Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
ANALYSE

Articles 5 et 7 c) de l'accord franco-algérien : le caractère réal de l'activité commerciale confirmé


Alwihda Info | Par Me Fayçal Megherbi - 20 Janvier 2025


"...en exigeant de M. ML qu’il justifie de l’effectivité de ses activités commerçantes, de moyens d’existence suffisants et, au surplus, d’un lien avec ses études, le préfet du Nord a méconnu les stipulations de l’article 5 et du c) de l’article 7 de l’accord franco-algérien."


Illustration © DR
Illustration © DR
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2023, M. ML, demande au tribunal : d’annuler l’arrêté du 29 juin 2023 du préfet du Nord en tant qu’il a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an, a abrogé le récépissé de demande de titre de séjour qui lui avait été délivré et l’a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

Il soutient que la décision portant refus de délivrance d’un certificat de résidence est insuffisamment motivée et méconnaît les stipulations des articles 5 et 7 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle a été prise en violation de la liberté d’entreprendre, protégée par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et a été prise en violation des stipulations de l’article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et est insuffisamment motivée. Elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Une note en délibéré, présentée par M. ML a été enregistrée le 20 novembre 2024.

Considérant ce qui suit :

M. ML, ressortissant algérien est entré en France, muni de son passeport revêtu d’un visa de long séjour en 2020. Il a été mis en possession d’un certificat de résidence en qualité d’étudiant jusqu'à l'année 2022. L’intéressé a sollicité, en novembre 2022, un changement de statut et la délivrance d’un certificat de résidence en qualité d’entrepreneur ou de commerçant. Par un arrêté du 29 juin 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et l’a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

Par une requête, M. ML demande l’annulation de cet arrêté en tant qu’il lui refuse la délivrance d’un certificat de résidence, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui fait interdiction de retour sur le territoire français, abroge son récépissé de demande de titre de séjour et l’informe de signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision portant refus de délivrance d’un certificat de résidence :

Aux termes de l’article 5 de l’accord franco-algérien : « Les ressortissants algériens s’établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d’usage et sur justification, selon le cas, qu’ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ».

Aux termes de l’article 7 du même accord : « (…) a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d’existence suffisants et qui prennent l’engagement de n’exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d’usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention « visiteur » ; / (…) / c) Les ressortissants algériens désireux d’exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s’ils justifient l’avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (…) ».

Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France pour y exercer une activité professionnelle autre que salariée, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés.

Il s’ensuit que ne leur sont pas applicables les dispositions de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui fixent les conditions de délivrance des cartes de séjour portant la mention « entrepreneur/profession libérale » aux étrangers exerçant en France une activité non salariée et qui imposent notamment de justifier d’une activité « économiquement viable » procurant des « moyens d’existence suffisants ».

En revanche, demeurent applicables aux ressortissants algériens sollicitant un certificat de résidence sur le fondement des articles 5 et 7 de l’accord franco-algérien, les textes de portée générale relatifs à l’exercice, par toute personne, d’une activité professionnelle en France, notamment les règles définies dans le code de commerce relatives aux obligations des commerçants.

Lorsqu’un ressortissant algérien sollicite la première délivrance d’un certificat de résidence pour exercer en France une activité professionnelle autre que salariée, les stipulations de l’article 5 de l’accord franco-algérien, combinées à celles du c) de l’article 7 du même accord, ne subordonnent pas cette délivrance au caractère effectif ou à la viabilité économique de cette activité, ni à la justification de moyens d’existence suffisants ou d’un lien entre cette activité et les études le cas échéant poursuivies en France par l’intéressé. En premier lieu, aux termes de l’article L. 110-1 du code de commerce : « La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ; / (…) / 5° Toute entreprise (…) de transport par terre (…) ; / 6° Toute entreprise de fournitures (…) ». Aux termes du I de l’article L. 123-1 du code de commerce : « Il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration : / 1° Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont tenues à immatriculation au registre national des entreprises (…) ».

Pour refuser de délivrer à M. ML un certificat de résidence algérien, le préfet du Nord a considéré, d’une part, que l’activité exercée par l’intéressé n’était pas une activité soumise à autorisation au sens des stipulations du c) de l’article 7 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoyant la délivrance d’un certificat de résidence algérien portant la mention « commerçant », et, d’autre part, que ce dernier exerçait en France une activité sans lien avec les études qu’il a suivies, ne justifiait ni de la réalité de son activité commerciale ni de moyens d'existence suffisants auxquels est subordonnée la délivrance d’un certificat de résidence portant la mention « visiteur » sur le fondement du a) du même article.

Il ressort des pièces du dossier que M. ML, entré sur le territoire français en octobre 2020, a bénéficié d’un certificat de résidence en qualité d’étudiant valable jusqu’à janvier 2023 et qu’il a sollicité un certificat de résidence lui permettant d’exercer en France, sous le régime fiscal de la microentreprise, une activité professionnelle non salariée d’ « achat et vente de matériel informatique et d’accessoires de fibre optique », de « raccordement et d’installation de réseaux de fibre optique non électrifiés », de « livraisons de courses et de repas » et de « prestations et de préparation de commandes ». En application des dispositions citées au point 7, les activités projetées par M. ML revêtent, par leur objet, un caractère commercial et l’intéressé était tenu, en sa qualité de commerçant, de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés, ce qu’il indique avoir fait le 10 octobre 2022.

En second lieu, dès lors que la demande de certificat de résidence présentée par M. ML tend à l’exercice en France d’une activité professionnelle autre que salariée, celle-ci devait être examinée par le préfet du Nord au regard des stipulations de l’article 5 de l’accord franco-algérien, combinées à celles du c) de l’article 7 du même accord.

Si le préfet du Nord fait valoir que les activités de M. ML ne sont pas soumises à un régime d’autorisation en vertu des règles générales applicables à toute personne désireuse de les exercer en France, il s’en déduit que l’intéressé n’était pas tenu de fournir d’autres pièces justificatives que celles produites à l’appui de sa demande, et non que celle-ci devait être examinée sur le fondement des stipulations du a) de l’article 7 de l’accord franco-algérien relatives à la délivrance de certificats de résidence portant la mention « visiteur ».

Par suite, en exigeant de M. ML qu’il justifie de l’effectivité de ses activités commerçantes, de moyens d’existence suffisants et, au surplus, d’un lien avec ses études, le préfet du Nord a méconnu les stipulations de l’article 5 et du c) de l’article 7 de l’accord franco-algérien.

Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la décision portant refus de certificat de résidence doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision l’informant de son signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen :

Lorsqu’elle prend à l’égard d’un étranger une décision d’interdiction de retour sur le territoire français, l’autorité administrative se borne à informer l’intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen. Ainsi, une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d’interdiction de retour et n’est, dès lors, pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

L’arrêté du 29 juin 2023 du préfet du Nord est annulé.

Référence du Jugement du 6 décembre 2024 : 8ème Chambre du TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N° 2306939

Par Me Fayçal Megherbi, avocat
 



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)