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INTERNATIONAL

Lutte contre le terrorisme : La France engage les pays de son pré carré dans une guerre qui les regarde si peu


Alwihda Info | Par Mamadou Oumar NDIAYE - 16 Mai 2014



Lutte contre le terrorisme : La France engage les pays de son pré carré dans une guerre qui les regarde si peu
La France a décidé, souverainement et toute seule comme une grande, de réorganiser son dispositif militaire en Afrique. En tournée dans les capitales ouest-africaines, son ministre de la Défense l’a fait savoir à ses interlocuteurs c’est-à-dire essentiellement à nos chefs d’Etat, les ministres des Forces armées qu’il a rencontrés ayant eu droit tout juste à des visites de courtoisie. Ils doivent s’estimer heureux car M. Le Drian n’est pas n’importe qui puisqu’il tutoie des présidents africains heureux d’être tenus en estime par ce proche parmi les proches du chef de l’Etat français, M. François Hollande. Ces présidents africains, on ne nous les changera jamais, tous de grands enfants !
 
La France, donc, en toute indépendance décide de redéployer son dispositif en Afrique pour, dit-elle, mieux combattre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. Fort bien. L’ennui c’est que cette réorganisation, décidée, planifiée et validée à partir de la France va s’appliquer dans nos pays, sur le continent africain. Elle déclare la guerre à des terroristes islamistes et décide que le théâtre de cette guerre, ce seront nos pays sans que nos chefs d’Etat, nos parlementaires et les populations d’une manière générale aient leur mot à dire à propos de cette guerre qui se déroulera sur leurs territoires et dont nous serons les cibles en cas de riposte de l’ennemi ! Comme de vulgaires pions sur un échiquier et comme si nous comptions pour du beurre, la France nous engage dans un conflit armé qui rappelle la fameuse « guerre mondiale contre le terrorisme » que déclara naguère l’ancien président américain George Bush contre la nébuleuse Al Qaïda. Sans nous demander notre avis, sans nous consulter, se contentant juste d’envoyer son ministre de la Défense en une sorte de tournée des popotes pour informer nos chefs d’Etat du redéploiement de son dispositif ! Cela nous rappelle cette autre humiliation qu’elle avait fait subir à l’Afrique ex-française en 1994 lorsque son ministre de la Coopération d’alors, un certain Michel Roussin, avait convoqué 16 chefs d’Etat africains de l’ex-AOF et AEF à Dakar pour leur annoncer la décision du gouvernement Balladur de dévaluer le franc cfa ! Les doigts sur la couture du pantalon, lesdits chefs d’Etat africains avaient accepté sans broncher — pouvaient-ils faire autrement, d’ailleurs ! — cette dévaluation.
 
Trente ans après, pour engager le même pré carré français dans une guerre, car il ne s’agit pas d’autre chose, c’est également un ministre français qui est envoyé pour annoncer la nouvelle aux chefs d’Etat africains. Le théâtre d’opérations, ça va être leurs pays, les victimes vont être africaines mais ces présidents n’ont pas eu leur mot à dire dans le déclenchement de cette guerre contre Al Qaïda au Maghreb islamique, contre le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et autres organisations terroristes comme Boko Haram au Nigeria.
 
C’est donc par générosité et par pure charité chrétienne que M. Jean-Yves Le Drian nous apprend que notre pays, le Sénégal, plutôt les Eléments français du Sénégal (EFS) a l’honneur d’avoir été choisi dans le cadre de ce nouveau dispositif pour abriter le « commandement de l’anticipation et de la stratégie » pour cette partie de l’Afrique. Pour ceux qui n’auraient pas compris, il explique que c’est à partir de Dakar — quel honneur, encore une fois ! —que vont se préparer les interventions sur l’ensemble de la région et c’est à partir de la capitale sénégalaise aussi « que vont se mener les opérations quand il y a des risques ». Bigre ! On dit merci à qui ? Surtout, on est tenté de demander au bon ministre : et quand il y a des ripostes qui va baver ? Les Africains, pardi ! De toute façon, ce ne sera pas la première fois qu’ils auront été utilisés comme chair à canon… Car quand Al Qaïda vise les intérêts occidentaux sur le continent, malheureusement, la majorité des victimes, ce sont des Africains ! Des Nègres de préférence. Ainsi, lors de l’attentat qui a détruit l’ambassade américaine à Nairobi en août 1998, sur les 212 victimes, il n’y avait que 12 Américains. Quant aux quelque 5.000 blessés, c’étaient presque tous des Africains. Les terroristes ne pouvant atteindre la France, ils frapperont donc notre pays en cas de riposte.
 
Et puis qui a donné mandat à Marianne pour combattre le terrorisme islamiste dans la bande sahélo-saharienne ? Sans doute pas l’Onu, encore moins l’Union africaine. Elle a décidé toute seule de venir faire sa petite guerre chez nous sans que nous lui ayons rien demandé. Et sans que nous ayons donné notre avis. Mais au fait, avons-nous seulement un avis ? Dans le cadre de ce redéploiement, donc, Abidjan et Djibouti vont être, selon le ministre, des bases « opérationnelles avancées ». Que l’on sache, ces deux pays se situent bien dans la zone sahélo-saharienne ! Quant aux autres pions du dispositif, qu’ils ne se fâchent pas puisque chacun d’eux aura son rôle à jouer dans cette petite guerre du président François Hollande : Le Niger abrite déjà les drones français, le Burkina Faso doit être heureux d’accueillir sur son sol des éléments des forces spéciales et Ndjamena des avions bombardiers. Ce sans compter, bien sûr, le rôle « stratégique » dévolu à Dakar. Quant au Mali, avec « Sangaris », il a été le mieux servi. Que veulent les Africains de plus ?
 
L’ONU ? Mais ce « machin », c’est avant tout la France qui y dispose du droit de veto et qui, pour tout ce qui concerne cette partie-ci de l’Afrique, rédige elle-même les projets de résolution que le Conseil de sécurité adopte sans y changer une virgule ! Pour ne pas risquer des comparaisons qui fâchent, nous serions même tentés de dire que la France se comporte en Afrique de l’Ouest francophone exactement comme les Russes font en Crimée voire, au-delà, en Ukraine tout entière. Et ces résolutions de l’Onu, elle en fait ce qu’elle veut en Afrique. En Libye, elle a transformé une résolution instaurant une zone d’exclusion aérienne en un permis de renverser le régime du défunt Guide Mouammar Kadhafi et même de tuer ce dernier. En Côte d’Ivoire, nouvelle « base opérationnelle avancée », ses troupes ont bombardé la résidence du président Laurent Gbabgo qui osait contester sa défaite électorale face à Alassane Ouattara, le candidat soutenu par son président Nicolas Sarkozy et a elle-même initié la résolution l’autorisant à bombarder le palais de Gbagbo !
 
Et maintenant, elle déclare la guerre aux terroristes dans la bande sahélo-saharienne. Si besoin est, elle se fera voter une gentille résolution au Conseil de sécurité des Nations-Unies pour régulariser l’opération que les Africains sont priés de bénir sans moufter. Mais au fait, l’Algérie ne fait-elle pas partie de la zone sahélo-saharienne ? Les terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ne sont-ils pas venus de ce pays avant d’essaimer à travers le désert du Sahara ? Oui ? Alors, pourquoi la France n’étend-elle pas son dispositif militaire sur le continent, si l’objectif est bien de combattre le terrorisme islamiste, dans ce grand pays du Maghreb sans la coopération duquel toute victoire militaire sur les fous de Dieu est illusoire ? Parce que, tout simplement, l’Algérie n’est pas l’Afrique noire et parce que la France n’ose rien y faire sans l’accord des dirigeants de ce pays. Tandis qu’en Afrique noire, où tout le monde a compris que, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, ce sont ses intérêts économiques qu’elle défend, la France peut tout se permettre. La France, puissance économique en déclin qui n’a plus que la guerre — ou, plutôt, son parapluie militaire — à offrir à l’Afrique. Laquelle justifie sans doute encore aujourd’hui son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Quitte à inventer des ennemis imaginaires, ou à exagérer la menace qui pèserait sur les pays africains, pour justifier sa présence militaire si envahissante.
 
Mamadou Oumar NDIAYE
Article paru dans « Le Témoin » N° 1165 –Hebdomadaire Sénégalais (MAI 2014)
Partenariat avec journal "Le Témoin", Sénégal



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