Ce conflit d’intérêt avéré s’inscrit dans un contexte où plusieurs organes de presse privés et indépendants sont entravés dans leur couverture électorale. Le 15 avril, les journalistes du site d’information en ligne Alwihda.info ont été empêchés, par les services de sécurité, de couvrir le premier meeting de Mahamat Idriss Déby à N’Djamena, la capitale du pays. Le matériel du caméraman du média a également été saisi et rendu à la fin de l’événement. Pour contester cette entrave, Alwihda.info a décidé de ne pas couvrir la campagne du candidat Déby.
Plusieurs mesures restrictives prises par la HAMA
Quelques jours avant le début de la campagne électorale, la Haute Autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) a interdit la diffusion et la rediffusion de toute émission interactive durant la campagne présidentielle. “Ce n’est pas la première fois que nous interdisons les émissions à micro ouvert lors d’une campagne. Il s’agit d’éviter les dérapages et de maintenir un équilibre de l’information en période électorale.” avance le président de la HAMA, Abderamane Barka. Une restriction qui tend pourtant à taire la parole des citoyens et de la société civile et qu’a notamment dénoncé le Patronat de la presse tchadienne, selon Radio France internationale (RFI).
Un mois auparavant, le 19 mars, le régulateur des médias a suspendu au moins 19 radios, 24 journaux imprimés et 7 journaux en ligne pour “arrêt de parution et non-respect du dépôt légal”. Or, selon les informations recueillies par RSF, deux de ces journaux ont pourtant respecté leurs obligations : Al-Idath et Le Libérateur. Si le premier a vu sa suspension annulée une semaine après sa proclamation, le second est lui toujours interdit de publication. Abderamane Barka joint par RSF justifie la décision : “Le Libérateur n’a pas effectué de dépôt légal sur ces trois dernières parutions, ce qui a conduit à sa suspension.” Mais selon le directeur de publication du journal, Jules Daniel Yo-hounkilam : “La HAMA a expressément refusé de traiter notre demande de rétablissement déposée le 20 mars. Le rédacteur en chef a pourtant effectué le dépôt légal le 12 février, date de parution de notre dernier numéro”.
Une insécurité grandissante pour les journalistes
En période électorale, RSF rappelle que la protection des journalistes et le respect du droit à l’information sont des enjeux cruciaux dans ce pays où l’insécurité pour les journalistes n’a cessé d’augmenter ces derniers mois. Le directeur de publication du Libérateur avait été menacé par l’ancien directeur de l’Office nationale pour la promotion de l’emploi (ONAPE) à la suite d’une enquête sur la gestion de établissement public publiée en novembre 2023, et a été forcée à la clandestinité de décembre 2023 à mars 2024 après une tentative d’enlèvement survenue le 5 décembre. Le journaliste de la radio communautaire de Mongo Idriss Yaya a été tué par balles par un individu non identifié le 1er mars à Djondjol, au centre du pays. En 2023, au moins deux journalistes tchadiens ont échappé à des tentatives d’enlèvement.