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Droit et Justice

Refus de délivrance de certificat de résidence : La condition de la menace à l’ordre public n’est pas prévue dans l’accord franco-algérien


Alwihda Info | Par Me Fayçal Megherbi - 14 Mars 2025


Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2025, et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2025 et le 31 janvier 2025, M. OP a demandé à la juge des référés d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 26 juin 2024 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et l’a interdit de retour pour une durée de cinq ans et d’enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d’un mois et de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.


Rappel des faits et de la procédure :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2025, et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2025 et le 31 janvier 2025, M. OP a demandé à la juge des référés d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 26 juin 2024 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et l’a interdit de retour pour une durée de cinq ans et d’enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d’un mois et de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Sur l’urgence :
M. OP soutient que l’urgence est présumée, dès lors que ses conclusions se rapportent à un refus de renouvellement de titre de séjour; de plus, la décision attaquée préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation dès lors qu’il n’est plus en situation régulière depuis le 30 août 2023 et encourt le risque, du fait d’une erreur de parcours isolée et ancienne, de perdre son épouse, son jeune enfant et son emploi.

Sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté :
L’arrêté contesté méconnaît les stipulations de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu’il est ascendant direct d’un enfant français mineur résidant en France, l'enfant OY, né en 2018 en France et disposant de la nationalité française puisque sa mère est elle-même de nationalité française, subvient aux besoins de son enfant et dispose de l'autorité parentale à son égard.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation :
Il démontre une erreur manifeste d’appréciation de sa situation. Cette dernière est motivée par une menace à l’ordre public qui n’est pas caractérisée dès lors qu’aucune condamnation n’a été prononcée depuis 2020 à son encontre et qu’il est parfaitement intégré tant du point de vue personnel que social.

Les arguments de la préfecture de police de Paris :
Le préfet de police a produit des pièces, enregistrées le 30 janvier 2025 et conclut au rejet de la requête en faisant valoir, en particulier, que le motif tiré de la menace à l’ordre public est applicable au cas de M. OP et ajoute que l’ancienneté du séjour et de la carrière professionnelle de ce dernier ne sont pas établies.

M. OP, ressortissant algérien né en 1990, entré en France en 2011, a obtenu la délivrance d’un certificat de résidence algérien d’un an valable en 2020 en qualité de parent d’enfant français.

A l’expiration de ce titre, M. OP a sollicité la délivrance d’un certificat de résidence algérien de dix ans et a été muni de récépissés dont le dernier a expiré en juillet 2023. A la suite de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet de police sur sa demande, il a introduit un recours devant ce tribunal qui, par jugement du 4 juin 2024, sous le numéro 2321559, a annulé ladite décision et a enjoint à l’autorité administrative de réexaminer la situation de l’intéressé dans le délai de trois mois. Ce jugement a été exécuté et, par arrêté du 26 juin 2024, après réexamen, le préfet de police a refusé à M. OP la délivrance d’un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été porté à la connaissance de M. OP le 12 décembre 2024 à la suite de la communication à son conseil d’un échange de courriers entre le préfet de police et ce tribunal.

Par la présente requête, M. OP demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 26 juin 2024 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et l’a interdit de retour pour une durée de cinq ans. Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ».

Il ressort des pièces portées à la connaissance de la juge des référés que le requérant a saisi le présent tribunal d’une requête tendant à obtenir l’annulation de l’arrêté du 26 juin 2024 en litige. Le dépôt de cette requête à fin d’annulation, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle n’aurait pas été déposée dans les délais de recours, a eu pour effet de suspendre l’exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ne saurait donc être demandé au juge des référés de suspendre l’exécution de cette décision, dont le recours en annulation formé contre elle a déjà entraîné cet effet suspensif.

S’agissant de l’urgence :

L’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement de titre de séjour.

M. OP, qui a bénéficié d’un titre de séjour et était titulaire d’un récépissé en cours de validité lors du dépôt de sa demande, peut se prévaloir de la présomption d’urgence attachée au refus de délivrance du certificat de résidence algérien de dix ans, lequel le place désormais en situation irrégulière. Le préfet de police ne fait valoir aucun élément de nature à renverser cette présomption. Il s’ensuit que la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative précité doit être regardée comme remplie.

S’agissant du moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

Aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : (…) : Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : / (…) 4. au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an. ».
L’article 7 bis du même accord stipule que : « Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. (…)/ Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées.(…)/ Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (…) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an ».

Ces stipulations ne privent pas les autorités administratives du pouvoir qui leur appartient, en application de la réglementation générale relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, de rejeter, pour un motif tiré de la menace pour l’ordre public, la première demande de délivrance d’un certificat de résidence algérien de dix ans.

Pour rejeter la demande de délivrance d’un certificat de résidence algérien présentée par M. OP sur le fondement des stipulations du g) de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 précitées, le préfet de police oppose à l’intéressé le motif tiré de la menace pour l’ordre public que représente son comportement.

Pour ce faire, le préfet de police s’est référé, en particulier, aux mentions de l’extrait du casier judiciaire national dit « bulletin numéro 2 » et relève, dans l’arrêté attaqué, une condamnation pénale pour violence à l’encontre d’un membre de la famille de M. OP.

Il ajoute, enfin, que l’intéressé déclare vivre en concubinage avec une ressortissante française, qu’il est père d’un enfant mineur de nationalité française et que compte tenu de son comportement constitutif d’une menace à l’ordre public, il n’est pas porté une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et à sa vie familiale.

Toutefois, sans méconnaître la gravité des infractions ayant donné lieu à la condamnation rappelée mais eu égard à l’ancienneté de la commission des faits, en 2017, à l’absence d’antécédents comme de réitération desdites infractions ainsi que, en l’état de l’instruction, à l’ancienneté de la présence en France de M. OP, à la réalité de sa vie familiale, avec son épouse, mère de son enfant, ressortissante française avec laquelle il a contracté mariage en 2022 en présence, au demeurant, comme témoin, de la personne de sa famille qui avait été partie civile à son procès, et avec son enfant, âgé de cinq ans et, enfin, à son insertion professionnelle, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Il résulte de ce qui précède que l’exécution de la décision contestée doit être suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la demande tendant à son annulation.
Il est aussi enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. OP dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.


Référence : Ordonnance du Juge des référés du Tribunal administratif de Paris en date du 3 février portant le N° 2501940


Par Me Fayçal Megherbi, avocat
 



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