Dans deux jours débutera un nouveau sommet européen, énième rendez-vous des dirigeants de la zone euro depuis le début de la crise de la dette en décembre 2009. Pourtant, pour le ministre français de l'Economie, Pierre Moscovici, ce sommet « n'est pas un sommet banal. (...) On attend des Européens qu'ils donnent enfin des solutions structurelles et c'est ce qu'ils sont en train de chercher »Ce soir, Pierre Moscovici reçoit vers 19H00 à Paris ses homologues allemand Wolfgang Schäuble, italien Mario Monti ou son adjoint Vittorio Grilli et espagnol Luis de Guindos pour des entretiens à l'abri des regards, quatre jours après un sommet des dirigeants de ces mêmes pays à Rome.
Lignes de fractures
Mais les lignes de fracture persistent. L'Allemagne, objet de toutes les sollicitations, continue de croire aux vertus de la rigueur et se montre peu disposée à céder aux demandes de solidarité de ses partenaires. « Quand je pense au sommet, ce qui m'inquiète est qu'il y aura toutes sortes d'idées de mutualisation de la garantie (des dettes souveraines) et trop peu d'idées pour plus de contrôle »{C}{C} des finances des Etats de la zone, a déclaré lundi soir à Berlin la chancelière allemande Angela Merkel. « Il doit y avoir un équilibre entre garantie mutuelle et contrôle », quitte à transférer pour cela davantage de prérogatives à l'échelon européen, a plaidé la chancelière.
Renforcer le contrôle des budgets nationaux
Le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, a, pour sa part, remis hier soir une feuille de route à ses partenaires européens, rédigée en collaboration avec les présidents de la Commission, José Manuel Barroso, de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, et de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Il y est proposé de mettre en place une union bancaire, idée déjà largement évoquée, et de renforcer le contrôle des budgets nationaux en donnant plus de pouvoir aux instances de la zone euro. Cette proposition risque de faire grincer des dents en Europe, mais devrait satisfaire Berlin, qui souhaite encore plus de discipline budgétaire avant d'envisager toute concession en terme de solidarité.
« Une instance au niveau de la zone euro serait en position d'exiger des modifications des budgets s'ils sont en violation des règles budgétaires »{C}{C}, indique le document, qui n'exclut pas à terme la mise en place d'un Trésor pour les 17 pays de la zone euro. « Une union budgétaire à part entière impliquerait le développement d'une instance renforcée au niveau européen (...) et au final d'une instance budgétaire au niveau de la zone euro, comme un Trésor. Le rôle exact et les fonctions d'un budget centralisé, y compris son articulation avec les budgets nationaux, seront à définir »,précise le texte.
Partage de souveraineté
La France, longtemps réticente devant une telle perspective, a tenté mardi d'amadouer Berlin en plaidant la cause d'un « partage de souveraineté ». Interrogé sur la possibilité pour Bruxelles de contrôler davantage les budgets nationaux, le ministre français du Budget, Jérôme Cahuzac, a indiqué que « c'est bien de cela dont on parle, c'est une solidarité budgétaire en Europe qui suppose que non seulement le budget de la France, mais également de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne soient soumis pour une appréciation à l'ensemble de nos partenaires ». « Ce n'est pas un abandon de souveraineté, c'est un partage »,a-t-il précisé. « Il faut que la France et l'Allemagne s'entendent. (...) Il faut que l'Allemagne cesse de fantasmer l'inflation (...) et puis il faut que la France comprenne que c'est aussi peut-être l'intérêt de notre pays, de la France, de procéder à ce partage de souveraineté »,a-t-il poursuivi.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui s'exprimait devant le centre de réflexion European Policy Center à Bruxelles, n'a pas exclu de son côté un changement du traité européen pour avancer vers une union budgétaire.
Mutualiser la dette
Outre le renforcement de la discipline budgétaire, le rapport propose d'aller vers plus de solidarité en envisageant de mutualiser la dette des pays de la zone euro. « L'émission de dette en commun pourrait être une des pistes de cette union budgétaire », suggère le rapport. Il rappelle les options déjà sur la table : l'émission d' « eurobills », des euro-obligations à court terme, ou la mise en place d'un fonds d'amortissement de la dette, un dispositif allégé « d'euro-obligations » car sa durée de vie serait limitée à 20 ou 25 ans et il ne porterait pas sur l'ensemble de la dette des Etats, mais seulement sur la partie dépassant 60% du PIB.
Des propositions détaillées ne devraient pas émerger avant le sommet européen de décembre, a néanmoins souligné Herman Van Rompuy. Un rapport intermédiaire sur l'intégration au sein de la zone euro pourrait être remis en octobre.
Les marchés sceptiques
Pour l'heure, les marchés paraissent sceptiques. Les Bourses européennes ont certes ouvert timidement en hausse mardi, mais pour mieux replonger dans le rouge en milieu de matinée, au lendemain d'une chute sévère, qui a atteint plus de 3% à Madrid. La Bourse espagnole a fortement reculé, anticipant tout au long de la journée l'abaissement de la note de 28 banques du pays par l'agence de notations Moody's, le jour même où l'Espagne demandait officiellement l'aide de ses partenaires pour recapitaliser ses banques.
Dans ce contexte toujours très tendu, l'Etat espagnol a emprunté mardi 3,077 milliards d'euros à trois et six mois, légèrement au-dessus de la fourchette visée, mais à des taux d'intérêt doublés {voire triplés. Idem en Italie où l'Etat a emprunté 3,9 milliards d'euros à des taux également en forte hausse.
Outre la demande d'aide de la part de l'Etat espagnol, les Européens ont reçu lundi celle émanant de l'Etat chypriote, aux prises également avec un secteur bancaire en grandes difficultés. Chypre est le 5e pays de l'UE à effectuer cette démarche auprès des autorités européennes.
« Il n'y a pas de message rassurant en provenance de l'Europe. A quelques jours du Sommet européen, les différends entre dirigeants européens font craindre un dangereux immobilisme », résument les analystes du Crédit Mutuel-CIC.
Source - lesechos.fr Abdstrike