certains pendants mes études universitaires. Contrairement à ce que certains clochards et mythomanes de la banlieue parisienne écrivent sur un site Internet fantôme, que soi-disant trois membres de la CPR ont rejoint le MJE, il est important de souligner ici que j'ai un conflit ouvert avec la direction du MJE. Un procès en justice est en cours pour diffamation et atteinte à la dignité d’une personnalité importante. Par contre, je ne suis pas une sentinelle vouée à emprisonner les gens. Il n'est un secret que le Dr El-Haris et ses compagnons ont trouvé la mort sur la route pour le SPLA de John Garang. Au sein du FUC on a trouvé des militaires centrafricains. On distinguait mal à l’époque la connivence du MDJT avec les rebelles Touaregs du Mali ou du Niger. L'Unita à l'époque regroupait beaucoup de révolutionnaires de plusieurs continents par solidarité révolutionnaire ou par des liens stratégiques. Je sais que ces psychopathes voulaient passer un message confus à des fins politiques au profit de certaines personnalités lâches et au-delà aux autorités soudanaises. Certains informateurs ont déjà fait des rapports aux services des renseignements soudanais selon lesquels que je supportais le MJE !!!
Abdel Aziz Kodok : Je l’espère, mais j’en doute, surtout au cas où le régime serait son ravisseur, car Idriss Deby n’est pas le genre à regarder et patienter très longtemps devant son gibier ! Son cas est celui d’une disparition forcée. Donc, il a été enlevé sous contrainte physique. Seul Dieu et son ravisseur savent s’il est encore en vie et où il se trouve. Nous n’avons aucune preuve matérielle de vie ou de mort. Il y a des gens qui ont disparu au temps de Habré, jusqu’à ce jour on n’a aucune trace d’eux. Nous devons nous mobiliser d’avantage afin d’organiser une compagne nationale et internationale pour retrouver une trace de vie ou de mort d’Ibni. C’est une question d’éthique. Nous devons bénéficier des moyens modernes de recherche. Il faut débloquer de l’argent pour une éventuelle récompense pour toute personne qui pourrait nous indiquer ou révéler quelque chose. Mettre en place des lignes de téléphone, utiliser des e-mails sécurisés pour interroger toute personne pouvant donner un témoignage utile.
Tchad Info : Parlez-nous un peu de votre organisation, la CPR. Est-ce un mouvement armé, un parti ou une association ?
Abdel Aziz Kodok : La Convention Populaire de Résistance (CPR) est une organisation politique avec une branche armée, les Forces Populaires de Résistance (FPR), créée le 08/08/ 2001, jour de l’investiture d’Idriss Deby pour son second et logiquement dernier mandat. Son objectif est de renverser le régime actuel et de le remplacer par un autre système de pouvoir populaire qui se basera sur la justice, la paix, le respect des droits de l’homme, le bon voisinage et le développement équilibré. La CPR est dotée d’un bureau Exécutif et d’un Comite central populaire. Mon Mouvement est bien équilibré en termes de représentation ethnique, religieuse et de rapport Nord/Sud. La jeunesse tchadienne est notre centre d’intérêt et elle y est bien représentée. La CPR se projette vers l’avenir du pays et son projet est à long terme. Nous ne sommes pas trop pressés malgré l’agitation actuelle de la situation. Il vaut mieux trouver un remède efficace plutôt qu’un soin palliatif ou un calmant.
Tchad Info : Pourquoi n’avez-vous pas choisi, comme le font les autres, d’aller à l’Est pour prendre des armes ?
Abdel Aziz Kodok : J’avais un obstacle technique et cet obstacle est maintenant levé. La CPR s’est bien implantée dans l’Est. Elle était là bien avant tous ces mouvements. En novembre 2001, nous avons mené de violents combats contre le régime et lui avons infligé de lourdes pertes. Nous avons signé un accord militaire avec le SCUD le 06 avril 2006. A ce jour, un bon nombre de militants de la CPR combattent dans leur sein. Malheureusement, cet accord n’a pas été suivi d’un accord politique.
Tchad Info : Avez-vous des accointances avec des rebelles tchadiens et ou soudanais ?
Abdel Aziz Kodok : J’ai des relations normales avec tous les leaders de l’opposition tchadienne. Je connaissais également la plupart de dirigeants ou militants de la cause du Darfour. J’ai côtoyé certains pendants mes études universitaires. Contrairement à ce que certains clochards et mythomanes de la banlieue parisienne écrivent sur un site Internet fantôme, que soi-disant trois membres de la CPR ont rejoint le MJE, il est important de souligner ici que j'ai un conflit ouvert avec la direction du MJE. Un procès en justice est en cours pour diffamation et atteinte à la dignité d’une personnalité importante. Par contre, je ne suis pas une sentinelle vouée à emprisonner les gens. Il n'est un secret que le Dr El-Haris et ses compagnons ont trouvé la mort sur la route pour le SPLA de John Garang. Au sein du FUC on a trouvé des militaires centrafricains. On distinguait mal à l’époque la connivence du MDJT avec les rebelles Touaregs du Mali ou du Niger. L'Unita à l'époque regroupait beaucoup de révolutionnaires de plusieurs continents par solidarité révolutionnaire ou par des liens stratégiques. Je sais que ces psychopathes voulaient passer un message confus à des fins politiques au profit de certaines personnalités lâches et au-delà aux autorités soudanaises. Certains informateurs ont déjà fait des rapports aux services des renseignements soudanais selon lesquels que je supportais le MJE !!!
Tchad Info : Comment voyez-vous l’architecture actuelle des rebellions tchadiennes ?
Abdel Aziz Kodok : Cette architecture parle d’elle-même. Ce n’est pas une architecture harmonieuse. Elle est née sans étude générale et sérieuse préalable, donc, il n'y aura pas de victoire décisive sur les forces de Deby. En dépit de certains défauts chez Mahamat Nour Abdelkerim, je crois fortement à sa capacité militaire. Le général Mahamat Nouri devrait profiter du soutien que les Soudanais lui accordent et doubler ses efforts pour pouvoir diriger un rassemblement plus large. Quant à l’UFCD, présentement dirigé par le Colonel Adouma Hassaballah, devrait mieux communiquer pour mieux faire connaître sa vision politique au peuple tchadien et aux partenaires du Tchad. C'est eux que j'appelle souvent dans mes analyses politiques sur l'action de l'opposition militaire contre Deby "le Pôle Centre". Ce groupe aura une grande chance pour donner un autre visage de l'opposition. Cela demande aussi de leur part un grand effort. Par contre, La devise "Soit à nous la présidence, soit Deby reste" du RFC de Timane Erdimi ne contribuera pas à l’esprit de l’unité de l’opposition. En tout cas, si les uns et les autres portent un regard favorable à ces remarques, je pense qu'on aura une autre architecture de l’opposition, et donc qu’une victoire sera possible pour aller vers une meilleure alternative.
Tchad Info : Croyez-vous qu’elles feraient mieux en cas de victoire ?
Abdel Aziz Kodok : Si on parle de victoire ça veut dire avec une autre architecture politique et militaire que celle-ci. Car en l’état actuel, il n’y aurait pas de victoire cruciale contre les forces gouvernementales sans guerre civile. La gestion du pays après Deby signifie trouver des solutions aux causes de son départ. Entre autres, faire une réconciliation globale inter-tchadienne, trouver une formule politique, sécuritaire et stratégique avec ses voisins notamment le Soudan et la Libye et ses alliés européens particulièrement la France. Restructurer l'armée, lutter contre la corruption et répondre à la question de l'impunité etc. Ces questions et autres ont besoin d’une force d'alternative bien organisée, harmonieuse et puissante et non pas simplement un regroupement de circonstances comme c’est le cas de l'opposition actuelle.
Tchad Info : Etes-vous favorable pour un dialogue inclusif au Tchad?
Abdel Aziz Kodok : Je pense que les résolutions de la Conférence Nationale suffisent largement pour que le pays se mette sur les rails. Les discussions inter-tchadiennes, on en a fait assez. Ce qu’il faut maintenant, c’est l’application, c’est l’action. Toutefois, ce dialogue global ne se tiendra jamais sous Idris Deby, c’est pourquoi je ne lui donne pas beaucoup d'importance. L’unité du pays est plus que jamais en danger. Il faut avoir le courage – je m’adresse ici à l’opposition tchadienne – de crever l’abcès pour une guérison rapide sans séquelle. En revanche, le dialogue en continu est un outil primordial de la vie démocratique et moderne. Mais ce dialogue, à mon avis, doit porter, en ce moment, sur l’aspect technique, les définitions des priorités de gestion des choses recommandée par la Conférence Nationale Souveraine de 1993.
Tchad Info : Si le Président Deby vous tend la main aujourd’hui pour se réconcilier avec vous, quelle serait votre réaction ?
Abdel Aziz Kodok : Il l'a tenté à deux voire trois reprises mais c’était toujours de mauvaise foi. Je suis un homme bien éduqué, bien élevé et civilisé. De ce fait, je ne suis pas rancunier. Je connais la politique et ses ramifications, je connais l’exercice du pouvoir et que dans la vie d’un homme politique il y a toujours des risques, les arrestations, les humiliations, les querelles, les coups bas et même la mort. Même en Occident, il arrive souvent qu’on assassine ses adversaires. Notre pays est au début de sa construction politique et au début de l’exploitation des ses ressources naturelles. Il faut donc une conduite modèle pour dépasser cette période critique. La réconciliation est toujours possible, elle est le catalyseur et le moteur de la vie en société et un outil de la tolérance. Et même si je me réconcilie, je ne le ferai pas pour m’associer à ceux qui sont au pouvoir. Toutefois, il y a mille façons de contribuer efficacement au développement de notre pays.
Tchad Info: Abdel Aziz Kodok, merci.
Abdel Aziz Kodok: C’est moi qui vous remercie.
Propos recueillis par M. A. Kébir
Abdel Aziz Kodok : Cette architecture parle d’elle-même. Ce n’est pas une architecture harmonieuse. Elle est née sans étude générale et sérieuse préalable, donc, il n'y aura pas de victoire décisive sur les forces de Deby. En dépit de certains défauts chez Mahamat Nour Abdelkerim, je crois fortement à sa capacité militaire. Le général Mahamat Nouri devrait profiter du soutien que les Soudanais lui accordent et doubler ses efforts pour pouvoir diriger un rassemblement plus large. Quant à l’UFCD, présentement dirigé par le Colonel Adouma Hassaballah, devrait mieux communiquer pour mieux faire connaître sa vision politique au peuple tchadien et aux partenaires du Tchad. C'est eux que j'appelle souvent dans mes analyses politiques sur l'action de l'opposition militaire contre Deby "le Pôle Centre". Ce groupe aura une grande chance pour donner un autre visage de l'opposition. Cela demande aussi de leur part un grand effort. Par contre, La devise "Soit à nous la présidence, soit Deby reste" du RFC de Timane Erdimi ne contribuera pas à l’esprit de l’unité de l’opposition. En tout cas, si les uns et les autres portent un regard favorable à ces remarques, je pense qu'on aura une autre architecture de l’opposition, et donc qu’une victoire sera possible pour aller vers une meilleure alternative.
Tchad Info : Croyez-vous qu’elles feraient mieux en cas de victoire ?
Abdel Aziz Kodok : Si on parle de victoire ça veut dire avec une autre architecture politique et militaire que celle-ci. Car en l’état actuel, il n’y aurait pas de victoire cruciale contre les forces gouvernementales sans guerre civile. La gestion du pays après Deby signifie trouver des solutions aux causes de son départ. Entre autres, faire une réconciliation globale inter-tchadienne, trouver une formule politique, sécuritaire et stratégique avec ses voisins notamment le Soudan et la Libye et ses alliés européens particulièrement la France. Restructurer l'armée, lutter contre la corruption et répondre à la question de l'impunité etc. Ces questions et autres ont besoin d’une force d'alternative bien organisée, harmonieuse et puissante et non pas simplement un regroupement de circonstances comme c’est le cas de l'opposition actuelle.
Tchad Info : Etes-vous favorable pour un dialogue inclusif au Tchad?
Abdel Aziz Kodok : Je pense que les résolutions de la Conférence Nationale suffisent largement pour que le pays se mette sur les rails. Les discussions inter-tchadiennes, on en a fait assez. Ce qu’il faut maintenant, c’est l’application, c’est l’action. Toutefois, ce dialogue global ne se tiendra jamais sous Idris Deby, c’est pourquoi je ne lui donne pas beaucoup d'importance. L’unité du pays est plus que jamais en danger. Il faut avoir le courage – je m’adresse ici à l’opposition tchadienne – de crever l’abcès pour une guérison rapide sans séquelle. En revanche, le dialogue en continu est un outil primordial de la vie démocratique et moderne. Mais ce dialogue, à mon avis, doit porter, en ce moment, sur l’aspect technique, les définitions des priorités de gestion des choses recommandée par la Conférence Nationale Souveraine de 1993.
Tchad Info : Si le Président Deby vous tend la main aujourd’hui pour se réconcilier avec vous, quelle serait votre réaction ?
Abdel Aziz Kodok : Il l'a tenté à deux voire trois reprises mais c’était toujours de mauvaise foi. Je suis un homme bien éduqué, bien élevé et civilisé. De ce fait, je ne suis pas rancunier. Je connais la politique et ses ramifications, je connais l’exercice du pouvoir et que dans la vie d’un homme politique il y a toujours des risques, les arrestations, les humiliations, les querelles, les coups bas et même la mort. Même en Occident, il arrive souvent qu’on assassine ses adversaires. Notre pays est au début de sa construction politique et au début de l’exploitation des ses ressources naturelles. Il faut donc une conduite modèle pour dépasser cette période critique. La réconciliation est toujours possible, elle est le catalyseur et le moteur de la vie en société et un outil de la tolérance. Et même si je me réconcilie, je ne le ferai pas pour m’associer à ceux qui sont au pouvoir. Toutefois, il y a mille façons de contribuer efficacement au développement de notre pays.
Tchad Info: Abdel Aziz Kodok, merci.
Abdel Aziz Kodok: C’est moi qui vous remercie.
Propos recueillis par M. A. Kébir