Cher compatriote,
Il est de coutume assez rare de nier l'évidence de la vérité, celle d'affirmer - en témoignent vos propos - qu'elle ne change pas de visage au gré des circonstances.
Suite à une chronique publiée sur la toile vous interpellant, un argumentaire a été publié avec en toile de fond: victimisation, innocence, et démocratie.
C'est un exercice qualitativement louable mais extrêmement pauvre en terme de contenu édifiant. D'abord permettez-moi de vous dire que plus rien ne sera comme avant.
Le débat d'idées se fera partout où c'est possible avec les moyens de communication modernes et ce, sans l'outil de propagande et de division que tous les gouvernements et régimes ont toujours utilisé avec cynisme : la radio Centrafrique.
En tant que responsable politique, il serait déplacé de croire qu'on peut se soustraire à des critiques, fussent-elles sordides ou alléguées à moins de s'envelopper de la toge de la naïveté pour peut être y échapper.
L’idée selon laquelle vos adversaires politiques se croient obligés de se réfugier dans des discussions au ras des pâquerettes pour tenter d'exister est totalement outrancière.
Il ne vous appartient pas de dire, de suspecter voire même de supposer que tel ou tel tente d'exister sur la base de son opinion légitimement exprimée. Cela trahi une certaine condescendance à bien des égards.
Bref, plus sérieusement parlons de votre vérité révélée.
Monsieur Ziguélé, en vous lisant je suis interloqué d'abord par le manque de reconnaissance que vous manifestez à l'égard de celui qui vous a "fait", le feu président Patassé en l'occurrence.
De simple militant de base de votre formation politique, méconnu du grand public et du monde politique, il vous a hissé sur l'échelle des lumières en commençant par vous proposer à la Banque Centrale (BEAC) comme directeur national et de vous nommer très vite premier ministre, faisant de vous le premier des Centrafricains choisi à ce poste au bénéfice d'une suspicion d'affinité "ethnico- parentale" sous la république et le deuxième après "madame Domitien" sous l'empire. Cela vaut à mon sens une reconnaissance à moins d'être inscrit dans la lignée de l'absolue ingratitude.
Le 1er avril 2001, vous étiez nommé premier ministre et le 28 mai c'est-à-dire deux mois à peine, le coup d'état manqué revendiqué par Kolingba, sonna le glas du calvaire de ceux de nos compatriotes qui ont le malheur d'appartenir au même groupe ethnique que l'auteur du putsch manqué. Des barricades sont érigées dans la capitale Bangui par des miliciens armés de machettes, de flèches, de couteaux et de haches pour contrôler, dénicher, soustraire des véhicules et saucissonner tout passant susceptible d'être proche de l'ethnie de Kolingba.
Ces faits datent il y a quinze ans et j'ai beau cherché dans les archives de la radio centrafrique, aucune trace d'une fermeté verbale de votre part face à ce qui s'approchait de l'insoutenable modèle rwandais.
Les propos du député Dondon parlant de" minorité exogène imbue du complexe de supériorité..." n'ont jamais été dénoncés par vous, chef du gouvernement d'alors.
Beaucoup de nos compatriotes ont traversé le fleuve Oubangui pour se réfugier à Zongo en République Démocratique du Congo et certains y auront même malgré eux leurs sépultures.
Le président Patassé dira d'ailleurs sur les ondes d'une radio internationale à propos du départ en masse de ces futurs réfugiés qu'"ils sont repartis chez eux". Je garderais toujours pour l'histoire ces bandes sonores qui retracent le niveau de haine jamais atteint envers une partie de la communauté dans ce pays avant l'avènement des rebelles étrangers et en même temps dire à mes compatriotes: plus jamais ça!
En octobre 2002, voilà que les banyamulengués originaires de la province sud-Kivu à l'Est de la RDC, envahissent Bangui sur sollicitation du pouvoir en place.
Un Etat républicain faisant appel de manière officielle à des bandits rebelles tels: les kodos et autres venus du Tchad et les banyamulengues de Jean-Pierre Bemba. Du jamais vu!
Un Etat républicain créant et entretenant des milices dont les plus connus: SCPS ( société centrafricaine de protection et de surveillance), Balawa, Karako, Sarawi. Du jamais vu!
Un Etat républicain donnant les moyens militaires à un civil ressortissant tchadien du nom de Koumta madji alias Miskine Abdoulaye pour créer une force non conventionnelle, du jamais vu!
Alors la question que je vous pose est celle de savoir si en farouche défenseur de la démocratie, la notion d'"Etat républicain" est-elle pour vous une valeur indéfendable?
Le droit constitutionnel de 1993 garanti pourtant à tous centrafricains l'impossibilité d'être contraint à l'exil et stipule en son article premier le caractère sacré de la personne humaine.
Il est par ailleurs spécifié l'obligation constitutionnelle de la puissance publique de protéger la personne humaine.
Pourquoi donc ces milliers de victimes innocentes nées des suites du coup d'état manqué de 2001 et de l'avènement des banyamulengues?
Personne en Centrafrique n'est inquiétée, pas même ceux qui ont la responsabilité de par la constitution de mettre en oeuvre la politique définie par le président d'alors.
Cher Martin Ziguélé,
En abordant la question sur les atrocités criminelles des banyamulengues, vous vous posez en victime évitant soigneusement de parler du fond de cette question. En conséquence, vous publiez les documents attestant comme vous dites, votre innocence concernant le volet pénal de cette affaire.
J'adhère totalement à cette forme de riposte sauf qu'il est intellectuellement rebutant d’escamoter la part contributive de votre engagement moral à la mise en place de ce funeste projet et dont les conséquences continuent d'altérer l'unité nationale jusqu'à ce jour, rendant anachronique à l'échelle de notre sous région la notion d'Etat républicain.
Etant à la tête de l'exécutif en ce temps, les étrangers d'une force non étatique ont reçu l'autorisation contractuelle d'opérer sur la terre de nos ancêtres; il s'en suit des massacres, des viols, des pillages, des transmissions volontaires de VIH aux enfants et femmes, et vous vous dites, je n'y suis pour rien; c'est Patassé le fautif car c'est lui le coupable au regard du jugement publié. Peut-on se demander si vous aviez une conscience et le sens des valeurs républicaines ?
Si tel est le cas, je suis tenté de dire que vous aussi vous aviez trahi votre conscience.
Les véhicules de l'administration et des particuliers que vous aviez réquisitionnés démontrent à suffisance votre consciente et volontaire participation à cette sinistre entreprise et ont permis en conséquence à ces barbares de se déplacer en mettant en oeuvre ce qu'ils savent faire le mieux à savoir, épandre l'horreur.
Nous demander de prouver votre implication dans nos malheurs, alors que les faits l'attestent, est une injure à la mémoire de nos enfants, nos femmes et tous ceux qui sont assassinés, violés ou mutilés. Il vous incombe dès lors, de vous soumettre devant le tribunal de votre conscience et d'assumer votre part de responsabilité.
Vous étiez premier ministre et des milices ont été créées en violation des règles républicaines régissant un Etat de droit.
Il s'agit notamment des milices du tchadien Koumta madji dit Abdoulaye Miskine, du français Paul Baril et du centrafricain Ndoubabe Victor.
Le démocrate que vous êtes, numéro deux du pouvoir exécutif d'alors a t-il perdu tout sens de dénonciation?
Pourtant quelques années auparavant, la dictature de Bokassa comme vous dites passait mal à vos yeux, sauf que l'ex empereur n'a jamais sollicité les rebelles étrangers pour tuer, indexer et contraindre à l'exil les ethnies de ceux qu'il accuse d'attenter à son pouvoir comme les regrettés Banza, Obrou, Lingoupou, et bien d'autres.
Il a au contraire fait face dignement et volontairement à ces compatriotes lors de son procès et assumé au travers de sa condamnation les responsabilités qui sont les siennes dans les griefs délictuels formulés à son encontre.
En 1981, le feu David Dacko, parachuté président par la France pour réinstaurer la république a organisé les élections et les résultats étaient contestés par des méthodes peu orthodoxes. Était-ce aussi une dictature?
Non cher compatriote, vous n'avez pas le monopole de la lutte pour la restauration de la république; le sujet ici n'est pas celui là ne vous en déplaise.
Je constate tout de même que vous êtes le couple exécutif précurseur en Centrafrique ayant fait recours aux forces irrégulières étrangères pour sauver votre pouvoir, trépignant sans aucun scrupule les principes républicains et les autres n'ont fait que vous suivre. Ayez au moins la décence de le reconnaître en nous évitant l'avidité d'une rhétorique tendant à "jupitariser" l'attitude quoi qu'irresponsable de Bozizé.
-Djotodia l'homme de la transition-
Il est intéressant par ailleurs de vous lire à propos de votre lien supposé avec la séléka.
Face à la journaliste d'"alqarra tv", vous affirmiez ceci en réponse à la question de savoir si Michel Djotodia sera le Président du Conseil Supérieur de Transition : "...si les centrafricains le souhaitent comme je le pense, comme je l'espère également, Michel Djotodia sera désigné Président du Conseil Supérieur de Transition... " donc Président de la République.
Il en résulte tout de même que c'est un dérapage inconcevable de la part d'un responsable politique "éclairé" au vu des crimes graves commis dans l'arrière pays peu avant la débâcle des soldats de Bozizé et la prise de Bangui.
Je rappelle qu'un lundi matin, alors que la population manifestait pacifiquement contre la présence des forces tchadiennes connues pour être des "bruts dépourvus du sens de la raison", ces derniers tuent froidement trois de nos compatriotes et laissent plusieurs blessés sur l'asphalte de l'avenue Barthélémy Boganda.
L'avant veille de Noël 2013, une interpellation de six criminels ex-séléka identifiés par les soldats burundais comme étant les coordonnateurs du réseau de pillages et de viols a été empêchée par les soldats tchadiens de la Fomac, attestant de fait la complicité et l'évidence même de leur soutien à la propension cruelle et destructrice de la séléka. Eh bien, il me semble qu'à ce moment, vous en tant que responsable politique en vue, vous ayez oublié le chemin qui mène à la radio ndékè luka pour dénoncer cet état de fait. Il n y a pas que vous d'ailleurs.
Deux jours après le carnage opéré par la barbarie sélékiste à l'église notre dame de Fatima, une manifestation s'est tenue et les soldats burundais de la Fomac en "gentils salariés des causes de la paix" abattent trois de nos compatriotes et en blessent plusieurs. Vous n'avez pas réagi.
Aujourd'hui après avoir encensé Djotodia et sa bande, les "politiques" et quelques vagabonds aventuriers totalement feutrés hier ont retrouvé le chemin de la radio pour déclarer leur amour à la patrie.
C'est triste et sidérant.
Je rappelle qu'il y a eu à l'actif de Djotodia :
- Plus d' un million de déplacés parmi nos populations.
- Des milliers de nos compatriotes qui se sont retrouvés malgré eux en RDC, au Congo Brazzaville, au Cameroun, au Tchad, au Mali, au Bénin...
-Des milliers de morts.
-Des villages entiers rasés et brûlés comme à Bouca, Bocaranga, Batangafo, Mbrés, Bambari...
-La haine des musulmans a envahi le cœur des Centrafricains pour la plupart.
Affirmer publiquement qu'il est et sera celui qui préside la Centrafrique parce que les centrafricains ont besoin d'être gouvernés, c'est à mon sens une faute politique d'une extrême gravité.
Le rôle d'un homme politique si je peux me permettre n'est pas de jouer un numéro d'équilibriste d'envergure mais plutôt de se positionner clairement face à la violation des règles constitutionnelles qui régissent un Etat de droit, incluant entre autres la menace des libertés publiques et individuelles, l'occupation étrangère, le recours à des forces irrégulières d'origine étrangère, la criminalité organisée, voire la création des milices.
Avoir le courage de dénoncer ces faits et même de démissionner pour faire honneur à la république et à ses principes, c'est faire face dignement à sa conscience et mériter l'honneur de se faire traiter de responsable politique.
Monsieur Ziguélé, j'ai cherché parmi vos déclarations et je n'ai pas trouvé celle qui fulmine la collusion de l'armée tchadienne avec la séléka ni même les expéditions barbares menées à Boy Rabe, Boeing, Fatima, Quango..., pendant le règne de Djotodia.
Je ne cache pourtant pas mon ressentiment : tout homme ou femme ayant fait le choix de soutenir, de garder un silence complice, de collaborer ou d'avoir un lien avec une entreprise criminelle étrangère et avec Djotodia est indigne de diriger la Centrafrique.
Certes, Bozizé n'a pas rendu service à ce pays mais qui a fait à nouveau Bozizé? Vous connaissez l'homme et l'homme vous connait. Au milieu, il y a nos compatriotes qui ne vous ont pas demandé de ramener sur leur sol des étrangers pour consolider vos pouvoirs.
Reconnaissez de ce point de vue la responsabilité qu'est la vôtre au calvaire actuel que vit ce pays.
Aussi me permettrai-je de vous dire que la complicité telle que définie dans vos propos n'exprime pas que la mise à disposition des moyens humains, matériels et financiers même si ce fut le cas avec les banyamulengues à l'époque où vous étiez chef de gouvernement.
Cela suppose bien évidement une participation à une action répréhensible, à un délit, c'est également une forme de collaboration. Elle n'est pas forcement matérielle mais plutôt politique et donc non matérialisable.
Ne jouons pas sur les mots pour pervertir la raison.
Toujours face à la journaliste d'"alqarra tv", vous affirmiez: "le président Djotodia est d'accord sur toutes les dispositions du sommet de N'Djamena et il n y a aucune raison de douter de sa bonne foi et de sa bonne volonté".
Sauf que les faits malheureusement sont d'une infamante réalité et vous donnent tort.
En effet, peu après cet optimisme affiché lors de votre interview, la meute a été lâchée par Djotodia.
Le Km5 s'est transformé en quartier général (QG) de la séléka.
La chasse aux biens des Centrafricains a commencé. Chaque nuit, et même en plein jour les bruits de casseroles retentissent pour alerter sur l'arrivée des "pilleurs-tueurs", disciples de celui qui s'est autoproclamé président.
Les morts se comptent par milliers ainsi que les viols. Beaucoup de nos familles se ruent vers les lieux de culte ainsi que sur le tarmac de l'aéroport; une tentative de résistance s'organise au travers des comités de défense récupérés peu après par des fossoyeurs dénommés responsables anti balaka.
En ce temps, votre silence sonne comme une trahison.
Ou se situe donc la bonne foi de Djotodia?
Vous affirmez vous battre depuis trente-quatre ans pour le triomphe des valeurs qui fondent la république aux côtés du peuple centrafricain.
Le constat en est tout simplement l'évanescence d'un idéal flou que vous proposez, teinté à la fois d'obscurantisme et d'un socialisme frivole, faisant face à l'indescriptible enfer vécu par nos compatriotes et qui malheureusement, semble s'éterniser.
Même si je réfute l'attributif de génocidaire que certains vous prêtent, j'affirme pour autant que les centrafricains ont tous été victimes de par leur ethnie, de choix discriminants inhérents aux attributions des bourses d'études, des marchés publics mais aussi des nominations pendant les différents régimes.
En somme, dois-je dire au vu de ce que vous avez écrit qu'il serait honorable d'assumer en tant que leader politique, la responsabilité qui vous incombe dans ces terribles crises qui ont vacillé un tant soi peu la cohésion de notre peuple alors que vous occupiez un poste éminent, celui de premier ministre.
L'histoire retiendra que les véhicules de l'administration et des particuliers mis à disposition des banyamulengués, répondent à une logique d'accompagnement matériel d'un projet : celle de terroriser et de tuer certains de vos compatriotes, de les contraindre à l'exil, sans chercher les vrais coupables du putsch qui, en tout état de cause devraient répondre de leurs actes devant la justice.
Les juifs ont vécu cette triste réalité en France et en Europe, et je puis vous assurer qu'aucun Français ou Européen ayant collaboré de quelque manière que ce soit pour faciliter pareille tache répugnante n'a pu exister politiquement jusqu'à la fin de ses jours.
Je retiens en outre que par le geste de publication de l'arrêt de la cour criminelle bien que consultable par tous citoyens, vous balancez avec une insultante finesse celui qui a fait de vous un homme politique connu, en l'occurrence le feu Patassé.
Avec la séléka, vous niez l'évidence de votre soutien à Djotodia en gardant le silence sur les exactions au moment où il jouissait de son pouvoir avec son premier ministre et en reprenant la parole qu'au "bon moment".
J'aurais souhaité vous voir auprès de nos compatriotes pourchassés par les ennemis de ce pays sur le tarmac de l'aéroport, dans les différents lieux de refuge et même dénoncer l'attitude des alliés de la séléka notamment les forces tchadiennes de la Fomac.
Vous avez préféré attendre que la bande à Djotodia soit affaiblie pour retrouver de la voix.
Je trouve cela indécent.
En attendant la nécessaire réconciliation entre centrafricains, qui ne devra pas se faire à n'importe quel prix, puis-je vous assurez non sans égotisme d'ailleurs que plus rien ne sera comme avant.
Patriotiquement.
Fait à Paris le 09 janvier 2015
Il est de coutume assez rare de nier l'évidence de la vérité, celle d'affirmer - en témoignent vos propos - qu'elle ne change pas de visage au gré des circonstances.
Suite à une chronique publiée sur la toile vous interpellant, un argumentaire a été publié avec en toile de fond: victimisation, innocence, et démocratie.
C'est un exercice qualitativement louable mais extrêmement pauvre en terme de contenu édifiant. D'abord permettez-moi de vous dire que plus rien ne sera comme avant.
Le débat d'idées se fera partout où c'est possible avec les moyens de communication modernes et ce, sans l'outil de propagande et de division que tous les gouvernements et régimes ont toujours utilisé avec cynisme : la radio Centrafrique.
En tant que responsable politique, il serait déplacé de croire qu'on peut se soustraire à des critiques, fussent-elles sordides ou alléguées à moins de s'envelopper de la toge de la naïveté pour peut être y échapper.
L’idée selon laquelle vos adversaires politiques se croient obligés de se réfugier dans des discussions au ras des pâquerettes pour tenter d'exister est totalement outrancière.
Il ne vous appartient pas de dire, de suspecter voire même de supposer que tel ou tel tente d'exister sur la base de son opinion légitimement exprimée. Cela trahi une certaine condescendance à bien des égards.
Bref, plus sérieusement parlons de votre vérité révélée.
Monsieur Ziguélé, en vous lisant je suis interloqué d'abord par le manque de reconnaissance que vous manifestez à l'égard de celui qui vous a "fait", le feu président Patassé en l'occurrence.
De simple militant de base de votre formation politique, méconnu du grand public et du monde politique, il vous a hissé sur l'échelle des lumières en commençant par vous proposer à la Banque Centrale (BEAC) comme directeur national et de vous nommer très vite premier ministre, faisant de vous le premier des Centrafricains choisi à ce poste au bénéfice d'une suspicion d'affinité "ethnico- parentale" sous la république et le deuxième après "madame Domitien" sous l'empire. Cela vaut à mon sens une reconnaissance à moins d'être inscrit dans la lignée de l'absolue ingratitude.
Le 1er avril 2001, vous étiez nommé premier ministre et le 28 mai c'est-à-dire deux mois à peine, le coup d'état manqué revendiqué par Kolingba, sonna le glas du calvaire de ceux de nos compatriotes qui ont le malheur d'appartenir au même groupe ethnique que l'auteur du putsch manqué. Des barricades sont érigées dans la capitale Bangui par des miliciens armés de machettes, de flèches, de couteaux et de haches pour contrôler, dénicher, soustraire des véhicules et saucissonner tout passant susceptible d'être proche de l'ethnie de Kolingba.
Ces faits datent il y a quinze ans et j'ai beau cherché dans les archives de la radio centrafrique, aucune trace d'une fermeté verbale de votre part face à ce qui s'approchait de l'insoutenable modèle rwandais.
Les propos du député Dondon parlant de" minorité exogène imbue du complexe de supériorité..." n'ont jamais été dénoncés par vous, chef du gouvernement d'alors.
Beaucoup de nos compatriotes ont traversé le fleuve Oubangui pour se réfugier à Zongo en République Démocratique du Congo et certains y auront même malgré eux leurs sépultures.
Le président Patassé dira d'ailleurs sur les ondes d'une radio internationale à propos du départ en masse de ces futurs réfugiés qu'"ils sont repartis chez eux". Je garderais toujours pour l'histoire ces bandes sonores qui retracent le niveau de haine jamais atteint envers une partie de la communauté dans ce pays avant l'avènement des rebelles étrangers et en même temps dire à mes compatriotes: plus jamais ça!
En octobre 2002, voilà que les banyamulengués originaires de la province sud-Kivu à l'Est de la RDC, envahissent Bangui sur sollicitation du pouvoir en place.
Un Etat républicain faisant appel de manière officielle à des bandits rebelles tels: les kodos et autres venus du Tchad et les banyamulengues de Jean-Pierre Bemba. Du jamais vu!
Un Etat républicain créant et entretenant des milices dont les plus connus: SCPS ( société centrafricaine de protection et de surveillance), Balawa, Karako, Sarawi. Du jamais vu!
Un Etat républicain donnant les moyens militaires à un civil ressortissant tchadien du nom de Koumta madji alias Miskine Abdoulaye pour créer une force non conventionnelle, du jamais vu!
Alors la question que je vous pose est celle de savoir si en farouche défenseur de la démocratie, la notion d'"Etat républicain" est-elle pour vous une valeur indéfendable?
Le droit constitutionnel de 1993 garanti pourtant à tous centrafricains l'impossibilité d'être contraint à l'exil et stipule en son article premier le caractère sacré de la personne humaine.
Il est par ailleurs spécifié l'obligation constitutionnelle de la puissance publique de protéger la personne humaine.
Pourquoi donc ces milliers de victimes innocentes nées des suites du coup d'état manqué de 2001 et de l'avènement des banyamulengues?
Personne en Centrafrique n'est inquiétée, pas même ceux qui ont la responsabilité de par la constitution de mettre en oeuvre la politique définie par le président d'alors.
Cher Martin Ziguélé,
En abordant la question sur les atrocités criminelles des banyamulengues, vous vous posez en victime évitant soigneusement de parler du fond de cette question. En conséquence, vous publiez les documents attestant comme vous dites, votre innocence concernant le volet pénal de cette affaire.
J'adhère totalement à cette forme de riposte sauf qu'il est intellectuellement rebutant d’escamoter la part contributive de votre engagement moral à la mise en place de ce funeste projet et dont les conséquences continuent d'altérer l'unité nationale jusqu'à ce jour, rendant anachronique à l'échelle de notre sous région la notion d'Etat républicain.
Etant à la tête de l'exécutif en ce temps, les étrangers d'une force non étatique ont reçu l'autorisation contractuelle d'opérer sur la terre de nos ancêtres; il s'en suit des massacres, des viols, des pillages, des transmissions volontaires de VIH aux enfants et femmes, et vous vous dites, je n'y suis pour rien; c'est Patassé le fautif car c'est lui le coupable au regard du jugement publié. Peut-on se demander si vous aviez une conscience et le sens des valeurs républicaines ?
Si tel est le cas, je suis tenté de dire que vous aussi vous aviez trahi votre conscience.
Les véhicules de l'administration et des particuliers que vous aviez réquisitionnés démontrent à suffisance votre consciente et volontaire participation à cette sinistre entreprise et ont permis en conséquence à ces barbares de se déplacer en mettant en oeuvre ce qu'ils savent faire le mieux à savoir, épandre l'horreur.
Nous demander de prouver votre implication dans nos malheurs, alors que les faits l'attestent, est une injure à la mémoire de nos enfants, nos femmes et tous ceux qui sont assassinés, violés ou mutilés. Il vous incombe dès lors, de vous soumettre devant le tribunal de votre conscience et d'assumer votre part de responsabilité.
Vous étiez premier ministre et des milices ont été créées en violation des règles républicaines régissant un Etat de droit.
Il s'agit notamment des milices du tchadien Koumta madji dit Abdoulaye Miskine, du français Paul Baril et du centrafricain Ndoubabe Victor.
Le démocrate que vous êtes, numéro deux du pouvoir exécutif d'alors a t-il perdu tout sens de dénonciation?
Pourtant quelques années auparavant, la dictature de Bokassa comme vous dites passait mal à vos yeux, sauf que l'ex empereur n'a jamais sollicité les rebelles étrangers pour tuer, indexer et contraindre à l'exil les ethnies de ceux qu'il accuse d'attenter à son pouvoir comme les regrettés Banza, Obrou, Lingoupou, et bien d'autres.
Il a au contraire fait face dignement et volontairement à ces compatriotes lors de son procès et assumé au travers de sa condamnation les responsabilités qui sont les siennes dans les griefs délictuels formulés à son encontre.
En 1981, le feu David Dacko, parachuté président par la France pour réinstaurer la république a organisé les élections et les résultats étaient contestés par des méthodes peu orthodoxes. Était-ce aussi une dictature?
Non cher compatriote, vous n'avez pas le monopole de la lutte pour la restauration de la république; le sujet ici n'est pas celui là ne vous en déplaise.
Je constate tout de même que vous êtes le couple exécutif précurseur en Centrafrique ayant fait recours aux forces irrégulières étrangères pour sauver votre pouvoir, trépignant sans aucun scrupule les principes républicains et les autres n'ont fait que vous suivre. Ayez au moins la décence de le reconnaître en nous évitant l'avidité d'une rhétorique tendant à "jupitariser" l'attitude quoi qu'irresponsable de Bozizé.
-Djotodia l'homme de la transition-
Il est intéressant par ailleurs de vous lire à propos de votre lien supposé avec la séléka.
Face à la journaliste d'"alqarra tv", vous affirmiez ceci en réponse à la question de savoir si Michel Djotodia sera le Président du Conseil Supérieur de Transition : "...si les centrafricains le souhaitent comme je le pense, comme je l'espère également, Michel Djotodia sera désigné Président du Conseil Supérieur de Transition... " donc Président de la République.
Il en résulte tout de même que c'est un dérapage inconcevable de la part d'un responsable politique "éclairé" au vu des crimes graves commis dans l'arrière pays peu avant la débâcle des soldats de Bozizé et la prise de Bangui.
Je rappelle qu'un lundi matin, alors que la population manifestait pacifiquement contre la présence des forces tchadiennes connues pour être des "bruts dépourvus du sens de la raison", ces derniers tuent froidement trois de nos compatriotes et laissent plusieurs blessés sur l'asphalte de l'avenue Barthélémy Boganda.
L'avant veille de Noël 2013, une interpellation de six criminels ex-séléka identifiés par les soldats burundais comme étant les coordonnateurs du réseau de pillages et de viols a été empêchée par les soldats tchadiens de la Fomac, attestant de fait la complicité et l'évidence même de leur soutien à la propension cruelle et destructrice de la séléka. Eh bien, il me semble qu'à ce moment, vous en tant que responsable politique en vue, vous ayez oublié le chemin qui mène à la radio ndékè luka pour dénoncer cet état de fait. Il n y a pas que vous d'ailleurs.
Deux jours après le carnage opéré par la barbarie sélékiste à l'église notre dame de Fatima, une manifestation s'est tenue et les soldats burundais de la Fomac en "gentils salariés des causes de la paix" abattent trois de nos compatriotes et en blessent plusieurs. Vous n'avez pas réagi.
Aujourd'hui après avoir encensé Djotodia et sa bande, les "politiques" et quelques vagabonds aventuriers totalement feutrés hier ont retrouvé le chemin de la radio pour déclarer leur amour à la patrie.
C'est triste et sidérant.
Je rappelle qu'il y a eu à l'actif de Djotodia :
- Plus d' un million de déplacés parmi nos populations.
- Des milliers de nos compatriotes qui se sont retrouvés malgré eux en RDC, au Congo Brazzaville, au Cameroun, au Tchad, au Mali, au Bénin...
-Des milliers de morts.
-Des villages entiers rasés et brûlés comme à Bouca, Bocaranga, Batangafo, Mbrés, Bambari...
-La haine des musulmans a envahi le cœur des Centrafricains pour la plupart.
Affirmer publiquement qu'il est et sera celui qui préside la Centrafrique parce que les centrafricains ont besoin d'être gouvernés, c'est à mon sens une faute politique d'une extrême gravité.
Le rôle d'un homme politique si je peux me permettre n'est pas de jouer un numéro d'équilibriste d'envergure mais plutôt de se positionner clairement face à la violation des règles constitutionnelles qui régissent un Etat de droit, incluant entre autres la menace des libertés publiques et individuelles, l'occupation étrangère, le recours à des forces irrégulières d'origine étrangère, la criminalité organisée, voire la création des milices.
Avoir le courage de dénoncer ces faits et même de démissionner pour faire honneur à la république et à ses principes, c'est faire face dignement à sa conscience et mériter l'honneur de se faire traiter de responsable politique.
Monsieur Ziguélé, j'ai cherché parmi vos déclarations et je n'ai pas trouvé celle qui fulmine la collusion de l'armée tchadienne avec la séléka ni même les expéditions barbares menées à Boy Rabe, Boeing, Fatima, Quango..., pendant le règne de Djotodia.
Je ne cache pourtant pas mon ressentiment : tout homme ou femme ayant fait le choix de soutenir, de garder un silence complice, de collaborer ou d'avoir un lien avec une entreprise criminelle étrangère et avec Djotodia est indigne de diriger la Centrafrique.
Certes, Bozizé n'a pas rendu service à ce pays mais qui a fait à nouveau Bozizé? Vous connaissez l'homme et l'homme vous connait. Au milieu, il y a nos compatriotes qui ne vous ont pas demandé de ramener sur leur sol des étrangers pour consolider vos pouvoirs.
Reconnaissez de ce point de vue la responsabilité qu'est la vôtre au calvaire actuel que vit ce pays.
Aussi me permettrai-je de vous dire que la complicité telle que définie dans vos propos n'exprime pas que la mise à disposition des moyens humains, matériels et financiers même si ce fut le cas avec les banyamulengues à l'époque où vous étiez chef de gouvernement.
Cela suppose bien évidement une participation à une action répréhensible, à un délit, c'est également une forme de collaboration. Elle n'est pas forcement matérielle mais plutôt politique et donc non matérialisable.
Ne jouons pas sur les mots pour pervertir la raison.
Toujours face à la journaliste d'"alqarra tv", vous affirmiez: "le président Djotodia est d'accord sur toutes les dispositions du sommet de N'Djamena et il n y a aucune raison de douter de sa bonne foi et de sa bonne volonté".
Sauf que les faits malheureusement sont d'une infamante réalité et vous donnent tort.
En effet, peu après cet optimisme affiché lors de votre interview, la meute a été lâchée par Djotodia.
Le Km5 s'est transformé en quartier général (QG) de la séléka.
La chasse aux biens des Centrafricains a commencé. Chaque nuit, et même en plein jour les bruits de casseroles retentissent pour alerter sur l'arrivée des "pilleurs-tueurs", disciples de celui qui s'est autoproclamé président.
Les morts se comptent par milliers ainsi que les viols. Beaucoup de nos familles se ruent vers les lieux de culte ainsi que sur le tarmac de l'aéroport; une tentative de résistance s'organise au travers des comités de défense récupérés peu après par des fossoyeurs dénommés responsables anti balaka.
En ce temps, votre silence sonne comme une trahison.
Ou se situe donc la bonne foi de Djotodia?
Vous affirmez vous battre depuis trente-quatre ans pour le triomphe des valeurs qui fondent la république aux côtés du peuple centrafricain.
Le constat en est tout simplement l'évanescence d'un idéal flou que vous proposez, teinté à la fois d'obscurantisme et d'un socialisme frivole, faisant face à l'indescriptible enfer vécu par nos compatriotes et qui malheureusement, semble s'éterniser.
Même si je réfute l'attributif de génocidaire que certains vous prêtent, j'affirme pour autant que les centrafricains ont tous été victimes de par leur ethnie, de choix discriminants inhérents aux attributions des bourses d'études, des marchés publics mais aussi des nominations pendant les différents régimes.
En somme, dois-je dire au vu de ce que vous avez écrit qu'il serait honorable d'assumer en tant que leader politique, la responsabilité qui vous incombe dans ces terribles crises qui ont vacillé un tant soi peu la cohésion de notre peuple alors que vous occupiez un poste éminent, celui de premier ministre.
L'histoire retiendra que les véhicules de l'administration et des particuliers mis à disposition des banyamulengués, répondent à une logique d'accompagnement matériel d'un projet : celle de terroriser et de tuer certains de vos compatriotes, de les contraindre à l'exil, sans chercher les vrais coupables du putsch qui, en tout état de cause devraient répondre de leurs actes devant la justice.
Les juifs ont vécu cette triste réalité en France et en Europe, et je puis vous assurer qu'aucun Français ou Européen ayant collaboré de quelque manière que ce soit pour faciliter pareille tache répugnante n'a pu exister politiquement jusqu'à la fin de ses jours.
Je retiens en outre que par le geste de publication de l'arrêt de la cour criminelle bien que consultable par tous citoyens, vous balancez avec une insultante finesse celui qui a fait de vous un homme politique connu, en l'occurrence le feu Patassé.
Avec la séléka, vous niez l'évidence de votre soutien à Djotodia en gardant le silence sur les exactions au moment où il jouissait de son pouvoir avec son premier ministre et en reprenant la parole qu'au "bon moment".
J'aurais souhaité vous voir auprès de nos compatriotes pourchassés par les ennemis de ce pays sur le tarmac de l'aéroport, dans les différents lieux de refuge et même dénoncer l'attitude des alliés de la séléka notamment les forces tchadiennes de la Fomac.
Vous avez préféré attendre que la bande à Djotodia soit affaiblie pour retrouver de la voix.
Je trouve cela indécent.
En attendant la nécessaire réconciliation entre centrafricains, qui ne devra pas se faire à n'importe quel prix, puis-je vous assurez non sans égotisme d'ailleurs que plus rien ne sera comme avant.
Patriotiquement.
Fait à Paris le 09 janvier 2015