Des dynamiques amazones pour défendre les droits de la femme
Quand la Covid-19 accentue les violations des droits de la femme
Les femmes sujettes aux violences conjugales, un crime vieux qui a la peau dure. En effet, la cellule familiale qui par vocation est le lieu de protection de l’intimité, en vertu d’une acceptation mutuelle, fondée sur l’amour, devient parfois un terrain de dominations, de persécutions, d’injonctions masculines, … Bref, de violations de tous ordres, commises dans le secret. Tous ces actes nuisibles soulèvent la question du respect des droits de la femme et plus particulièrement, les droits conjugaux. En Côte d’Ivoire une étude de sondage publiée au mois de décembre 2019 par l’ONG Organisation des Citoyennes pour la Promotion et Défense des Droits des Enfants, Femmes et Minorités (CPDEFM), révèle un taux de 70% de femmes, victimes de violences conjugales à Abidjan, contre 5% chez les hommes.
La pandémie de la Covid-19 qui a entraîné un auto-confinement et la quarantaine de la capitale économique ivoirienne, par rapport aux localités de l’intérieur du pays, a fait exploser les violences domestiques dans plusieurs foyers. Il n’est pas rare que plusieurs ONG œuvrant pour le respect des droits de la femme, soient saisies des plaintes récurrentes de violences de tous genres, ou encore les réseaux sociaux, qui en font le relai, avec des images ou vidéos à l’appui.
Même si pour l’heure il n’y a pas de statistiques disponibles, pour mieux apprécier ou étayer cette situation de faite, les autorités en sont grandement conscientes. Aussi ont-elles réagies, à travers une déclaration du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, produite le 4 mai 2020, incitant les différentes couches de la société à s’impliquer dans la lutte contre les violences à l’égard des plus faibles, en l’occurrence, la gent féminine. Il s’en est suivi des numéros d’urgence (20 25 00 40 ; 03 79 91 44 ; 100 ; 11) invitant les victimes ou toute personne ayant connaissance de cas, à les dénoncer.
De nombreux témoignages comme celui de Dame T. Angeline, sergent-chef de police, en service dans un commissariat de Cocody, rencontrée dans une boulangerie, viennent corroborer l’amplification des violences conjugales, en cette crise sanitaire. « Il ne se passe un jour, sans que nous recevons des coups de fils pour des plaintes contre les violences conjugales », confie-t-elle sous un air désespéré.
Gertrude K. fille de ménage au quartier Divo dans la commune de Koumassi raconte au mois de mai, que son “tonton” (patron) qui est enseignant dans un établissement secondaire n’a de cesse exercé des sévices corporels sur sa “tantie’’ (patronne) pendant leurs disputes. « Depuis la fermeture des écoles due à la crise du coronavirus, mon tonton qui est constamment à la maison, entretient des relations de plus en plus tendues avec ma patronne. Pour un rien, il l’insulte. Non sans la traiter de tous les maux. Or, en cette période de crise sanitaire, où il ne perçoit plus de revenu, car exerçant dans un établissement privé, c’est ma tantie qui assure pratiquement toutes les dépenses de la maison, à travers son petit commerce de poisson-fumé. Avant-hier, il lui a demandé de lui remettre 5 000 FCfa, afin de l’expédier à son cousin, qui éprouve des difficultés. Ma tantie a tenté de faire comprendre à son époux que sa recette journalière avait été en-deçà de ses attentes, et qu’elle ne pouvait que lui donner 2000 FCfa, celui-ci n’a rien voulu savoir. Ainsi, le couple a engagé une dispute, le ton est monté et mon patron s’est mis à battre sa femme, en lui assénant des coups….. Il l’a traitée de tous les maux… ».
Aussi, le secteur des médias, comme bien d’autres n’est pas épargné par ces violations. K. A, est étudiante à l’Institut des Sciences et Techniques de la Communication (ISTC-Polytechnique). Elle expliquait qu’elle a dû abandonner son stage en journalisme dès le mois de novembre 2019, dans un quotidien de la place, pour échapper aux harcèlements récurrents de sa hiérarchie. « J’avais obtenu six mois de stage dans une entreprise de presse écrite. Mais j’ai finalement fait un mois et demi. Le secrétaire de rédaction, ainsi que mon chef de service me courtisaient tous deux. Et lorsque, je leur faisais savoir que je suis fiancée avec dot à l’appui, ils ne voulaient rien comprendre et continuaient dans cette même lancée. De ce fait, ils refusaient de me donner l’encadrement dont j’étais sensée bénéficier, en vue de soutenir mon Master. Je vous assure que j’étais laissée pour compte, lorsque je mettais pieds dans cette rédaction. Finalement, j’ai abandonné le stage, puisque je n’apprenais rien…. », a-t-elle expliqué.
Tout comme ces deux témoignages, les violations envers la gent féminine sont de plusieurs ordres. Parfois, la négligence ou même le refus affiché de certains parents de scolariser leurs filles, etc. Et aussi, le refus d’employer ou même nommer une femme à un certain poste, comme a expliqué Y. Clarisse, technicienne de surface dans une entreprise agroalimentaire en zone portuaire. « On a notre DG, qui après le départ à la retraite du chef comptable, a refusé de nommer madame G.H qui était en bonne position, car ayant le meilleur profil, en remplacement de celui qu’elle avait adjoint depuis trois ans. Et ce, sous le prétexte que c’est une femme, qu’elle ne pourrait pas tenir la comptabilité comme il se doit, qu’elle viendrait en retard, parce qu’elle doit d’abord s’occuper de ses enfants et son mari,…. », a relevé Clarisse.
Les dispositions de l’Article 36 de la constitution ivoirienne stipulent : « L'Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme, en augmentant ses chances d'accès à la représentation dans les assemblées élues ». Or il y a une sous-représentativité des femmes dans les assemblées élues. Au Sénat et à l’Assemblée Nationale, on compte respectivement, 19,19% et 11,37% de femmes. Au niveau des mairies, la proportion des femmes est de 7,96% et de 3,23%, pour ce qui est des Conseils Régionaux.
Les femmes sont en première ligne pour approvisionner les marchés en cette période de crise sanitaire
Les femmes en première ligne dans les marchés, supermarchés, boulangeries, hôpitaux,…
«Je suis fatiguée, j’ai peur de tomber malade……. Depuis l’annonce de la fermeture des écoles le 16 mars dernier, notre tâche à subitement augmenté, avec l’affluence record de la clientèle dans notre magasin. On était en première ligne et donc exposées à la maladie. Parce qu’il a fallu attendre un peu plus d’une semaine avant de recevoir des masques de protection et gants, de la part de notre employeur qui nous répondait à chaque fois ‘’patientez, j’ai passé la commande, ça arrive…’’. Pendant ce moment, on travaillait intensément, sans relâche, contre des files interminables de clients avec des caddies bien remplies. Notre employeur n’a pas daigné nous attribuer de primes, prétextant que le couvre-feu réduisait notre temps de travail…. », affirme D. Cécile, caissière dans un supermarché à Abobo.
Comme Cécile, elles sont plusieurs employées des grandes surfaces commerciales contraintes de travailler parfois intensément en affrontant les premiers assauts de cet‘’ennemi mondial invisible’’, afin de satisfaire la foule de clients, qui avaient pris d’assaut ces espaces, pour s’approvisionner. Le hic, c’est qu’elles ne se contentaient dans les premiers jours de la déclaration de cas confirmé, que de gel hydro-alcoolique. Elles ont dû attendre plusieurs semaines avant de se voir doter de matériels de protection (cache-nez ou protège facial, gants, vitres plexiglas). Pendant ce temps-là, l’épidémie n’a de cesse continué de se propager avec plusieurs cas de contamination, dont un enregistré dans un supermarché dans la commune de Marcory.
Aussi, de nombreuses femmes exerçant des activités génératrices de revenus sont également en première ligne d’exposition dans ce contexte de crise sanitaire mondiale. Elles exercent dans l’informel, c'est-à-dire sans aucune sécurité sociale. Il s’agit des commerçantes de vivrier, les vendeuses des marchés, les mareyeuses qui ont déployé tous leurs efforts pour approvisionner les différents marchés du pays et principalement ceux d’Abidjan. Leur détermination, ainsi que leur rôle prépondérant dans l’économie ont été saluée au mois d’avril dernier par les autorités, à travers la Secrétaire d’Etat en charge de l’Autonomisation de la Femme, Myss Belmonde Dogo « Nous voulons saluer la bravoure de ces braves dames, qui en dépit de la propagation vertigineuse de cette maladie qui fait peur à tous, font mains et pieds pour approvisionner nos marchés en denrées alimentaires », a-t-elle déclaré.
Toutes ces femmes ont le mérite du respect et de la promotion de leurs droits
Promouvoir les droits de la femme, en vue de garantir son épanouissement, pour un équilibre de la société
Ce tableau sombre démontre que les droits de la femme sont bafoués, pire, foulés au pied. Il y a donc lieu de promouvoir les droits de la femme, en vue de leur plein épanouissement, pour un développement harmonieux de la société.
En effet, la femme a plusieurs droits. Notamment, l'intégrité corporelle et l'autonomie de ne pas subir de violence sexuelle, le droit à l’éducation, de voter, d'être élue, d'entrer dans un contrat légal, d'être considérée comme l'égale du mari au sein de la société. L'égalité des sexes est un droit humain fondamental. C'est également un facteur essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Les sociétés ne peuvent prospérer durablement quand la moitié de leur population n'a pas suffisamment accès aux ressources économiques et sociales. Les droits de la femme doivent être protégés en toutes circonstances et en tous lieux. Et ce n’est pas le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres qui dira le contraire. Lui qui a relevé le 5 avril avril 2020 : « Les droits et les libertés des femmes sont d’une importance vitale pour la solidité et la résilience des sociétés ». C’était au cours de sa déclaration dans le contexte de crise de Covid-19, appelant tous les gouvernants du monde, « à faire de la prévention et de la réparation des violences à l'encontre des femmes, un élément clé de leurs plans nationaux de réponse à la pandémie ». En exemple, le numéro 1 des Nations Unies a exhorté tous les Etats à ajouter les centres d’hébergement à la liste des services essentiels. Et ce, en mettant en place des systèmes d'alerte d'urgence dans les pharmacies et magasins d’alimentation. Puis en veillant à ce que l’appareil judiciaire continue de poursuivre les coupables.
S’agissant des actions ou facteurs concourant à la promotion des droits de la gent féminine, la vice-présidente du Conseil National des Droits de l’Homme de Côte d’Ivoire (CNDH), Dr Marie-Paul Kodjo, qui s’exprimait le 6 juin 2020 à Marcory, au cours d’une cérémonie d’action sociale, à l’endroit des victimes de violences physiques et sexuelles, a relevé que la promotion des droits de la femme passe par le législatif. Qui doit voter des lois pour une meilleure protection des femmes. En plus, il faille une meilleure représentativité des femmes dans les sphères de décisions. Elle a également insisté pour des regroupements des faitières d’ONG féministes, pour former une force capable d’impacter la vie politique et la société civile. La vice-présidente du CNDH a, en outre fait cas, de l’éducation et de l’alphabétisation des femmes, pour le respect de leurs droits. Dr Marie-Paul Kodjo a, enfin évoqué la posture des médias dans leur ensemble, qui doivent sensibiliser à la promotion des droits de la femme.
Pour Dr Emilienne Ablan, spécialiste en genre et promotion des droits féministes, les femmes ont droit à un meilleur traitement au même titre que les hommes. Elle dira : « Cette crise doit être une opportunité pour prendre conscience de l’égalité entre l’homme et la femme. En période de confinement ou d’auto-confinement, les femmes et les jeunes filles (aides ménagères) ont été mises à contribution pour s’occuper du ménage, des enfants et autres… Nous devrons reconnaître la contribution des femmes à la production économique, surtout pour celles qui ont occupé les supermarchés, les marchés traditionnels de vivriers, les boulangeries au cours de la période de couvre-feu ». Avant d’ajouter : « Les hommes ont des compétences spécifiques et doivent aider les femmes dans la promotion de leurs droits. Par exemple, un homme qui épouse une femme illettrée doit avoir à l’esprit de l’inscrire aux cours du soir, afin qu’elle apprenne à lire et écrire. Ainsi, nous devrons tous contribuer à l’information sur les droits des femmes ».
Quant à Bouabré Virginie, doctorante en sociologie à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, la promotion des droits de la femme commence de prime abord par l’effacement, sinon l’élimination de certaines pesanteurs culturelles africaines, qui confinent la femme dans une posture de soumission totale sans contestation aucune et l’homme dans une domination intégrale, voire despotique de la femme. Ou encore même des préjugés comme : « Femme doit pas me commander, me dépasser, parler devant moi… ». Aujourd’hui, poursuit-elle, « les mentalités ont grandement évolué et l’homme doit percevoir la femme comme son alter égo, en vue d’une complicité positive pour relever tous les défis des droits de la femme, en vue d’un meilleur équilibre, de la famille, de la vie et de la société toute entière », a-t-elle relevé.
D’après Aliman Ouattara, assistante de direction dans une entreprise d’hydrocarbure à Port-Bouët Vridi, la promotion des droits de la femme commence par le mari, pour celles qui sont mariées. « Un homme doit honorer sa femme, la chérir, être à ses petits soins, l’assister parfois dans ses tâches ménagères pendant les week-ends, …., de sorte qu’elle trouve son épanouissement au sein de la cellule familiale. En un mot, que cette dernière se sente considérée et honorée au sein du foyer,…. ».