ANALYSE

Centrafrique : un mythe s'effondre


Alwihda Info | Par Anatole GBANDI - 19 Janvier 2021



Ratissage des forces armées centrafricaines en janvier 2021 aux abords de Bangui. © Gouv/RCA
Confrontés aux troupes rwandaises bien aguerries, les rebelles qui terrorisaient Bangassou ont déguerpi. S’effondre le mythe de leur invincibilité. Ils seraient de bons combattants, des combattants intrépides. À Bangassou, ils se sont pliés à l’ultimatum des Rwandais, avant de revenir tenter un baroud d’honneur. S’effondre le mythe de leur intrépidité.

On découvre que ce sont des pillards, incapables de s’arrimer à la démocratie, et qui ont pris les armes pour terroriser les civils, afin de s’approprier leurs biens. Mais quels biens, quelle richesse peuvent posséder les habitants de Bangassou ? Qui peut croire qu’après huit ans de guerre, qu’après huit ans de guérilla, les hommes fortunés de Bangassou sont restés dans leur ville, à portée de main des pillards compulsifs ? Pour ta gouverne, ami lecteur, la ville de Bangassou a déjà été pillée par la Séléka, et même par les Antibalaka. C’est une ville de prolétaires où prédominent les activités agricoles, pastorales et halieutiques. Elle n’a ni diamant ni or. Ce n’est pas Amsterdam-sur-Mbari, encore moins Anvers-sur-Mbomou. Elle n’a aucune importance stratégique. Au sud de la ville, coule le paisible Mbomou, qui la sépare de la République démocratique du Congo. Quand je me suis retrouvé sur sa rive droite, je n’ai vu en face de moi qu’une forêt immense. À l’époque, j’ignorais l’existence du village de Ndu dont on ne voyait aucune maison depuis la berge centrafricaine.

À l’est de la ville, une route très dégradée conduisait à Rafaï, puis dans le Haut-Mbomou, la région la plus enclavée de la RCA. Mes professeurs me l’avaient dit avant que je le constate de visu : les cars venus de Bangui s’arrêtaient alors à Bangassou ou à Rafaï. Les voyageurs désireux de se rendre dans le Haut-Mbomou étaient obligés de prendre un transport de marchandises ou un camion sans toit, semblable à une bétaillère. Le système de santé était très déficient : tous les dispensaires, y compris celui d’Obo étaient tenus par des infirmiers. Les boutiques, il y en avait deux à Djémah, étaient très mal achalandées. La pauvreté était telle que la plupart des jeunes qui quittaient la région n’y revenaient jamais. Des années plus tard, quand j’aurai quitté cette région, je retrouverai à Bangui certains de mes condisciples de Mboki : Mbolinié, Gouété… Ce dernier, professeur d’anglais, m’a dit qu’il s’était établi à Mbaïki. J’ai pensé à lui quand la ville a été attaquée. J’espère que tu te portes bien, mon cher ami.

Comme le Mbomou, le Haut-Mbomou est pauvre, mais ces deux préfectures n’ont pas pris prétexte de cette pauvreté pour attaquer leur pays ou qui que ce soit. Pourquoi les attaquer donc ? Leurs populations sont aujourd’hui barattées par des détonations et baladées d’une rive à l’autre, d’une forêt à l’autre, comme des fétus de paille, comme d’autres populations dans d’autres régions. Pourquoi ? Leur sort jusqu’ici paraissait désespéré. Car ils criaient dans le désert : personne ne répondait à leurs appels au secours. Loin de moi l’idée d’initier une énième polémique. Ce n’est pas le moment. Je voudrais simplement rappeler qu’il n’y a pas de preuve plus tangible de l’unité du peuple centrafricain que ces appels au secours. Lesquels postulaient en effet, chez leurs auteurs, une reconnaissance totale du gouvernement de Bangui, le seul vers qui on peut se tourner en cas de coup dur.

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